Chapitre 6 : Fiançailles


Hyoga

L'issue du procès m'avait laissé un goût amer dans la bouche. Jamais je n'aurais imaginé qu'Androgée et Idoménée puissent repartir libres du Sanctuaire. Après tout, le nouveau roi de Knossos avait tout de même bien essayé de nous tuer ! Il ne s'en était fallu d'ailleurs que d'un cheveu qu'il n'y parvienne.

Mais après tout, le douloureux épisode crétois était terminé. Enfin presque. Le ventre d'Hermia ne pouvait bien entendu manifester aucun signe de protubérance pour le moment, mais le simple fait de savoir qu'une vie était en train de s'éveiller et que j'en étais peut-être le père suffisait à me terroriser. Père, moi ? A quinze ans à peine ? Quelle vaste blague !
Pourtant, et je ne pouvais me mentir sur ce point, le corps d'Hermia me manquait atrocement. Le contact de sa peau, ses lèvres chaudes et ses ravissants yeux noirs, tout me manquait. Je devenais fou à la seule idée de savoir qu'elle était près de moi géographiquement et pourtant si loin. Pas qu'elle soit avec Ikki, loin de là. D'ailleurs, elle était aussi distante de mon frère que de moi. Pas distante, non, le mot n'était pas le bon. Elle nous adressait la parole, s'enquérait de nos nouvelles, nous souriait même. Mais il manquait à ce sourire la chaleur qu'elle y mettait sur Knossos. Ikki semblait avoir trouvé la parade, du moins en apparence : il s'occupait de l'entraînement d'un des chevaliers d'Argent. Comme à son habitude, il y mettait tout son cœur et je crois que le disciple se mordait quelque peu les doigts d'avoir demandé à mon irascible frère de l'entraîner. J'avais d'ailleurs assisté à la scène où Jen avait tenté de détruire l'armure du Phénix. Si je n'avais pas été aussi malheureux, je crois que j'aurais éclaté de rire devant les yeux exorbités du chevalier de Cassiopée lorsque Ikki réapparut, son armure sur le dos.

Je ressassai comme toujours mes idées noires, lorsque mes pas me menèrent aux Arènes du Sanctuaire. Un grand brouhaha me fit lever la tête. Que diantre se passait-il ? Tous les chevaliers paraissaient se trouver là, en cercle et semblaient regarder quelque chose qui se trouvait au centre. J'entendis des rires, des exclamations de joie… Je m'approchai, lorsqu'une sensation familière me parcourut le corps. Un cosmos, je sentais un nouveau cosmos ! Pas tout à fait, car ce cosmos ne m'était pas inconnu. Je dirais même qu'il m'était… familier !

Mû ???

Je n'en croyais pas mes yeux. Devant moi, Mû venait de revêtir l'armure du Bélier. Mais alors, Kiki avait réussi ! Il pouvait reconstruire les armures d'Or !! Peut-être pourrait-il aussi…
Je m'arrêtai net. Aucun humain ne pouvait reconstruire nos armures divines. Je tâchai de cacher mes sentiments pour aller féliciter le jeune garçon. Véritable héros du jour, il arborait un sourire qui allait d'une oreille à l'autre.

- Bravo Kiki, dis-je en souriant à mon tour. Pour une fois, tu as fait du bon boulot.
- Comment ça pour une fois, s'indigna le jeune apprenti ? Parce que quand je t'ai apporté l'armure de la Balance au péril de ma vie, ce n'était pas bien peut-être ?

L'air outragé sur ce petit visage était si drôle que pour la première fois depuis bien des semaines, je suis parti d'un grand éclat de rire. Seiya, Shiriu et Shun qui se trouvaient près de mois se retournèrent, incrédules. Camus, un peu plus loin, avait eu un sourire entendu. Allez, peut-être tout n'était-il pas si noir ?

- Mes amis.

La voix de Dohko. En un instant, les discussions s'arrêtèrent pour se tourner vers le Grand Pope. Depuis la fin du procès, ses traits avaient retrouvé leur sérénité et sa voix son ton habituellement suave. J'ignorais ce que Camus avait bien pu lui dire, mais manifestement mon maître avait eu le nez fin en cette occasion.

- Mes amis, aujourd'hui est un grand jour. Comme vous avez pu le constater, Kiki a réussi à reconstruire l'armure d'Or du Bélier. D'ici quelques temps, vous aurez tous récupéré vos armures et le Sanctuaire d'Athéna aura repris sa place. Bravo Kiki, nous sommes fiers de toi.

