Chapitre 2 : Mime, chevalier d'Or du Poisson


Ikki enterré auprès des siens dans un coin reculé de la grotte, Mû assembla les cinq autres guerriers et les fit asseoir, à même le sol.

- Bien que nous n'ayons pas été du même camp et que les chevaliers de Bronze vous aient affronté, je crois qu'il faut laisser de côté ces ressentiments pour réussir la difficile mission qui nous a été confiée.
- Je suis d'accord, fit Siegfried tandis que les quatre autres acquiesçaient silencieusement. Toutefois, nous avons plusieurs problèmes à résoudre.
- Et pas des moindres, enchaîna Mû, je vous l'accorde. Tout d'abord, il me faut vous annoncer que je suis dans l'incapacité totale de reconstruire les Ecailles ou les Armures de Glace.
- Pourquoi, interrogea Io ?
- Oh, pour une raison très simple : Poséidon et Odin ont insufflé une partie de leur cosmo-énergie dans ces protections et sans cet ajout, je suis coincé.
- Comment allons-nous faire alors, demanda Isaak ?
- Vous allez revêtir des armures d'Or. C'est la seule solution. Orphée, je peux reconstruire ton armure, mais je pense qu'il sera plus sage que tu portes toi aussi une armure d'Or. De toute façon, nous savons tous deux que tu es largement aussi puissant que les chevaliers d'Or, si ce n'est plus.
- J'accepte le compliment, Mû, surtout venant d'un guerrier aussi accompli que toi. Toutefois, je crains que tes efforts à mon égard soient inutiles.
- Pourquoi ?
- Vous avez entendu l'histoire d'Ikki. Athéna a expliqué à Seiya qu'il ne pouvait pas être chargé de cette mission parce qu'il ne pouvait pas se trouver deux fois dans le même espace-temps. C'est la même chose pour moi : je me trouvais aux Enfers lorsque Seiya et Shun sont arrivés.
- Oui, mais tu étais mort, non, intervint Mime ? Dans ce cas, ça ne compte pas.
- Je n'étais pas mort. Je suis allé aux Enfers de mon plein gré.
- QUOI ? ? ?

Quatre cris retentirent en même temps. Seul Mû, qui savait à quoi s'en tenir, demeura silencieux.

- Comment ça aux Enfers ?
- Mais qu'est-ce que tu y faisais ?
- Tu avais trahi Athéna ?
- Comment se fait-il que tu aies pu rester là-bas sans être mort ?
- Non, je n'ai pas trahi Athéna. Puisque vous êtes si curieux, écoutez mon histoire.

Orphée raconta donc sa terrible histoire à ceux qui allaient devenir ses nouveaux compagnons d'arme. Il conclut en disant :

- Vous comprenez donc pourquoi je ne peux pas vous accompagner dans votre voyage.
- Il existe un moyen pourtant.
- Lequel Mime, fit Orphée en se retournant vers lui ?

Le Guerrier Divin parut réfléchir. D'étranges liens s'étaient très vite tissés entre les deux hommes. Probablement parce qu'ils étaient tous deux joueurs de harpe.

- Supposons, fit Mime lentement, que quelqu'un t'empêche, en 1743 d'aller présenter ta requête à Hadès. Tu ne vas pas aux Enfers et tu es donc libre de venir avec nous. Vraisemblablement, tu seras mort lors de la guerre sainte cette année-là.
- Mais comment l'empêcher, fit Io ?
- En envoyant quelqu'un en 1743 !

Mû hocha la tête ; il s'était attendu à quelque chose dans ce goût-là. A priori l'idée de Mime n'avait rien de saugrenu. Restait la question épineuse de savoir qui allait retourner au Sanctuaire en 1743. Il fallait que celui qui allait se présenter à Orphée fut vêtu d'une armure ; c'était la condition sine qua non pour que le chevalier de la Lyre prête considération à l'incroyable histoire qui allait lui être racontée. Il fut décidé à l'unanimité que Mime serait envoyé. Orphée serait probablement plus enclin à écouter un joueur de harpe comme lui.

- Quel est ton signe zodiacal, Mime, demanda Mû ?
- Pourquoi ?
- Pour que je puisse construire ton armure d'Or. Elle doit être en adéquation avec ton signe zodiacal pour que vous puissiez vous harmoniser.
- Ah. Je suis Poissons.
- Bien, je vais m'atteler immédiatement à la construction de cette première armure. Pendant ce temps, je suggère que vous alliez jeter un œil dehors, voir ce qui est advenu de la Terre.
- Mais je croyais qu'un immense déluge avait tout recouvert.
- C'était il y a trois siècles. Depuis, les eaux ont eu le temps de se retirer. Orphée, je te confie le commandement. Vous devez tous lui obéir.
- Et pourquoi, se cabra Io ?

