Chapitre 2 : Voyage


" Alors Usul, prêt pour le grand jour ? Cela fait maintenant presque sept ans que tu es arrive ici avec ton frère Oon... Et c'est demain que nous saurons lesquels d'entre nous deviendront chevaliers. Nous ne sommes plus que trois, tous les autres ont abandonné... Malheureusement, il n'y a ici que deux armures... Je me demande qui les obtiendra...
- Oui, ca me fait un peu peur, Tori. La journée de demain sera un grand déchirement. Ce sera dur de devoir me séparer, soit de toi, soit de mon frère... ou même peut-être de vous deux ! "

Usul avait mis du temps pour s'habituer a voir Alia comme un garçon, mais a présent il n'y faisait plus guère attention. Il faut dire qu'au cours de ces sept années d'entraînement, elle avait réalisé de tels exploits qu'il était difficile de croire qu'elle n'était pas un homme. Bien des garçons en apparence plus forts qu'elle avaient abandonné au cours de leur première année d'entraînement. Elle s'était même offert le luxe de battre plusieurs fois Tori en combat singulier. Son changement de nom avait également aidé Usul à s'habituer. Il considérait a présent Alia comme sa soeur, et Oon comme son frère. Ce nom qu'elle avait choisi avait été celui de son père, et elle le considérait comme le symbole de sa future vengeance.

" A propos de ton frère, ou est-il passé ? Je ne l'ai pas vu de la journée !
- C'est vrai, je ne me souviens pas de l'avoir croisé depuis ce matin... J'espère qu'il ne lui est rien arrivé !
- Qu'est-ce qui aurait pu lui arriver ? A mon avis, il doit être parti méditer quelque part, peut-être a-t-il besoin d'être seul... C'est normal, ce jour n'est pas un jour ordinaire.
- Tu as raison, il est inutile de s'inquiéter. On devrait plutôt rentrer voir notre maître Bao, il nous a convoqués pour dans une heure... A mon avis, nous retrouverons Oon là-bas !
- Oui, allons-y ! "

Lorsqu'il arrivèrent, Bao était en train de méditer, assis sur le rocher devant la grande cascade de Rozan. N'osant pas le déranger, ils s'assirent au pied du rocher et attendirent la fin de sa méditation. Ils restèrent plusieurs minutes ainsi, puis Bao se leva et se retourna pour leur parler.

" Vous n'êtes que deux... Ce que j'ai a vous dire est très important. Où est Oon ?
- Nous pensions qu'il était par ici... Vous ne l'avez pas non plus vu de la journée ?
- Non... Je suis inquiet. J'espère qu'il n'a pas abandonné. Après en être arrivé jusque-là, ce serait dommage qu'il échoue si près du but.
- De toute façon, au moins l'un d'entre nous devra échouer... Peut-être s'est-il sacrifié pour son frère ou pour moi ?
- Ce genre de sacrifice est vraiment inutile. Une armure reconnaît d'elle même son possesseur, et seul lui peut la porter. Si il doit échouer, ce sera parce que c'était son destin, et non pour un quelconque sacrifice... De plus, cela voudrait dire qu'elle est trop sentimentale pour devenir un chevalier.
- Qu'elle... ?
- Excuse-moi, ma langue a fourché. Il faut le retrouver ! Partez a sa recherche immédiatement ! "

Tout en parlant avec Usul et Tori, Bao avait cherché la cosmo-energie de Alia, mais il ne la sentait pas aux alentours des cinq pics. Il avait alors réalisé qu'il s'était peut-être passé quelque chose de tragique, et avait failli révéler son secret à cause du choc que cette révélation lui avait causé. Il avait envoyé Usul et Tori à sa recherche, mais il pensait qu'ils ne ramèneraient certainement qu'un cadavre. Elle n'avait pas eu le temps de partir assez loin pour qu'il ne la sente plus, et elle était parfaitement incapable de cacher sa cosmo-energie. Il ne restait plus qu'une seule éventualité : elle était morte. Mais qui avait bien pu faire ca ? elle était assez forte pour se défendre, et si quelqu'un avait pu l'éliminer, Bao aurait du sentir son énergie...
Ils cherchèrent durant plusieurs heures, mais leurs recherches se révélèrent infructueuses. Bao décida de ne pas retarder les épreuves, et il fit part de sa décision a Tori et Usul.
" Vous devez subir ces épreuves aujourd'hui. Une telle configuration des astres ne se produira pas avant des années, et est nécessaire au réveil des armures endormies depuis plus de deux cents ans. De plus, le monde a besoin de chevaliers qui se battront pour la justice. Il est donc impératif que vous passiez ces épreuves, et encore plus impératif que vous les réussissiez !
- Vous avez sans doute raison. Où que soit mon frère, j'aurais plus de chances de le retrouver si j'était chevalier.
- Fais attention de ne pas laisser tes sentiments personnels l'emporter sur ton devoir de justice. N'oublie pas qu'un chevalier doit se battre pour les autres et non pour lui-même.
-Bien, maître. Mais j'essaierais tout de même de le retrouver, et rien ne pourra m'empêcher de me battre pour ca.
-Tant que ton coeur est animé par des sentiments justes, n'hésite pas a te battre. Mais n'oublie jamais que tu n'es pas le seul a souffrir d'injustices. Nous sommes dans une période trouble, et si tu deviens chevalier, ta tache sera très lourde. Comme vous le savez, il y a deux armures a proximité. Mais ce que vous ne connaissez pas, c’est leur emplacement exact. Seule l’une d’entre elles est à Rozan. L’autre est située dans la forêt, a plusieurs heures de marche d’ici. Les deux armures sont très différentes, et ne sont pas faites pour les mêmes techniques de combat. Et chacune ne peut être portée que par celui qu’elle aura choisi.
- Mais comment savoir qui l’armure a choisi ?
- Dès la naissance du futur porteur de l’armure, un lien invisible et indestructible se tisse entre le futur chevalier et son armure. L’armure sort alors partiellement de son sommeil, et guide le jeune élu jusqu’à elle. L’armure ne se trompe jamais de porteur. S’il existe au même moment plusieurs personnes pouvant porter la même armure, c’est que l’une d’entre elles est au moins un demi-dieu. Quand à savoir lequel d’entre vous est destiné à porter quelle armure, ce n’est pas si difficile que ça. Tout au long de votre entraînement, je vous ai enseigné à chacun toutes les techniques formant la base du combat. Mais ces techniques sont très insuffisantes pour pouvoir battre même le plus faible des chevaliers. Il faut pour cela utiliser d’autres coups, plus efficaces et hautement spécialisés, qui sont uniques pour chaque armure. Ces trois dernières années, je vous ai enseigné la plupart des techniques des deux armures se trouvant ici, et vous avez sans doute pu remarquer que vous ne les utilisiez pas avec la même facilité. Ceci est du au fait que vous êtes chacun proche d’une armure différente. Attention, cela ne veut pas dire que vous êtes chacun destiné à porter une armure, mais seulement que vous en êtes proches. Une armure peut très bien rester sans propriétaire durant des siècles, et j’ai même entendu parler d’une armure extrêmement puissante qui n’aurait jamais trouvé une seule personne digne de la porter, et qui ne se réveillera sans doute que pour l’ultime guerre galactique. J’ai donc remarqué que Tori était plus enclin à utiliser les techniques de l’armure du tigre, qui se trouve dans la forêt, tandis qu’Usul utilisait plus facilement les techniques de l’armure du dragon, qui se trouve ici, aux cinq pics. Quand à Oon, et bien... Je doit admettre qu’il n’avait l’air de se rapprocher d’aucune de ces deux armures. Cependant, je l’ai vu a plusieurs reprises utiliser des techniques très puissantes, mais celles-ci me restent totalement inconnues. Vous allez maintenant devoir passer une épreuve extrêmement difficile. Usul, je te ferais personnellement passer l’épreuve de l’armure du dragon. Quand à toi Tori, tu devras malheureusement te débrouiller seul. Rends-toi dans la forêt, à deux heures de marche à l’ouest d’ici. Une fois là-bas, tu devras suivre ton instinct. Puisse-t-il te conduire à l’armure du Tigre, et puisses-tu triompher de l’épreuve qui t’attendra une fois là-bas.
- Quelle sera cette épreuve, Maître ?
- Je ne le sais malheureusement pas. Mais si tu parviens jusqu’à elle, elle te sera évidente. Et si tu ne parviens pas à la trouver, c’est que le temps ne sera pas venu pour l’armure de se réveiller, et ce ne sera en aucun cas à cause de toi. Maintenant, tu dois aller rencontrer ton destin.
- Bien, Maître. Je pars immédiatement.
- Et moi ? Que vais-je devoir faire ?
- L’épreuve pour obtenir l’armure du dragon est restée la même depuis les débuts des temps. Retrouve-moi dans deux heures devant la grande cascade. Tu apprendras quelle est cette épreuve une fois là-bas. "