Pendant que Kiki rougissait, un tonnerre d'applaudissements retentissait dans les arènes. D'un coin de l'œil, je vis pourtant trois chevaliers ne pas se mêler à la liesse générale et s'éclipser discrètement : Saga, Kanon et Shaka.

***

Shaka

Les deux Gémeaux m'avaient intrigué. Alors que tout le Sanctuaire sautait de joie devant la première armure d'Or reconstruite, les deux frères ne cessaient de discuter dans leur coin. Apparemment Kanon tentait de convaincre Saga de quelque chose, à laquelle ce dernier semblait plus que réticent. Ils me jetaient de fréquents coups d'œil et c'était pourquoi je décidai d'aller les rejoindre.

- Et bien, chevaliers, que vous arrive-t-il ?
- C'est Kanon qui a encore eu une idée rocambolesque.
- Ah ? Et peut-on savoir laquelle ?
- Récupérer les quatre armures divines restées aux Enfers, répondit tranquillement Kanon.

Le chevalier des Gémeaux guettait manifestement ma réaction. Je dois reconnaître qu'il ne fut pas déçu. J'étais loin de m'attendre à pareille idée et cela dut se voir sur mon visage car Kanon rit franchement et Saga eut beaucoup de mal à réprimer un sourire. J'attendis patiemment que Kanon eut terminé et enchaînai.

- Et si tu m'expliquais comment tu comptes t'y prendre ?
- Simple. Nous sommes les trois spécialistes des dimensions. Mû s'y entend pas mal non plus, mais nous ne pouvons pas nous permettre, à présent qu'il a récupéré son armure, de l'amener dans cette histoire.
- Pourquoi, objectai-je ?
- Parce que Dohko va beaucoup se reposer sur lui. La première maison du Sanctuaire est à nouveau défendue car il ne fait aucun doute que Mû ne tardera pas à retrouver ses pouvoirs. A moins que ce ne soit déjà fait et qu'il le cache, comme certains.

Je tressaillis. L'allusion était directe. Ainsi, je n'avais pas été aussi habile que je le croyais dans ma dissimulation.

- Comment, demandai-je simplement ?
- Pas très compliqué. Tu oublies que je n'ai jamais perdu mon propre cosmos. Je peux donc te dire que tu as retrouvé tes pouvoirs, tout comme mon frère, il est vrai aidé par l'armure des Gémeaux. Mû vient d'y parvenir, grâce à Kiki. Dohko et Milo en sont très près, tout comme Camus et Aioros. Pour le reste, c'est encore trop tôt, même si cela ne devrait pas tarder ; sauf peut-être pour Aiolia, trop occupé à autre chose.
- Et alors, que proposes-tu ?
- Comme je te le disais, nous sommes les trois spécialistes des dimensions. En associant nos pouvoirs, je pense que nous devrions parvenir à ramener ces armures.
- Mais comment ? Tu oublies que les Enfers n'existent plus, du moins ceux que nous connaissons. Ces armures peuvent errer dans n'importe quelle dimension. Il y a en a des milliers ! Même avec nos trois pouvoirs associés, cela pourrait nous prendre des dizaines d'années avant de parvenir à nos fins. Et encore, sans garantie de réussite !
- Ca va, Shaka, interrompit d'un ton calme Saga. Je te connais suffisamment. Si tu as développé tous ces arguments contre l'idée de Kanon, ce n'est pas parce qu'elle est irréalisable, mais parce qu'il lui manque quelque chose. Alors parle.
- En effet. Kanon, je suis au regret de te dire que tu as oublié quelqu'un. Quelqu'un qui maîtrise les dimensions aussi bien que n'importe lequel d'entre nous.
- Qui ???
- Shun d'Andromède. La Chaîne Nébulaire est capable d'explorer les dimensions à la vitesse de la lumière. Si je me souviens bien, Saga, la chaîne de Shun t'a d'ailleurs fait une petite démonstration au cours de la bataille du Sanctuaire.
- Oui, c'est exact, répondit pensivement Saga. Il est vrai que Shun dispose de pouvoirs extraordinaires. Peut-être est-il le chaînon manquant pour que cette tentative réussisse.
- D'accord, mettons Shun au courant et demandons-lui de nous aider. Mais je maintiens qu'il devra nous promettre le silence à tout le monde jusqu'à ce que nous ayons réussi ou échoué.
- Je suis d'accord, fis-je. Il vaut mieux faire ce soir, une fois que le Sanctuaire sera endormi. Je me charge de convaincre Shun. Vous deux, retrouvez-nous dans la forêt qui se trouve derrière le palais du Pope à minuit.