Mû s'approcha et vint se mettre juste devant l'ancien général de Poséidon. Il le fixa droit dans les yeux pendant plusieurs secondes sans dire un mot.

- Ecoute-moi bien, Io. En acceptant cette mission, tu es devenu un chevalier d'Athéna. Maintenant, si cela ne te plaît pas, libre à toi de t'en aller. Dans le cas contraire, tu dois te plier aux règles établies depuis des temps ancestraux. Tu dois obéir au chevalier le plus haut placé dans la hiérarchie, c'est à dire moi en ce moment. En conséquence, si je décide que vous devez obéir à Orphée, c'est comme ça et pas autrement. Soit tu l'acceptes, soit tu t'en vas. Que décides-tu ?

Pendant plusieurs secondes, Io hésita sur la marche à suivre. Il faillit tout d'abord écraser son poing sur la figure du chevalier du Bélier. La rage pouvait aisément se lire sur son visage. Puis, petit à petit, ses traits se détendirent. Il se mit à penser à Shun, ce vaillant chevalier, qui avait sacrifié sa vie pour qu'il puisse renaître et tenter de sauver le monde. Avait-il le droit de décevoir le chevalier Andromède ? Bien sûr, ils n'avaient jamais été amis. Ils s'étaient affrontés au cours d'un combat extrêmement violent au cours duquel ils avaient été tous les deux prêts à sacrifier leurs vies. Pourquoi Shun l'avait-il choisi pour cette mission ? Il ne le savait pas, mais il était hors de question qu'il trahisse la confiance que cet homme, autrefois son ennemi, à présent la personne la plus chère à son cœur.

Lentement, il se baissa et posa un genou à terre.

- Je m'agenouille devant toi, Mû du Bélier. A travers toi, c'est à la déesse Athéna et au chevalier Andromède que je rends hommage. J'accepte ton autorité et combattrai à tes côtés jusqu'à la limite de mes forces et même au-delà.

Sans s'être concertés, les quatre autres répétèrent le même geste et sensiblement les même paroles. La seule variante portant sur le nom du ou des chevaliers qu'ils associaient à Athéna. Les larmes aux yeux, Mû les releva un par un, en leur donnant l'accolade : ils étaient à présent de véritables frères d'armes.

***

Certes, la mer s'était retirée. Mais à en juger par la qualité du sol, cela n'était pas bien vieux. Les cinq chevaliers regardèrent le Sanctuaire et Orphée laissa échapper un soupir. Quelle tristesse ! Autrefois rayonnant berceau de la chevalerie d'Athéna, le Sanctuaire n'était plus qu'un vulgaire tas de ruines. Plus aucune maison du zodiaque ne tenait debout ; l'érosion avait bien fait son travail. Seul, le palais du Pope semblait avoir quelque peu épargné. Mais cela ne tenait qu'à sa position par rapport à la mer. Les premières maisons avaient totalement disparu. En s'approchant très près d'un tas de ruines, Siegfried reconnut ce qui était autrefois la demeure d'Aiolia, chevalier du Lion.

Ils décidèrent ensuite d'aller voir le reste de la planète. Ils se déplacèrent plutôt lentement - pour eux s'entend - à peine à la vitesse du son. Ce qu'ils virent les désola. Athènes, Londres, Berlin, Moscou, Washington, New York, Los Angeles, Tokyo, Sydney… Aucune de ces superbes villes n'avaient survécu au désastre. Paris et Rome, villes lumières par excellence, n'étaient plus que ruines. Du Louvre et de la Basilique Saint Pierre ne restaient plus que quelques pierres qui pouvaient attester de la présence de deux des plus beaux monuments que la planète ait jamais connu. Mime et Siegfried tinrent à aller voir ce qui restait d'Asgard.

L'expression était juste, à ceci près qu'il ne restait absolument rien du royaume nordique. Même la statue d'Odin avait été engloutie par les flots ravageurs.

Au bout de quelques instants, Siegfried se tourna vers Io et Isaak dont le malaise était allé croissant tout au long de l'expédition. Le Guerrier Divin d'Alpha avait les larmes aux yeux quand il apostropha les anciens généraux.