Tori marchait depuis plus d’une heure et demie lorsqu’il atteignit la forêt. Il connaissait bien cet endroit, pour y être allé souvent pendant ses années d’entraînement. Il décida de se diriger vers son endroit favoris, une colline surplombée d’un gigantesque rocher, du haut duquel il pouvait contempler la plus belle vue des environs sur plusieurs kilomètres. Il resta ainsi plusieurs minutes, subjugué par le paysage qui monopolisait autrefois son attention des heures durant. Puis il se mit à réfléchir à l’emplacement de cette armure. Observant le paysage avec attention dans l’espoir de découvrir un indice, rien de particulier ne l’interpella. Il connaissait bien le panorama, et chaque détail lui paraissait familier. Il s’apprêtait à descendre de son rocher pour rechercher l’armure lorsqu’un détail attira son attention. Le ciel était d’un bleu plus pur que tout ce qu’il avait jamais vu jusqu’alors, et au beau milieu se tenait un unique nuage, immobile juste au dessous du soleil. Le nuage avait la forme d’un tigre prêt à bondir. Son ombre s’étendait sur les arbres de la forêt, et se terminait juste sur un petit buisson, au pied du rocher sur lequel se tenait Tori. Celui-ci exultait de bonheur : Il sentait que l’armure se trouvait là, à portée de main. Il ne lui fallut pas longtemps pour découvrir, dissimulée derrière le buisson, l’entrée d’un souterrain qui semblait se prolonger au coeur de l’immense rocher. Cette cavité n’avait pas l’air d’avoir été creusée par l’homme. Tori s’avança un peu. Il n’avait pas la place de se tenir debout, et s’enfonça donc accroupi sous la surface. Il avança ainsi durant plusieurs minutes. La lumière se faisait de plus en plus rare, et Tori avançait à tâtons. Il déboucha soudain dans une pièce immense dans laquelle régnait une étrange clarté. Tori ne pouvait définir d’ou venait cette lumière, mais elle emplissait la pièce comme si elle faisait partie de son atmosphère. Au centre de la pièce se trouvait une statue représentant un tigre. La statue était posée sur un socle cubique, orné de bas-reliefs, le socle se trouvant lui-même posé sur une inscription gravée sur le sol, dans une langue totalement inconnue de Tori. Le texte était disposé en cercle autour d’un unique mot écrit en lettres de grande taille, mais dont le milieu était caché par le socle de la statue. Tori ne pouvait donc voir que la première et la dernière lettre de ce mot : un " A " et un " a ". La lumière était plus forte à proximité de la statue, bien que celle-ci ne semblait pas être une source lumineuse. On aurait plutôt dit une sorte d’aura, qui semblait sortir de cette statue. Par contre, le sol était extrêmement sombre, comme si la lumière n’arrivait pas à l’atteindre. Tori pensait que l’armure devait se trouver à l’intérieur de la statue ou du socle, et se prépara à frapper.

Usul était inquiet. Il se dirigeait vers la grande cascade de Rozan près de laquelle, dans quelques minutes, il apprendrait si ces années d’entraînement avaient servi à quelque chose. Quand il arriva, Bao était déjà là. Il se tenait debout sur un rocher, à quelques mètres au dessus d’Usul. L’eau de la cascade commençait sa chute légèrement au dessus de lui, pour venir s’écraser plus de cinquante mètres en contrebas, ou elle formait un petit lac, lequel se vidait dans un fleuve qui serpentait sur plusieurs kilomètres avant d’atteindre l’océan. Chaque fois qu’Usul venait dans ce endroit, il était émerveillé par l’impression de force millénaire qui se dégageait de la cascade.

" Tu vas maintenant passer l’épreuve pour laquelle tu t’es entraîné durant toutes ces années. Je vais donc te révéler la nature de cette épreuve. Tu vois cette cascade ? Elle s’écoule ainsi depuis des siècles. Les lois de la nature font que l’eau a toujours tendance à tomber vers le bas. Et depuis la nuit des temps, l’épreuve qui doit sacrer le futur chevalier du Dragon est restée inchangée : Tu vas devoir renverser ce cours d’eau. La cascade devra s’écouler du bas vers le haut.
- Mais c’est impossible! Le cours d’un fleuve ne peut s’écouler que vers le bas ! Nul ne peut aller contre les lois de la nature !
- Ces lois que tu appelles lois de la nature sont comme toutes les autres lois, et même si elles te paraissent éternelles et immuables, certaines peuvent être brisées, et les autres peuvent être contournées.
- Et la loi qui fait tomber l’eau vers le bas fait partie de quelle catégorie ?
- Ca, ce sera à toi de le découvrir. "

Usul s’approcha lentement de la cascade, le ventre noué par l’appréhension. Il était enfin arrivé au terme de son entraînement, et cela lui faisait peur. Il saurait bientôt si toutes ces années de souffrances n’avaient pas été inutiles. S’il ne parvenait pas à faire remonter cette cascade, il ne serait jamais un chevalier. Et si il ne devenait pas un chevalier... Il ne pouvait pas se le permettre. Il repensa à sa soeur, Alia, qui avait disparu sept ans auparavant pour devenir Oon. Puis Oon avait également disparu. Il se devait de la retrouver. Et pour cela Usul devait devenir un chevalier. Il se demandait comment il pourrait contrer cette puissance phénoménale avec laquelle tombaient ces tonnes de liquide. Il avança une main sous le cours d’eau. La pression était immense. Il faudrait utiliser une attaque extrêmement puissante pour arriver à quelque chose. Il se souvint alors d’une attaque que lui avait appris son maître. Cette attaque pouvait se présenter sous plusieurs formes, coup de poing ou de pied, mais trois choses restaient cependant identiques : le coup porté était unique, d’une puissance extrême, et le métabolisme de celui qui le portait était transformé. Un surplus d’énergie était apporté par une inversion du sens de la circulation sanguine. Ce coup, il le connaissait par coeur pour l’avoir étudié longuement dans chacun de ses détails, mais il ne l’avait jamais porté à sa puissance maximale. Mais aujourd’hui il se sentait près à utiliser la colère du Dragon.

Et il frappa.

La cascade remonta contre son propre courant à l’instant même ou la roche recouvrant l’armure du Tigre éclatait sous les coups de Tori. Mais ce ne fut pas la seule conséquence de son coup. Celui-ci s’en rendit compte au moment ou il découvrit l’armure du Tigre posée sur son socle. Elle commençait à pencher dangereusement, le sceau sur lequel elle était posée n’étant plus soutenu. Même le sol, pourtant composé du granit le plus dur, commençait à se fendre et à bouger. Tori se retourna promptement, et vit que le couloir par lequel il était arrivé avait été bouché par un éboulis. Le plafond commença à trembler, et il réalisa qu’il ne lui restait plus qu’une chance de s’en sortir vivant. Il commença à se jeter sur l’armure, mais celle-ci avait été plus rapide que lui et s’était d’elle-même démontée, et chaque pièce se dirigeait vers une partie de son corps. Il sentit une formidable puissance monter en lui, et fut fort étonné de constater qu’il avait déjà rattrapé le socle de l’armure, qui avait failli tomber dans une crevasse qui venait de s’ouvrir, alors qu’il ne l’avait vu que depuis une fraction de seconde. Il réalisa alors qu’il était désormais capable de dépasser la vitesse du son. Il jeta un coup d’oeil dans la crevasse, et aperçut le sceau sur lequel était posée l’armure, tournoyant dans le vide pour aller s’abîmer dans les tréfonds de la terre. Il put voir distinctement le mot qui était caché par le socle de la statue : Aqena, mais n’eut que le temps d’apercevoir la fin du mot inscrit sur l’autre face : -deV. Le sol s’effondra sous lui, et il eut juste le temps de se rattraper à une corniche. Il réussit à remonter avec une étrange facilité due à l’armure, et se mit à courir vers la sortie. L’armure lui donna la force de dégager les éboulis en un seul coup. Une fois sorti, il vit le rocher sous lequel il se tenait quelques secondes auparavant s’enfoncer lentement dans le sol. Lorsqu’il s’arrêta, la colline elle-même avait disparu. Le flot qui s’élevait sous le coup d’Usul avait une puissance phénoménale. Plusieurs dizaines de tonnes d’eau défiaient la gravité et remontaient le cours du fleuve. Le petit lac, formé par l’eau de la cascade qui stagnait un peu, comme pour se reposer avant de reprendre son cours vers la mer, ne tarda pas à se vider entièrement. Usul était étonné de voir qu’il détenait une telle puissance. Il observa un moment la cascade qui ne coulait plus, puis baissa les yeux vers l’endroit ou quelques instant plus tôt se tenait un lac. Là, un objet étrange attira son attention.