Saga et Kanon hochèrent la tête et retournèrent se mêler à la liesse générale. Je jetai un coup d'œil pour voir où se trouvait Shun ; à côté de ses frères bien sûr. De toute façon, je n'étais guère pressé. J'attendis patiemment que la foule se disperse, que les disciples reprennent leurs entraînements et que les cinq chevaliers se dispersent. J'interpellai Shun au moment où il s'en retournait vers les maisons du Sanctuaire.

- Shun, tu as un instant ?

Le chevalier Andromède se retourna vers moi, un large sourire. Une lueur dans son regard trahissait une certaine curiosité, mais sans plus.

- Qu'y a-t-il, Shaka ?
- Nous avons besoin de toi.
- Nous ?
- Saga, Kanon et moi.
- Pourquoi ?
- D'abord, tu dois me promettre de ne rien dire à personne.
- Si tu veux. De quoi s'agit-il ?
- Nous allons tenter de ramener vos armures des Enfers.

Une nouvelle lueur apparut dans son regard, mais cette fois, je sentis plusieurs émotions contradictoires et son sourire disparut de son visage. Je le vis débattre intérieurement, attendant patiemment sa réponse.

- Non, fit-il finalement, je refuse.
- Pourquoi ?

Shun ne répondit pas de tout de suite. Il se retourna et fit quelques pas. Puis, sans me regarder, il me dit.

- Parce que le retour de ces armures signifierait probablement une nouvelle guerre et que je ne veux plus me battre. Je suis fatigué de tuer, fatigué de lutter pour une cause dont je ne suis même pas certain qu'elle soit la bonne.
- Shun, Comment peux- dire….
- Tais-toi, Shaka. Tu ne sais pas, tu ne peux savoir…
- Ecoute Shun, fis-je en m'approchant, je ne sais effectivement ce qui se passe chez toi, mais je t'assure qu'il est vital de récupérer ces armures. Elles sont les symboles de votre réussite, de votre victoire…
- Quelle réussite, cingla Shun ? Quelle victoire ? Si je te disais qu'Athéna n'est qu'une déesse fourbe qui a trahi, menti et dupé pour s'assurer la première bataille de son règne ? As-tu seulement les moyens de me contredire ?
- Je ne sais pas qui a pu te raconter ça, Shun, mais…
- Ca suffit, m'interrompit-il une nouvelle fois. Ma décision est prise, je ne vous aiderai pas à ramener nos armures. Et si par hasard vous y parveniez, je refuserai de porter à nouveau l'armure d'Andromède. Tu as recouvré tes pouvoirs, Shaka, je peux le sentir. D'autres, également. D'ici peu, le Sanctuaire aura à nouveau assez de défenseurs. Si mes frères veulent continuer à défendre la cause d'Athéna, libre à eux. Mais quant à moi, c'est de l'histoire ancienne.

Je sentis des larmes couler le long de mes joues, une fois que Shun ait quitté les lieux. La souffrance que devait ressentir le chevalier Andromède était telle qu'elle m'avait submergé. Décidément, nous étions loin de tout savoir sur leur voyage en Crète.

- Il ne faut pas lui en vouloir, fit une petite voix derrière moi.

Je me retournai et fis face à une gamine d'une douzaine d'années. Pendant quelques secondes, je fus surpris de la voir sans masque, puis je me rappelai qu'elle était la sœur du roi Androgée. Je fronçai les sourcils en essayant de me souvenir de son prénom. Elle dut le sentir car elle enchaîna.

- Je m'appelle Ariane, chevalier de la Vierge. Et j'aime Shun.
- Un sentiment qui vous honore, jeune demoiselle.
- Il a énormément souffert.
- Il semble, oui. Puisque vous savez pourquoi, peut-être pourriez-vous m'aider ?