- Je suppose que vous êtes satisfaits ? Après tout, c'est ce que vous vouliez, non ? Dévaster la Terre à travers ces gigantesques raz-de-marée, c'était le but recherché par Poséidon.
- C'était il y a bien longtemps, Siegfried, fit Isaak en s'approchant et en posant doucement la main sur l'épaule de son camarade. Nous avons combattu dans le mauvais camp et, crois-moi, je ne cesse de me repentir depuis que nous avons vu les premiers dégâts causés. Toutefois, permets-moi de te rappeler que nous ne sommes pas responsables de la destruction d'Asgard. Nous n'avons pas déclenché ce raz-de-marée. C'est la mort d'Hadès qui l'a entraîné, après la victoire des chevaliers du zodiaque. Et justement, notre but est de remonter dans le temps pour empêcher pareille catastrophe. Je te fais le serment que nous y parviendrons et qu'Asgard continuera à vivre en paix.

Siegfried ne prononça pas un mot mais l'intensité de son regard était bien suffisante pour exprimer son remerciement.

- Il nous faut rentrer à présent, intervint Orphée. Je crois que nous avons fait le tour des horreurs.
- Tu as raison, fit Mime. Allons-y.

***

Après plusieurs heures d'effort, Mû posa enfin ses outils. L'armure du Poisson scintillait de partout. Il semblait à Mû qu'elle était plus puissante encore que lorsque Aphrodite la portait. Sans doute était-ce du à Athéna ; la déesse avait probablement insufflé son cosmos dans les matières premières nécessaires à la construction d'armures. Il restait à présent cinq armures d'Or à construire. Dans deux jours environ, ils seraient prêts pour la plus périlleuse mission jamais confiée à des hommes si jeunes. A cet instant, cinq cosmo-énergies se matérialisèrent dans la grotte.

Mû n'eut pas besoin d'interroger ses compagnons. La tristesse et la douleur qui se lisait sur leur visage étaient de loin suffisante. Mime s'approcha, comme hypnotisé, de l'armure du Poisson.

- Ainsi voilà les fameuses armures d'Or, murmura-t-il. Je n'en avais jamais vu auparavant. Odin me pardonne mais je pense qu'elles sont plus puissantes que ne l'étaient nos armures.
- C'est probable, répondit Mû. Les armures d'Or sont les protections les plus résistantes qui aient jamais été construites, mises à part bien entendu les armures divines de Seiya et de ses compagnons.
- A propos, intervint Orphée, que va-t-il advenir de ces armures ?
- Que veux-tu dire ?
- Tu sais bien que lorsque le porteur d'une armure décède, cette dernière retourne à son point d'origine pour être reconquise par un chevalier. Mais personne ne peut conquérir une armure divine, c'est impossible.
- Peut-être Orphée, néanmoins je ne te cacherai pas que c'est vraiment le cadet de mes soucis pour l'instant. Nous avons bien d'autres chats à fouetter.
- C'est vrai, excuses-moi.
- Pas grave, mais nous avons du travail. Mime, je crois que le moment est venu pour toi de revêtir ton armure. Il suffit que tu la touches pour qu'elle se réveille.

Lentement, d'un pas assez mal assuré, Mime s'approcha encore plus. Son bras se leva et son index se détendit pour se poser sur le casque. Immédiatement, une violente lumière apparut. Mime fut soulevé du sol, pendant que l'armure se disloquait. Après un nouveau flash, le nouveau chevalier d'Or du Poisson réapparut en pleine lumière. Presque incrédule, Mime contemplait sa nouvelle protection. Mû y avait également ajouté une harpe en or massif.

- Je n'arrive pas à y croire ! Si on m'avait dit un jour que je revêtirais une armure d'Or…
- Je comprends ce que tu ressens, Mime, mais nous n'avons pas trop de temps devant nous. Je vais te renvoyer en 1743… Mais où vais-je t'envoyer au fait ?
- Derrière le Sanctuaire.
- Orphée ?
- Derrière le Sanctuaire se trouve une vaste prairie où coule une rivière. Sur l'une des rives, je ne me souviens plus laquelle, il y a un gigantesque chêne. C'est à l'ombre de cet arbre que nous avions coutume, Eurydice et moi de nous retrouver.
- Très bien, fit Mû. Es-tu prêt, Mime ?
- Quand tu veux.
- Sois convaincant, Mime. Ma douleur et ma détresse étaient immenses.
- Je sais.

Mû fit alors brûler son cosmos. Son intensité était incroyable. Celui de Mime brilla en réponse et au bout de quelques instants, il disparut. Mû souffla.

- Bon, une première chose de faite. Maintenant, il faut que je m'occupe de vos armures. Commençons par toi, Siegfried, de quel signe es-tu ?
- Lion.

Mû s'affaira rapidement. Les quatre autres guerriers se regardèrent un instant, avec la même peur au ventre : et si Mime échouait ?

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.