" Dans cette boite se trouve l’armure du Dragon qui t’attends depuis des siècles. Va la chercher. Une poignée reliée à une chaîne te permettra de l’ouvrir. Mais n’oublies pas : tu ne dois le faire que pour défendre la justice ou lorsque tu es toi-même en danger. Si tu t’avisais d’utiliser le pouvoir qui t’est accordé à des fins purement égoïstes, tu serais radié de l’ordre des chevaliers.
- Ne vous en faites pas pour ça. Seule la justice anime mon coeur.
- Je l’espère.... et je le crois. "

Usul descendit en direction de la boite. Elle était en métal, d’environs un mètre de hauteur, de couleur vert émeraude. Chacune de ses faces était ornée de bas-reliefs, et la poignée était rangée dans la bouche d’une tête de dragon sculptée. Sur la face opposée était fixée une paire de lanières de cuir, d’un cuir étrange qui semblait extrêmement solide. Ces lanières devaient permettre de transporter l’armure sur le dos. Usul les passa autour des bras et les remonta vers Bao.

" Va attendre Tori sur le chemin qui mène à la forêt. Dès qu’il arrivera, rejoignez-moi ici. S’il n’est pas arrivé à la tombée de la nuit, je crains que cela ne veuille dire qu’il ne reviendra pas. "

Usul partit vers le chemin de la forêt. Une fois qu’il l’eut atteint, il posa son armure et s’assit dessus, en tailleur. Il essaya de réfléchir à son avenir en attendant Tori, mais ne parvint pas à imaginer le reste de sa vie. Tori arriva presque une heure plus tard. Il avait l’air extrêmement fatigué, mais un sourire illuminait son visage. Et sur son dos, il portait une boite semblable à celle qu’Usul avait trouvé au fond de l’eau.

" Ainsi, tu es toi aussi devenu un chevalier !
- Et oui. Mais pour le moment je suis exténué, j’ai couru sur tout le chemin du retour, et j’ai bien besoin de me reposer.
- Désolé de te dire ça, mais je crois que ca va pas être possible immédiatement ! Le maître nous attend près de la cascade.
- Oh non ! J’espère qu’on en a pas pour longtemps ! "

Lorsque Bao les vit arriver, il éprouva un intense soulagement. Il avait toujours pensé que Tori réussirait, mais maintenant que c’était fait cela lui enleva un gros poids sur le coeur.

" Je suis heureux que vous ayez tous deux triomphé des épreuves qui vous attendaient. Mais ne croyez pas que la vie de chevalier soit plus facile que la vie d’apprenti. Vous allez maintenant devoir servir la déesse Athena. La première chose que vous ayez à faire est d’aller prévenir le grand Pope au sanctuaire du fait que deux chevaliers de plus ont rejoint les rangs d’Athena.
- Le grand Pope ? Le sanctuaire ?
- Le grand Pope dirige les chevaliers au nom d’Athena. C’est lui-même un ancien chevalier, qu’Athena a jugé avoir la sagesse requise pour pouvoir parler en son nom. Il réside au sanctuaire, en Grèce. C’est aussi à cet endroit que se trouvent les douzes maisons des chevaliers d’or, ainsi que la jeune fille qui est la réincarnation d’Athena.
- En Grèce ? Je n’en ai jamais entendu parler. Ou est-ce ?
- La Grèce est située loin à l’occident, à plusieurs mois de marche d’ici. Ce voyage est impossible pour des hommes normaux, et très difficile pour des chevaliers. Mais je sais que vous y arriverez. Vous partez demain matin.
- Et vous, que ferez-vous après notre départ ?
- Le grand Pope m’a confié une mission, et je me dois de la mener à bien. Mais ceci ne vous concerne pas contentez-vous d’obéir. Et allez vous reposer. Vous en aurez grand besoin. "

*

Ils se mirent en route le lendemain a l'aube. Ils partirent sur le chemin sans faire leurs adieux à Bao, par crainte de ne pouvoir cacher leur tristesse de quitter le lieu ou ils avaient passé tant de temps. Mis a part leurs armures, ils n'emportaient quasiment pas de bagages. Un surplus de poids ne ferait que les ralentir, et ils n'avaient pas besoin de grand-chose pour marcher. Au cours des premiers jours du voyage, Usul se rappelait un autre voyage qu'il avait fait plusieurs années plus tôt. C'était au même endroit, il avait fait le même chemin en sens inverse. La personne à ses cotes avait changé, mais c'était la même chose : ce voyage symbolisait le deuxième tournant de sa vie. Le premier, il avait eu lieu avec sa soeur Alia après la mort de leurs parents, lorsqu'il avait décidé d'aller voir ce Bao dont lui avait parlé le vieux Wan. A présent c'était Tori qui était avec lui, et Alia avait disparu deux jours avant qu'ils ne partent. Il avait a présent peu d'espoir de la revoir un jour, car même si elle était vivante, elle devait être quelque part près de Rozan, et il n'était pas sur de pouvoir revenir un jour en Chine, même si il le voulait. Il lui faudrait désormais obéir aux ordres du grand Pope et se battre pour Athéna. Il aurait de grandes chances de mourir, et même si il restait en vie, il ne pourrait certainement pas refaire ce voyage. De plus, il n'aurait certainement pas le courage de prendre le risque de revenir, pour peut-être découvrir que sa soeur était morte. Mais il avait quand même accepté de partir, car dans ce voyage résidait la plus grande chance qu'il avait de la revoir vivante : Ils allaient passer par son village, qui avait été dévasté quelques années plus tôt par des soldats inconnus. Et il espérait que peut-être Alia était revenue dans ce village, qu'elle avait disparu volontairement, peut-être par peur de ce qui l'attendait si elle devenait chevalier. Cela ne lui ressemblait pas vraiment, mais c'était le dernier espoir d'Usul. Il n'en avait parlé à personne, mais c'était ce qui l'avait motivé pour partir vers la Grèce. Et maintenant il marchait, en silence, avec Tori, vers ce village qu'il avait quitté en flammes après la mort de ses parents. Tori n'était pas au courant de leur destination. Il était celui des deux qui avait le moins le sens de l'orientation, et il faisait entièrement confiance à Usul quand à la direction à suivre. Celui-ci s'était contenté de marcher vers son village, qu'il savait légèrement plus au nord que Rozan, a plusieurs jours de marche vers l'ouest. Il commençait à reconnaître le paysage, et sentait qu'ils se rapprochaient. Ils étaient partis depuis moins d'une semaine, mais avaient marché presque trois fois plus vite que lorsqu'Usul et Alia avaient quitté leur village. En continuant à ce rythme, Usul pensait arriver le lendemain, dans l'après-midi. Il repensa à sa soeur. Il ne pouvait pas imaginer qu'elle fut morte, et n'arrivait pas à penser à un autre endroit ou elle aurait put être. Pour lui, elle était au village et l'attendait. Il imaginait leurs retrouvailles, et cette pensée l'emplit de bonheur. Il repensa à elle, à leur enfance qui s'était déroulée à quelques dizaines de kilomètres de l'endroit où il se trouvait. Il revoyait son sourire, et entendait son rire d'enfant résonner dans sa tête. Il repensa à son visage. Ce visage, il ne l'avait pas revu depuis des années, presque depuis leur arrivée à Rozan. La première année, elle avait eu du mal à s'y habituer, et lui était arrivé d'emmener son frère dans la forêt pour pouvoir lui parler sans l'intermédiaire de ce masque, pour qu'elle revoit quelqu'un la regarder dans les yeux. Elle le fit de moins en moins au cours du temps, et ne le refit jamais à partir de la deuxième année. Il se demanda à quoi pouvait ressembler ce visage à présent. Elle avait six années de plus, et avait du bien changer... Il l'avait vu grandir, mais n'avait pas pu voir les effets du temps sur ce visage. Il n'arrivait pas à s'imaginer sa soeur autrement que comme la petite fille de six ans, ou comme le guerrier masqué qu'il avait si souvent combattu à l'entraînement. Il sentit tout à coup une main l'agripper à l'épaule.
" Alors Usul, à quoi penses-tu ? Tu pourrait au moins répondre quand je te parle !
- Désolé... je pensais à... c'est sans importance. Tu disais ?
- Je pensais qu'on devrait s'arrêter pour aujourd'hui. La nuit ne va pas tarder à tomber, et nous devons trouver un abris.
- Tu as sans doute raison. Mais j'aurais aimé continuer un peu ce soir...
- Pourquoi ? Nous avons encore une longue route devant nous, et je ne crois pas que ca nous avancerait beaucoup. De plus, nous avons tous deux besoin de dormir, et je commence à avoir faim. Tu n'as qu'à commencer à faire un feu, je vais essayer de trouver du gibier pour le dîner. "