L'histoire que me raconta Ariane me laissa coi. Comment Athéna aurait-elle pu faire preuve d'un tel machiavélisme et fomenter une aussi hideuse trahison ? Cette histoire pouvait-elle avoir ne serait-ce qu'un fond de vérité, ce qui serait déjà trop ? Mon cœur, d'habitude si prompt à savoir différencier le vrai du faux, la vérité du mensonge, ne m'indiquait rien. Il fallait que je sache ! Je remerciai la jeune princesse et me précipitai vers la bibliothèque. Avant de connaître la vérité, il fallait déjà confronter les points de vue et donc lire ce qui avait été dit sur cette bataille dans le camp d'Athéna.

***

Shun

Les vagues, rageuses, venaient lécher mes pieds. Je me trouvais pourtant assez haut, mais l'eau parvenait quand même jusqu'à moi. Assis, les bras enserrant mes genoux repliés sur moi, mille pensées tourbillonnaient dans ma tête.

Je n'avais pas eu l'intention d'exploser de la sorte.

Pas plus que je n'avais eu l'intention d'annoncer ma " retraite " à Shaka, avant de le faire d'abord à mes frères, puis au Grand Pope. Mais enfin, le mal était fait et je sentais un grand poids enlevé de ma poitrine. Enfin, j'allais pouvoir vivre la vie normale d'un garçon de onze ans. Au moment où je me disais ça, des images déferlaient dans mon esprit.

Jabu et le Tournoi Galactique. Combat inutile sous les yeux d'Athéna.

Les chevaliers d'Argent… Autres combats confraternels inutiles. Si personne ne leur avait menti, ils seraient encore vivants.

Aphrodite. Mort pour s'être opposé aux " véritables " chevaliers d'Athéna, puis ressuscité par Hadès avant de se racheter.

Mime. A l'évocation de ce nom, un sanglot m'étouffa la gorge. S'il y avait bien un homme qui ne méritait pas de mourir, c'était celui-là.

Que m'avait fait Io ? Il avait défendu son dieu comme moi ma déesse, loyalement, en brave guerrier.

Evidemment, les Spectres devaient périr.

Mais Knossos avait été la goutte d'eau en trop.

Toutes ces morts me restaient sur l'estomac et me donnaient la nausée. J'étais las des batailles. Je ne voulais plus entendre parler de guerres, de combats et de sang. J'avais cru trouver le repos à Knossos et une fois de plus j'avais été déçu. Mais cette fois, c'était terminé. Tous les ennemis de ma déesse étaient emprisonnés ou morts. Et puis s'il y en avait d'autres, je ne voulais pas le savoir. Et Shaka qui voulait ramener mon armure et celles de mes frères… Mon regard se posa alors sur la chaîne d'Andromède, posé à même le sol, morceau de métal inutile. Certes, elle faisait partie de moi, au même titre que mes bras ou mes jambes, mais à moins que je fasse appel à mon cosmos, elle ne me servirait à rien. Dans ce cas, autant la jeter à la mer et ne plus en entendre jamais parler. Je me levai et me saisis de ma chaîne. Je m'approchai du bord et tendis mon bras droit derrière moi, prêt à me débarrasser à tout jamais de ma chaîne et sans réfléchir plus longtemps, la lançai.

***

Procris

Incontestablement, la vie au Sanctuaire d'Athéna était différente de celle sur Knossos. Ici, je n'avais pas le regard d'Hermia constamment posé sur moi, me rappelant qu'elle était incomparablement plus douée que moi. De toute façon, sa grossesse la privait du Don. Il faudrait attendre la naissance de l'enfant pour qu'elle retrouve ses pouvoirs. Et encore il n'était pas certain qu'elle les récupère entièrement. En effet, certains d'entre eux pouvaient très bien être passés dans son enfant. Ce qui voudrait dire que ce dernier aurait sans doute des pouvoirs immenses, né d'une prêtresse de Knossos et d'un des chevaliers divins d'Athéna. Peu importait à la limite qu'Ikki ou Hyoga fut le père, si ce n'est que le caractère du premier était suffisamment irascible pour ne pas souhaiter retrouver le même modèle version nourrisson. Si Hermia, comme d'habitude, n'avait eu aucun problème à trouver sa place au Sanctuaire, il me faut bien admettre que ce n'était pas mon cas. Oh bien sûr, personne ne m'avait jeté de regards noirs ou quoi que ce soit de la sorte. Non, au pire je suscitais de l'indifférence et au mieux un simple regard de curiosité suffisait aux personnes que je croisais.