*

Lorsque Tori se réveilla le lendemain matin, Usul était déjà debout. Il lui dit qu’il ne s’était levé que depuis quelques minutes, mais en vérité, il n’avait pas dormi de la nuit. La pensée de ses retrouvailles avec sa soeur l’avait empêché de s’endormir, et il avait passé la nuit à marcher autour du campement. Il s’était éloigné de plusieurs kilomètres, et avait exploré les environs sans cesser de penser à sa soeur. Tori savait qu’Usul lui avait menti, mais décida de ne pas le lui faire remarquer. Il s’était en effet réveillé au milieu de la nuit, et avait remarqué qu’Usul était absent. Mais il pensa qu’il avait très bien pu se lever pour une raison quelconque, et ne voyait pas ce qu’il pouvait lui reprocher.

Ils se remirent en route quelques minutes plus tard, en direction de l’ouest. Ils arrivèrent au village vers la fin de la matinée. Tori ne savait rien de ce qui était arrivé à son compagnon avant qu’il arrive à Rozan, Usul ayant toujours évité le sujet pendant leurs années d’entraînement, mais il sentait qu’il s’était passé ici quelque chose d’important dans la vie d’Usul. Celui-ci n’avait pas eu l’air étonné de trouver un village en ruine qui paraissait abandonné depuis des années, et paraissait même connaître l’endroit. Usul n’avait pas dit un mot depuis leur arrivée dans ces ruines, et n’avait fait qu’observer les alentours, comme si il cherchait quelque chose... ou peut-être quelqu’un. Tori décida de briser le silence, et de poser la question qui lui tenait à coeur depuis un moment déjà.

" J’ai l’impression que cet endroit a une grande importance pour toi, et que tu nous a amenés ici délibérément. J’aimerais que tu me dise pourquoi. Quel est cet endroit ? Et que pensais-tu trouver en venant ici ?
- C’est le village ou j’ai passé mon enfance. Tout le monde a été massacré, c’est pour ça que je suis venu à Rozan. Pour venger ma famille. Je voulais revenir une dernière fois. Mais il n’y a rien ici qui mérite un quelconque intérêt. Partons.
- Tu ne me dis pas tout. Tu pensais que Oon avait pu revenir ici, n’est-ce pas ? Tu aurait du m’en parler. Je ne suis pas sur que ce que tu as subi ici devait être réveillé.
- Si je t’avais dit que l’on passerait par ici, tu m’en aurait empêché. Tu ne peut pas comprendre ce que je ressent.
- Non. Je ne pense pas que j’aurais pu te dire quoi que ce soit. C’est ton choix et je le respecte. Et puis, c’est vrai que nous aurions pu trouver Oon. Malheureusement, il n’est pas là.
- A propos de Oon, il faut que je te dise... non, ca n’a pas d’importance. C’était mon dernier espoir de le retrouver, et il vient d’être réduit à néant. Je vais devoir me faire à l’idée de ne plus jamais le revoir.
- Tu sais, je ne t’ai pas tout dit à propos de mon enfance. J’avais moi aussi un frère, plus âgé que moi de deux ans. Je l’admirais, pour moi c’était un héros, presque un dieu. Un jour il est mort, il s’est noyé en tombant de la barque avec laquelle nous allions pécher. J’ai alors découvert que la vie était parfois extrêmement cruelle. Chaque fois que je repensait à lui, je sentais une blessure béante dans mon coeur. J’ai alors décidé de l’oublier, de faire comme si il n’avait jamais existé. Jusqu’à la disparition de Oon. La blessure s’est rouverte, mais elle a changé. Je suis maintenant capable d’accepter la mort de quelqu’un qui m’est cher. Et je pense que tu devrais aussi apprendre cette acceptation.
- Jamais je ne pourrait accepter la mort d’un proche. J’ai juré de venger mes parents, et c’est pour ca que je suis devenu chevalier. Et maintenant ma vengeance n’en sera que plus terrible. Personne n’avait le droit de détruire ma famille ! "

Un rire fit soudain se retourner les deux chevaliers. Il provenait d’une femme qui se trouvait a quelques mètres derrière eux. Aucun des deux ne l’avait entendue arriver, et ils se demandèrent comment elle avait pu faire pour arriver jusqu’ici sans se faire remarquer. Quelque chose dans son apparence surprit les jeunes garçons. Ses longs cheveux d’un noir absolu arrivaient presque au niveau du sol, et ses yeux étaient d’un vert profond semblable à celui de l’émeraude. Cependant, ce n’était pas cela que Tori et Usul avaient remarqué, mais le fait qu’elle portait une armure. Cette armure paraissait étrange, avec des motifs représentant des visages en train de pleurer.

" Que fais-tu ici ? tu es une femme, comment se fait-il que tu portes une armure ? Athéna interdit aux femmes de se battre !
- Tu crois peut-être que seule Athéna possède des guerriers à son service ? Je suis Admété, amazone de la source, envoyée par Artémis pour débarrasser le monde de deux nouveaux chevaliers Athéna. Vous n’ayez pas l’air aussi dangereux que ce que l’on m’avait laissé croire, et je vais donc me débarrasser de vous deux rapidement. Et je vais commencer pas toi. Par les larmes éternelles ! "

La amazone bondit sur Tori et, sans lui laisser le temps de revêtir son armure, le rua d’une avalanche de coups de poing. Tori avait cependant déjà adopté une position défensive, et évita la plupart des projectiles. Les rares qui parvinrent a le toucher n’atteignirent aucun endroit vital, mais il put sentir qu’un tel coup serait mortel si il touchait la tête ou un autre endroit sensible. Il roula sur le cote et parvint a se mettre en relative sécurité, mais le sourire qui se dessinait sur le visage de la amazone laissaient entendre qu’elle était loin d’utiliser ses capacités maximales. Elle s’apprêta à frapper une deuxième fois, quand une main agrippa son poignet. C’était Usul, revêtu de l’armure du Dragon.

" Je sais que l’honneur interdit de se battre a deux contre un, surtout contre une femme , mais je voudrait juste laisser le temps a mon ami de revêtir son armure. Et je voudrait également te dire que puisque tu es une femme, nous n’allons pas te tuer. Nous allons seulement t’immobiliser afin que tu ne puisses plus te mettre en travers de notre route. Au fait, tu ne nous a pas laissé le temps de nous présenter. Je suis Usul, chevalier de bronze a l'armure du Dragon., et voici Tori, le chevalier du Tigre."

Tori profita de cet instant de répit pour endosser son armure. Lui non plus ne voulait pas se battre contre une femme, mais il lui fallait tout de même réagir a cette agression. Il imagina en moins d’une seconde une stratégie pour se débarrasser de cet ennemi sans lui faire de mal, et la mit a exécution aussitôt qu’Usul eut lâché Admété. Celui-ci fut tout d’abord étonné de voir son ami se ruer avec une telle agressivité sur la amazone de la source, mais comprit bien vite ou il voulait en venir. Tori avait utilisé une de ses techniques d’attaque les plus puissantes, appelée la Griffe du Tigre, et son adversaire n’eut pas vraiment le temps d’éviter l’attaque, mais seulement celui de se mettre dans une position défensive pour éviter de se faire déchiqueter par le chevalier du Tigre. Dès que son unique coup fut porté, celui-ci bondit en arrière pour se retrouver a plusieurs mètres de Admété. La amazone eut un petit sourire.

" Apparemment, tu n’es pas de l’avis de ton ami, et tu veux te battre. Tant mieux, je n’aime pas les victoires faciles. Seulement je dois te prévenir que ton attaque a complètement échoué, je n’ai absolument rien senti.
- C’est normal. Contrairement a ce que tu semble croire, moi non plus je ne saurai faire du mal à une femme. C’est pourquoi ce n’était pas toi que je visais. Et apparemment, mon coup a été plus efficace que tu ne le pense. Regarde un peu ton armure. "

Effectivement, des fissure apparaissait sur l’armure de la amazone, a l’endroit ou Tori avait frappé, et elle continuait à se fendiller.

" Plus que quelques coups, et ton armure ne sera plus qu’un petit tas de morceaux de métal inutile, tu ne sera plus une menace pour nous. Apprend qu’il ne faut jamais sous-estimer les guerriers sacrés d’Athéna. Maintenant que tu es presque impuissante, j’aimerais te poser quelques questions. Pourquoi Artemis cherche-t-elle notre mort ? Que je sache, elle n’est pas en guerre contre Athéna, sinon notre maître Bao nous l’aurait dit... a moins qu’une guerre ne se soit déclenchée depuis que nous sommes partis des cinq pics ? ca me paraît peu probable. Explique nous donc ca.
- Evidemment qu’il n’y a aucune guerre officielle entre Athéna et Artémis ! Seulement une divergence d’opinion qui date des temps anciens... Il est donc toujours bon d’affaiblir un peu la garde de cette traînée ! Surtout qu’Artémis prépare en ce moment même une guerre contre Athéna ! Mais ne croyez surtout pas que vous allez pouvoir partir en emportant tous ces renseignements avec vous, car vous allez mourir... Même si mon armure est abîmée et ne protège plus autant, ma puissance offensive est intacte ! De plus, contrairement a ce que vous croyez, je ne suis pas venue seule... Danaé, a toi de jouer ! "

A ce moment, une autre guerrière en armure sortit de derrière une ruine.

" Je suis Danaé, amazone de la danse, au service d’Artemis, et mon seul but est votre mort. "

Son armure était semblable à celle de la amazone de la source, a ceci près qu’elle était recouverte de motifs représentant des femmes en train de danser. Elle s’avança vers Usul

" Tu sera mon adversaire. Et tant pis pour toi si ta morale t’empêche de me frapper, sache que de mon cote je n’hésiterais pas.
- Tu as bien vu ce que mon ami a fait a l’armure de ta collègue... sache que je suis parfaitement capable d’en faire autant avec la tienne, et que ceci n’est pas interdit par ma morale... alors je te laisse encore une chance d’abandonner.
- Si tu penses pouvoir gagner aussi facilement, tu te trompes... je te tuerais sans que tu puisses rien y faire ! Par le bal des démons !"

Usul eut à peine le temps de voir un mouvement partir sur sa droite, qu’il sentit un choc dans son dos. Cette amazone était rapide, bien plus rapide qu'Admété. Elle lui avait donné un coup de pied dans le dos avant même qu’il est eu le temps de réagir. Il avait heureusement eu le réflexe de se jeter en avant des qu’il avait senti le coup, et avait pu se retourner pour faire maintenant face à son adversaire. Le choc n’avait cependant pas été trop violent, et il ne pensait pas que de tels coups puissent avoir raison de lui. Mais avec une telle vitesse de déplacement, il se demandait s’il pourrait détruire son armure comme Tori l’avait fait avec celle de la amazone de la source. Il jeta un coup d’oeil vers son ami. Celui-ci faisait face à Admété qui, bien que portant une armure abîmée, s’obstinait à vouloir faire face à ce guerrier qui était manifestement bien plus fort qu’elle. Elle esquissa un geste en direction de Tori, mais celui-ci roula sur le cote pour éviter le coup. Elle recommença plusieurs fois son attaque, et Tori l’évita a chaque fois, ne cherchant manifestement pas a la frapper, mais seulement à se protéger. Usul se reconcentra sur son adversaire. Danaé avait adopté une posture étrange, qui ne ressemblait pas à une position de combat, mais plus à une pas de danse. Elle s’avança, en rythme, s’approchant a chaque pas d’Usul. Celui-ci ne bougeait pas, préférant observer la technique étrange de son adversaire pour trouver la faille qui lui permettrait d’attaquer. Soudain, sans prévenir, Danaé jeta son pied droit en avant. Usul partit pour une contre-attaque, visant la partie de l’armure protégeant la jambe gauche de Danaé, mais celle ci interrompit le mouvement de son pied, qui vint frapper le bras d’Usul. Celui-ci resta abasourdi. Pas tant par l’impact, qui bien que puissant n’était pas de taille à faire trembler un chevalier, mais par la rapidité du changement de position de la amazone, qui avait modifié le mouvement de son pied à l’instant même ou il avait entamé sa contre-attaque. La vitesse du pied était impressionnante, presque celle du son, mais ne dépassait cependant pas celle du poing d’Usul. Pourtant, ce pied avait arrêté son poing. Il décida de donner un autre coup sur une autre partie de l’armure, tout en observant le pied de son adversaire. Celui-ci parti au même instant que son poing, pour le bloquer sur sa trajectoire. Un être humain normal aurait mis plus d’une seconde pour entamer son mouvement. Un chevalier aurait mis un peu moins d’une milliseconde. Et cette femme l’avait fait instantanément !

" Jolis réflexes. Tu n’es pas plus rapide que moi, mais tu réagis vite !
- J’ai un avantage sur toi. J’ai travaillé la vitesse de ce réflexe pendant des années, et mon pied peut maintenant se mouvoir tout seul. Contrairement aux gens normaux, mon oeil envoie directement les informations qu’il capte dans ma jambe, qui part aussitôt bloquer le poing de mon adversaire. Avec ce millième de seconde que je gagne, je peut arrêter chacun des coups de mon adversaire, tant qu’il n’est pas deux fois plus rapide que moi. Tu vas peut-être a la vitesse du son, mais j’arrêterai quand même chacun de tes coups. "

Pourquoi révélait-elle aussi facilement son secret ? C’est ce qu’Usul avait voulu obtenir en lui parlant, mais ca paraissait un peu facile... a moins qu’elle n’ait autre chose en réserve. Ou qu’elle pense que ses réflexes lui donnaient un tel avantage sur son ennemi qu’elle n’avait même pas besoin de lui cacher ca ? Il serait effectivement difficile de parvenir à la toucher... Il fallait trouver la faille. Il y a toujours une faille.