Et puis il y avait eu Milo. Le beau, le grand, le fort Milo. Non, je m'emballe là. Mais quand même. Aucun Crétois ne dégageait une telle impression de force brute, mais en même temps maîtrisée. L'intensité de son regard m'avait littéralement consumée lorsque nous nous étions croisées, quelques jours auparavant. Depuis, j'avais cherché à me renseigner sur lui, à savoir d'où il venait. J'appris qu'il était Grec, âgé de vingt ans et donc chevalier d'Or du Scorpion. Scorpion… Cela pouvait-il être une coïncidence ? Le seul homme qui m'ait jamais fait un tel effet serait-il du même signe que moi ? Mes connaissances en astrologie étaient limitées, et je ne pouvais guère savoir quels étaient les points d'entente et de discorde entre deux scorpions. Ariane s'y connaissait quelque peu, mais la jeune princesse était totalement obsédée par le chevalier Andromède. J'eus un demi-sourire. Après tout étais-je vraiment bien placée pour le lui reprocher ?

Je ne savais pas vraiment quoi faire pour lier connaissance avec Milo. Il était un chevalier d'Or, un des plus puissants chevaliers de l'ordre et je n'étais pas certaine qu'il m'ait ne serait-ce que remarquée. Il me faudrait probablement un prétexte pour aller le trouver dans la maison du Scorpion. Mais lequel ? A moins que… Une image me vint à l'esprit. Quelques jours auparavant, j'avais aperçu le chevalier de la Vierge méditer. Une idée germa en moi. Même si je n'étais plus à Knossos, mon don devait toujours exister. Je devais pouvoir m'en servir afin de contacter par voie mentale. Oui, mais que lui dire ? Si par hasard je m'étais trompée, si par hasard le regard que m'avait jeté Milo ne voulait rien dire, je ne pourrais me transformer en autruche afin de cacher ma honte. Mais après tout, pourquoi lui dire quoi que soit ? Puisque je pouvais l'atteindre avec des paroles, pourquoi ne pas le faire avec des images ? De la sorte, si jamais je m'étais trompée, il ne pourrait pas se douter que…

Un éclat de rire. Qui ? Pourtant, avant même de me retourner, je me rendis compte que je connaissais ce rire.

- Que me veux-tu, Hermia ?
- Que tu es drôle, Procris ! Tu es là à tourner en rond, comme un fauve en cage, à te demander comment attirer l'attention de l'objet de ton affection !

Je sentis une rougeur me monter aux joues. A la fois de honte et de rage. Je détestais Hermia et ce sentiment se faisait plus fort à chaque fois que je me rappelai qu'elle avait le pouvoir de sentir les émotions des gens et donc de savoir à quoi ils pensaient.

- Mêle-toi de ce qui te regarde Hermia, lui dis-je du ton le plus froid possible.
- Je veux bien, mais le moyen de faire autrement ! Tes sentiments sont si forts qu'ils se lisent sur ton front comme un livre ouvert.
- Des sentiments pour qui ?

Cette voix. A qui appartenait-elle ? Une voix rauque et en même temps sensuelle. Lentement, je me retournai et manquai de défaillir. Milo se tenait devant moi, un large sourire aux lèvres.

- Chevalier, que faites-vous là ?

Milo eut l'air surpris.

- Mais voyons, c'est vous qui m'avez demandé de venir.
- Moi ?
- Oui, c'est votre amie derrière vous qui me l'a dit.

Hermia ??? Allons, peut-être l'avais-je mal jugée. Je souris légèrement à Milo, sourire qu'il me rendit immédiatement. Nos yeux ne parvenaient pas à se quitter et se disaient des choses qui m'échauffaient le corps. Son regard bleu pénétrant paraissait fouiller mon âme. Je voulais qu'il m'embrasse, je voulais qu'il m'embrasse, je voulais…

Puis je cessai de penser et la Terre s'arrêta de tourner.

Ses lèvres se posèrent doucement sur les miennes.