Usul réalisa une feinte du pied droit, puis attaqua son adversaire du poing. D’un mouvement rotatif, la jambe de Danaé dévia la trajectoire du poing du chevalier du Dragon. Celui-ci hésita. Une furieuse envie d’utiliser une des puissantes techniques qu’il avait appris de son maître le démangeait, mais il risquait de blesser son adversaire. Et son honneur le lui interdisait. Il jeta un nouveau coup d’oeil en direction de son ami. Il continuait à éviter les coups d'Admété, et les deux combattants s’étaient lentement rapprochés d'Usul et Danaé. Un idée illumina alors son esprit. Il pourrait réussir à se débarrasser des deux adversaires sans les frapper, mais ca n’allait pas être facile. Et si il échouait, le piège serait révélé, il n’aurait pas de deuxième essai. Il continua d’essayer de frapper la amazone de la danse, mais sans chercher à toucher sa cible. Il se rapprochait insensiblement des deux autres combattants, jusqu’à se trouver presque dos à dos avec Admété. Il eut alors un vif mouvement de recul. Danaé s’avança, et Usul fit un bond qui l’amena entre Tori et Admété. Cette dernière se retrouvant entre le chevalier du Dragon et la amazone de la danse, elle esquissa un mouvement sur le cote, mais Usul lança son poing sur ce même cote en évitant de la frapper, la bloquant entre les combattants. Danaé envoya son pied, mais le poing d’Usul repartit aussi sec derrière le corps de la amazone de la source. Le pied de Danaé atteignit le poing du chevalier du Dragon, mais non sans avoir au préalable traversé le flanc de l’autre amazone. Le sang avait giclé, et l’horreur se lisait sur le visage de Danaé. Elle avait frappé une amazone, une amie. Et elle l’avait blessée. Peut-être même tuée. Usul ne s’attendait pas non plus à une telle conclusion. Il avait bien sur prévu que Danaé frapperait Admété, et ne pourrait pas arrêter son pied volontairement puisque celui-ci ne recevait pas ses ordres du cerveau, mais il n’avait pas prévu que le choc serait si violent. Et il n’avait pas vu qu’à cette endroit, Tori avait déjà presque complètement détruit l’armure de la amazone. Il avait pensé qu’après que Danaé briserait l’armure de Admété, elle avait mit un instant pour comprendre ce qui arrivait, et qu’il aurait pu profiter de cet instant pour donner un coup très puissant dans l’armure de la amazone. Il regarda Admété. Elle avait le flanc complètement déchiré, et il était étonnant qu‘elle soit encore vivante. Mais ses lèvres remuèrent pour murmurer une phrase que personne n’entendit. Usul se redressa et s’éloigna du lieu du combat. Danaé avait pris Admété dans ses bras, et pleurait. Tori regardait la scène sans y croire vraiment. Les deux chevaliers avaient combattu sans vouloir blesser, mais l’une des amazones était mourante, et expira bientôt son dernier soupir. Cela signifiait sûrement qu’ils étaient victorieux, mais cette victoire avait un goût amer. Usul se risqua a prononcer quelques mots.

" Je.... Je ne voulais pas que ca se passe ainsi.
- Elle est morte, répondit Danaé. Et c’est moi qui l’ait tuée. Partez. Je dois rester seule avec elle. Mais sachez que si je vous retrouve un jour sur ma route, vous mourrez. "

*

Cela faisait maintenant presque un an qu'ils étaient partis. Quelques mois plus tôt, ils avaient décidé de contourner les montagnes de l'Himalaya par le nord, pensant que ce serait certainement plus facile. Ils avaient rencontré les premières neiges un mois plus tard, et maintenant le froid était absolu. Ils avaient plusieurs fois du passer la nuit dehors, et même s'ils étaient des chevaliers, censés n'avoir peut de rien et de personne, combattant pour la justice et la liberté, ils appréciaient de pouvoir passer la nuit dans ce village, près d'un bon feu. Les habitants n'étaient pas vraiment du genre à inviter des étrangers chez eux, mais puisque ceux là les avaient débarrasser de la bande de pillards qui rodaient dans le coin, ils avaient accepté de leur offrir l'hospitalité pour une nuit. En attendant de devoir repartir, les chevaliers dormaient, ne sachant pas si ils auraient une autre occasion de se reposer confortablement avant des semaines. Un homme entra dans la pièce où se trouvaient Tori et Usul. Il s'approcha doucement des deux chevaliers et les dévisagea longuement, puis il quitta la pièce, en prenant soin de ne pas faire de bruit. Tori se leva alors d'un bond, bien décidé à savoir qui était cet homme et ce qu'il leur voulait. Il n'admettait pas que quelqu'un le réveille en pleine nuit, surtout quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Cela faisait des années qu'il avait le sommeil léger, en fait depuis la mort de son frère, et le froid qu'il avait enduré ces derniers temps n'avait pas vraiment arrangé les choses. Le simple bruit des pas du visiteur sur le plancher avait suffi pour lui faire quitter le monde du sommeil. Il sorti de la maison de leur hôte, et n'eut que le temps d'apercevoir une silhouette disparaître dans l'obscurité. Voulant suivre les traces de pas dans la neige, Tori s'aperçut que celles-ci étaient inexistantes. Il inspecta les alentours sans grand espoir, se demandant quelle était la meilleure attitude à adopter. Il aurait voulu rattraper suivre cet homme pour voir ou il aller, et découvrir son identité... Mais il avait bel et bien disparu. Tori décida alors d'aller se recoucher. Il avait besoin de repos, et pouvait attendre le lendemain pour réfléchir à ce qu'il faudrait faire. Il eut quelques difficultés pour s'endormir, ne pouvant s'empêcher de repenser à l'homme étrange, mais finit par retomber dans les bras de Morphée. Lorsqu'il rouvrit les yeux le lendemain matin, Usul n'était pas dans la pièce. Tori eut tout d'abord une petite panique, pensant qu'il avait pu lui arriver quelque chose, mais se raisonna bien vite et sorti de la pièce. Usul était dehors, penchés sur des traces de pas dans la neige, à moitié effacées par le vent et la neige qui était tombée durant la nuit, mais quand même encore visibles. Tori lui raconta ses aventures nocturnes.

" Quand même, tu aurais pu me réveiller ! Je suis resté la à dormir pendant que tu poursuivait quelqu'un qui était peut-être un ennemis...
- Poursuivre est un bien grand mot, vu que j'ai presque tout de suite perdu sa trace. Et je ne pense pas qu'il y ait vraiment eu du danger. S'il avait voulu nous tuer, je pense qu'il l'aurait fait. Enfin qu'il aurait au moins essayé. Et bien que je ne l'ai pas très bien vue, la silhouette était bien celle d'un homme, ce n'était donc pas une amazone. Si c'est vraiment un ennemi important, cela veut dire qu'un autre dieu qu'Artemis en veut à Athéna... ce n'est pas impossible, mais j'ai du mal à y croire.
- C'est plus crédible que tu ne le penses... réfléchit, si Maître Bao nous envoie en Grèce, c'est qu'il doit s'y passer quelque chose d'important, et quoi de plus important qu'un guerre avec un autre dieu ?
- Un guerrier d'un dieu hostile nous aurait tués pendant notre sommeil. A mon avis, c'est peut être juste un villageois curieux qui est venu voir les deux étranger.
- Si ç'avait été un villageois, tu l'aurais rattrapé sans problème.
- Pas sur. Je lui ai laissé de l'avance, et comme j'étais encore à moitié endormi, j'ai vite abandonné. Il a très bien pu se cacher quelque part ou entrer dans une maison... les villageois connaissent très bien le coin, contrairement à nous. Et on y voit très peu la nuit, quand il neige.
- On va quand même essayer de le retrouver. Les traces ne sont visibles que sur quelques mètres , mais on a la direction générale vers laquelle il est parti.
- Et ça nous avance à quoi ? Il a très bien pu changer de direction, et alors ce serait impossible de le retrouver...
- Ca nous empêche pas d'essayer. Et puis tant pis si on prend un jour de retard, on n'est pas à ça près. Avec un peu de chance, ou retrouvera cet homme. "

Une voix se fit alors entendre derrière les deux chevaliers :

" Ce n'est pas la peine, je suis là. "

Tori et Usul se retournèrent pour faire face à l'homme qui avait parlé. Il était vraiment grand, sûrement plus de deux mètres, et devait peser aux alentours de cent cinquante kilos, bâti entièrement en muscles. Il portait une armure bleu pale, presque blanche.

" Je suis Kahn, chevalier de bronze de la constellation de l'ours blanc et de l'étoile polaire. C'est moi qui vous ai rendu visite cette nuit.
- Pourquoi est-ce qu'un chevalier d'Athéna serait venu nous voir et m'aurait réveillé en pleine nuit pour repartir aussitôt ?
- Je n'avais pas l'intention de vous déranger. J'ai été envoyé pour vous rencontrer il y a une semaine. Mon maître a appris que deux nouveaux chevaliers se dirigeaient vers le sanctuaire, et il m'a dit de venir vous parler. Nous sommes en situation de guerre. Plusieurs dieux se sont alliés contre Athéna. Arès, Dionysos, Hermès et Perséphone en font partie. Asclépios s'est rallié à la cause d'Athéna, avec Eros et Aphrodite. Un chevalier est actuellement en route vers le sanctuaire sous-marin de Poséidon, afin de savoir quelles sont ses intentions. Quand à Hadès, Artémis et Zeus, ils ne se sont pas encore réincarnés. Héphaïstos, Déméter et Héra n'ont quand à eux pas l'air de vouloir prendre part à la bataille. Quelques chevaliers sont déjà morts, mais aucune divinité n'a encore envoyé le gros de ses troupes dans la bataille. La plupart de combats ont opposé des troupes de soldats, mais la situation de va pas tarder à changer. C'est pourquoi nous devons nous rendre au sanctuaire, afin de recevoir les ordres d'Athéna.
- En ce qui concerne Artémis, on peut vous dire que ses intentions sont loin d'être pacifique. On a été attaqués par deux de ses guerriers il y a quelques mois.
- Raison de plus pour se rendre en Grèce sans tarder. Si nous avons un ennemi de plus, le sanctuaire doit savoir. Ce qui m'étonne, c'est que tout le monde pensait qu'elle ne s'était pas réincarnée. Si elle est vivante, elle doit bien avoir un sanctuaire actif ! Hors personne ne l'a jamais vu.
- Ca ne m'étonne pas de la part d'Artémis. D'après ce que je sais sur elle, c'est la déesse de la chasse, et elle n'est pas le genre à se montrer au grand jour. Elle doit se cacher quelque part, peut-être dans une forêt, et son sanctuaire doit être dissimulé, intervint alors Usul, prenant pour la première fois part à la conversation. Mais ca m'étonne que le sanctuaire ne soit pas au courant de sa réincarnation... Peut-être que les amazones nous ont menti, elles sont peut-être à la solde d'un autre dieu.
- Ca m'étonnerait. Elles avaient l'air sincères. Et puis quel autre dieu emploierait des femmes comme guerriers ? De toute façon, ce n'est pas notre priorité, pour l'instant il faut rejoindre le sanctuaire ! Partons, on essaiera de régler cette affaire en chemin ! "

*

Les deux chevaliers se méfiaient de leur nouveau compagnon de route. Certes il portait une armure semblables aux leurs, mais ils n'avaient jamais entendu parler de cette constellation de l'ours blanc, et ce n'étaient pas les explications fumeuses de Kahn comme quoi cette constellation était souvent appelée petite ourse qui allait les rassurer. Depuis une semaine qu'ils faisaient route ensemble vers le sanctuaires, Tori et Usul n'avaient toujours pas réussi à accorder leur confiance à ce colosse qui se disait envoyé par un maître chevalier d'or, qui devait les attendre en Grèce... Comment avait-il eu connaissance de leur voyage ? Et comment les avait-il retrouvés si facilement ? L'ambiance parmi les chevaliers était lourde, pleine de suspicion, et Kahn avait du s'en apercevoir. Il ne faisait cependant aucun effort pour détendre l'atmosphère, ne communiquant que lorsqu'il avait quelque chose d'important à dire. Il avait proposé d'obliquer un peu plus vers le sud, afin d'éviter les montagnes qui se dressaient à l'ouest du désert de glace. Ils avaient fait un grand détour en voulant éviter les chaînes montagneuses qui se dressaient à l'ouest de la chine, et s'étaient aventurés plus au nord qu'ils n'auraient du. Cependant la fin du voyage était pour bientôt, moins d'un mois si tout se passait bien. Des être humains normaux auraient sans doute mis dix fois plus de temps, mais les chevaliers n'étaient pas tout à fait ce que l'on pouvait appeler des êtres humains normaux. Usul et Tori, voulant éprouver les capacités de leur nouveau compagnon, avaient considérablement accéléré le rythme par rapport à la première partie du voyage, ce qui n'avait pas eu l'air de gêner Kahn, mais avait cependant eu un aspect positif, celui de rattraper une partie du retard qu'ils avaient accumulé avec leur détour par le nord. En attendant de trouver un endroit ou passer la nuit, les trois chevaliers avançaient silencieusement, courant à une vitesse qu'aucun être humain n'aurait espéré maintenir plus de trois secondes, et encore, sans porter les massives urnes contenant les armures de bronze... les chevaliers avançaient cependant à cette vitesse depuis l'aurore, et la garderaient certainement jusqu'au crépuscule, comme ils le faisaient depuis plusieurs jours.
Mais un événement les stoppa dans leur élan, les obligeant à s'arrêter au milieu de cette plaine glacée. Cet événement apparu sous la forme d'un homme, allongé au sol, des traces de sang indiquant qu'il s'était traîné jusque-là, blessé, depuis peut-être plusieurs kilomètres. L'homme portait une armure blanche parcourue de multiples fissures, et paraissait bien près de la mort, cependant quelques miettes de vie parcouraient toujours son corps. Kahn s'approcha de l'homme et le retourna afin de voir son visage. Usul et Tori virent alors une grande détresse se dessiner sur le visage du colosse, qui se mit à pleurer. Un acte étrange pour une telle montagne de muscles. Les deux chevalier s'approchèrent pour entendre leur nouveau compagnon parler avec l'homme agonisant.

" Qui t'a fait ca ? dis moi qui est responsable de ca et je te vengerais...
- C'est... il est mauvais. Il faut prévenir.... Athéna.... Le sanctuaire... Le sanctuaire doit savoir ! Va prévenir Athéna...
- Qui ? Qui est mauvais ?
- Po... Poséidon... il veut détruire le sanctuaire. Tu dois l'empêcher. Cours.... Pré... Préviens Athéna ! Vas-y... vite...
- Je la préviendrai. C'est Poséidon qui t'a fait ca ? ne t'inquiètes pas, qui que ce soit, je jure de te venger.
- Maintenant je peut... je peut mourir.... Je sais que.... Tu... tu feras ton devoir... Athéna saura... Adieu...
- Non, ne meurs pas, je t'en prie... reste avec nous.... Nooooooonnn ! "

Le chevalier de l'ours blanc resta plusieurs minutes penché sur le cadavre de l'homme avant de se tourner vers ses compagnons de route :

" C'est... c'était le chevalier qui devait se renseigner sur les intentions de Poséidon. Et c'était surtout un ami. Nous avons fait tout notre entraînement ensemble près de la mer, au nord-est d'ici. Je crois que... que ce qu'il a dit est important. Si les intentions de Poséidon sont belliqueuses, le sanctuaire doit savoir. Mais avant de reprendre la route, je dois lui donner une sépulture décente.
Les trois chevaliers se mirent au travail pour creuser la tombe de celui qui était mort. Usul et Tori n'avaient rien dit depuis qu'ils avaient vu les larmes dans les yeux de Kahn. Ils avaient alors compris que l'homme qui les accompagné, malgré ses faux airs de brute épaisse, était tout aussi humain qu'eux, sinon plus. Regrettant leur attitude de ces derniers jours, ils avaient choisi de se taire, le silence étant bien souvent la meilleure chose à dire. Quand ils eurent terminé, Kahn Posa un énorme bloc de glace sur la tombe, sur lequel il avait gravé le nom du chevalier mort : " Donar, chevalier de Bronze du Cygne "

*

Usul et Tori étaient près à repartir, mais Kahn n'avait pas l'air de vouloir quitter si vite l'endroit.