***

Seika

Le jour était arrivé. Depuis notre retour au Sanctuaire, je savais qu'il arriverait. Curieusement, j'étais certaine qu'Androgée et Idoménée ne seraient pas condamnés à mort. La justice d'Athéna pouvait être sévère, mais elle était juste. De plus, j'avais parlé à de nombreuses reprises avec Marine et l'avais convaincu que les deux Crétois ne devaient pas mourir. Marine aurait pu penser que je ne voulais pas qu'ils meurent en raison de mes sentiments pour Androgée mais à dire vrai, je m'en moquais bien à ce moment-là. L'homme que j'aimais était responsable, indirectement peut-être, mais responsable quand même, de la mort d'une jeune femme innocente.
Comme je le supposais, Androgée et Idoménée avaient été déclarés innocents par le Conseil des Chevaliers ; toutefois, Dohko leur avait ordonné de quitter le Sanctuaire sans délais. Après tout, cela m'arrangeait. De la sorte, je n'aurais plus à redouter de croiser Androgée et de ne pas savoir quoi lui dire. Oui, finalement, j'étais soulagée. Mais dans ce cas, d'où pouvait venir cette boule à l'estomac qui me pesait tant ?
Inconsciemment - vraiment ? -, mes pas me menèrent à l'entrée du Sanctuaire, qu'Androgée et Idoménée franchiraient quelques minutes plus tard. Je m'assis sur un rocher et laissai mon esprit vagabonder. Plusieurs images me revinrent en tête. Notre première rencontre au pied de l'avion, notre première danse, notre première nuit… Deux larmes s'échappèrent de mes yeux et coulèrent le long de mon visage. Lorsque j'entendis des voix, je les essuyai rapidement et me levai. Androgée et Idoménée apparurent bientôt, suivis ou escortés par Mû et Kanon, tous deux vêtus de leurs armures. Lorsqu'ils me virent, les deux chevaliers d'Or m'adressèrent à peine un coup d'œil.

- Roi Androgée, fit Mû, voici la limite qui sépare le Sanctuaire d'Athéna du monde. Comme le Grand Pope vous l'a signifié, vous n'avez pas le droit de revenir dans le Domaine Sacré, sauf bien évidemment en cas de force majeure. Si vous transgressez cette volonté, vous serez immédiatement mis à mort.
- Nous avons compris. Adieu chevaliers.

Sans un mot de plus, Mû et Kanon tournèrent les talons et s'en furent. Le regard d'Androgée croisa alors le mien. Il savait parfaitement que j'étais là, mais avait mis du temps avant de me regarder.

- Androgée, dit Idoménée, je vais t'attendre plus loin.

Sans attendre la réponse et n'en espérant probablement pas une, Idoménée poursuivit sa route.

- Je croyais que nous nous étions tout dit, Seika ?
- Peut-être, mais tu m'as donné quelque chose qu'il me faut te rendre.

Les sourcils froncés d'Androgée disaient suffisamment qu'il ignorait de quoi je parlais. Je mis ma main dans ma poche et en sortis…

- Mon sceau, fit Androgée les yeux écarquillés ?
- Tu me l'avais confié, la veille… La veille de…
- Je pensais que tu l'aurais jeté.
- Je l'ai retrouvé il y a deux jours.
- Te souviens-tu de ce que tu m'as demandé lorsque je te l'ai confié, Seika ?
- Non. Ou plutôt si, mais je ne veux pas m'en souvenir. Cela fait trop mal. Tu t'es servi de moi, Androgée.
- Jamais !

Ses yeux se mirent à lancer des éclairs et ses poings se serrèrent.

- Ecoute moi, Seika. Il est vrai que je hais Athéna de tout mon cœur. Mais je n'ai jamais rien eu contre ton frère et ses compagnons. J'ai même volontairement bridé ma puissance pour ne pas avoir à les tuer. Quant à toi… Je t'ai aimé dès le premier regard. Cela peut te paraître crétin, mais c'est le cas. Mais je ne voulais pas t'aimer.
- Pourquoi, demandais-je impulsivement ?
- Parce que je savais ce qu'on allait me demander de faire. Je savais que je devrais défier ton frère et ses amis et que de la sorte rien ne serait possible entre nous. Mais tout cela n'a plus aucune importance aujourd'hui. Une chose est toutefois certaine : je ne me suis jamais servi de toi. Voilà, tout est dit, je vais m'en aller. Je te souhaite d'être heureuse, Seika. Tu le mérites.

Il n'avait pas fait trois pas que mon cœur éclatait.

- Androgée, je t'aime !

Il se retourna, incertain de prime abord, puis un sourire illumina son visage de fauve. Il revint vers moi et me saisit la main. Au creux de ma paume, il déposa à nouveau son médaillon. Il me sourit à nouveau et me dit.

- C'est une promesse de fiançailles. Je reviendrai bientôt.

Je t'attendrai, mon bien-aimé.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.