" Allez-y. Je vous rattraperait. Je dois trouver celui qui a tué mon ami, et il devra payer. Il n'a pas du aller bien loin. Je vais retourner sur les traces de Donar jusqu'à ce que je trouve le lieu du combat. De là, j'essaierai de déterminer où est parti son adversaire.
- Pas question. Nous devons rester ensembles. S'il y a quelqu'un par ici qui est capable de terrasser un chevalier ainsi, nous ne pouvons pas prendre le risque de nous séparer. Usul et moi te suivront où que tu ailles.
- Mais c'est mon combat. Et je dois le gagner seul. Pour mon ami.
- Si telle est ta volonté, tu combattras seul. Mais nous serons présents. Ne fusse que pour inscrire ton nom sur ta tombe.
- Je n'ai aucunement l'intention de mourir. Mais tu as peut-être raison. Venez, mais gardez-vous bien d'intervenir si je dois combattre. Je le vengerais seul. "

Les trois chevaliers se dirigèrent alors vers le nord, suivant les traces du chevalier du cygne. Ils arrivèrent bientôt sur les lieux du combat. Le sol était dévasté, la glace brisée en de nombreux endroits, et du sang était visible sur la neige. Un cadavre gisait sur le sol, présentant de nombreuses blessures. Il portait une armure étrange, chaque pièce étant composée de minuscules éléments se chevauchant, un peu comme les écailles d'un poisson...

" Les marques sur son corps.... Je reconnais bien là les effets des attaques du chevalier du cygne. Il est gelé, bien plus qu'il ne devrait l'être à cette température. Donar l'a donc tué avant de succomber à ses blessures... je n'aurais donc pas à le venger. J'aurais cependant voulu connaître le nom de celui qui m'a pris un ami....
- Celui qui a tué ton ami s'appelle Scytale, marina de la murène... Mais ce n'est pas celui qui gît à tes pieds. "

L'homme qui avait parlé avait paru surgir devant eux de nulle part. Il portai une armure semblable à celle du cadavre, à ceci près qu'elle ressemblait à un gros serpent...

" Ton ami à tué mon compagnon. Je ne lui en veut pas, s'il est mort c'est uniquement parce qu'il était faible. Mais Poséidon nous a ordonné d'empêcher cet homme de transmettre son message, aussi j'ai du l'éliminer. Comme je vais maintenant vous éliminer. Alors, par qui vais-je commencer ?
- Je serais ton seul adversaire. Tu n'aura pas le temps de combattre mes compagnons.
- Tu es un peu présomptueux... enfin, je vais te faire ravaler tes paroles. Que la murène te terrasse ! "

Le marina se jeta alors sur Kahn. Usul et Tori se dégagèrent sur le coté afin de ne pas gêner le chevalier de l'Ours, qui se contenta de se protéger le visage de son bras. L'attaque de Scytale le fit reculer de plusieurs centimètres, mais il n'avait pas l'air d'avoir souffert.

" C'est tout ce dont tu es capable ? Je ne comprend pas comment tu as pu te débarrasser du chevalier du cygne avec aussi peu de puissance... regarde un peu ce dont es capable un vrai combattant ! Par la griffe de l'ours ! "

La main de Kahn fendit l'air à une vitesse inimaginable, et vint frapper le marina de la murène de plein fouet, l'envoyant s'écraser à plusieurs mètres de distance.

" Tu vois, ma puissance n'a rien de comparable à la tienne. D'ordinaire, je t'aurais simplement brisé quelques membres et laissé agonisant, mais en vie, sur le sol, seulement tu as tué mon ami. Je dois donc t'oter la vie, immonde pourriture.
- Tu crois peut-être m'avoir impressionné ? sache que ma première attaque n'en étais pas une. Je ne l'ai portée que pour évaluer ta défense, qui ne m'a pas l'air très efficace. Et si je me suis laissé faire lorsque tu as riposté, c'est juste afin de connaître ta puissance. Maintenant que je suis en possession de ces information, je vais pouvoir te tuer sans problème ! Par les mâchoire de la murène !
- Par les griffes de l'ours ! "

Les deux attaques se rencontrèrent à mi-distance des combattants. Le choc fut terrible, et aucun des guerriers ne semblait avoir le dessus sur l'autre. Ils restèrent ainsi plusieurs secondes, chaque combattant déployant une énergie phénoménale afin de ne pas être submergé par l'attaque de son adversaire puis, chacun sentant qu'il ne pourrait plus tenir bien longtemps, ils se dégagèrent presque en même temps de cette position.

" Finalement, tu n'es pas si mauvais que ca. Tu es plus fort que ton ami, mais cela ne te sauveras pas, tu mourras de mes mains !
- C'est ce que tu crois ! mais tu devrais pourtant savoir que c'est l'ours qui mange le poisson, et non le contraire, sale petite anguille visqueuse... de plus, je ne t'ai pour l'instant montré que ma technique la moins puissante, tu vas maintenant goûter à la véritable force de l'ours en colère... Etranglement Suprême ! "

Kahn se jeta alors sur son adversaire, l'agrippant entre ses bras comme dans un étau, et commença à l'étouffer. Mais le marina se dégagea vers le bas, échappant ainsi à l'étreinte du colosse.

" Tu es encore plus visqueux que je ne pensais ! tu m'as glissé entre les doigts, mais tu ne t'en tireras pas comme ca deux fois !
- C'est pourquoi je vais te montrer de quoi je suis capable ! Que les dents de la murène t'anéantissent ! "

La main de Scytale s'élança à une vitesse extraordinaire, venant attraper le chevalier de l'ours à la gorge. Les doigts commencèrent à s'enfoncer dans la chair, comme si le marina voulait agripper la trachée, l'oesophage et la carotide de Kahn. Le sang coulait sur le bras de la murène, qui continuait à serrer, montrant sa détermination à ne pas lâcher prise avant la mort de sa victime. Usul esquissa un geste en direction des deux combattants, mais Tori le retint.

" Laisse-le. C'est son combat, je lui fait confiance, il s'en sortira. "

Le chevalier de l'ours blanc avait effectivement commencé à se défendre, et ses deux mains tenaient à présent l'avant-bras de son adversaire. Malgré sa blessure à la gorge, il était toujours en état de se défendre, et tenait à le faire savoir. Serrant le bras du marina, il tourna ses mains dans des sens opposés, vrillant la peau de Scytale. Voyant que cela ne suffisait pas à lui faire lâcher prise, il concentra son cosmos et tourna ses mais d'un coup sec. La peau du marina partit en lambeau, le sang giclant sur les deux adversaire. Submergé par la douleur, Scytale lâcha enfin prise. Les trous qu'il avait creusé avec ses doigts dans la chair de son adversaire laissèrent échapper un flot de sang auquel Kahn ne fit même pas attention. L'homme qu'il avait en face de lui avait tué son ami, et avait bien failli le tuer également. Il fallait s'en débarrasser le plus vite possible. Il lança sa main de haut en bas vers le visage de son adversaire, envoyant ainsi sa tête rouler a plusieurs mètres de distance. Un sourire illumina alors le visage du colosse, qui s'écroula dans la neige.
Usul fut le premier à se précipiter sur lui. Retournant l'énorme masse afin de pouvoir évaluer les dégâts dus à sa blessure. Les doigts s'étaient enfoncés très profondément, mais la carotide, l'oesophage et la trachée avaient l'air intact. Arrachant un morceau de tissu avec le moins de taches de sang possible aux vêtements du mort, il le noua autour du cou du colosse pour l'empêcher de saigner, puis entreprit de lui faire reprendre conscience. Kahn ouvrit lentement les yeux, puis se leva et regarda autour de lui. Le sang qu'il avait perdu avait fortement diminué ses capacités, mais cela ne l'empêcha pas d'insister pour reprendre la route

" Nous ne pouvons pas nous permettre d'arriver trop tard. Le sanctuaire a besoin de nous. Partons. Quand à ces deux-là... ils ne méritent même pas que l'on s'occupe de leur sépulture. "

La blessure de Kahn avait ralenti leur progression, mais ils avançaient tout de même à une vitesse impressionnante pour de simples mortels. Après avoir vu leur nouveau compagnon à l'oeuvre, Usul et Tori avaient tout oublié de leur méfiance à son égard, due aux étranges circonstance de leur rencontre.
Les trois chevaliers avaient décidé de s'arrêter le moins possible, afin de pouvoir apporter le plus vite possible au sanctuaire la terrible nouvelle dont ils étaient porteurs : 2 dieux de plus avaient rejoint les rangs ennemis. Et ce n'étaient pas les moins puissants.

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Cette fiction est copyright Ronan Leroy.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.