Chapitre 15 : Le Sommeil et la Mort


Le vent se mit à souffler. Un éclair zébra le ciel pourtant sans vie des Enfers. Un tourbillon se mit à s'élever jusqu'à former un véritable cyclone. Au centre de ce cyclone, se trouvait Minos, Juge des Enfers, Titan au service d'Hadès. Une puissante cosmo-énergie entourait le Spectre, chez qui le doute paraissait avoir totalement disparu. Il s'était apparemment fait à l'idée de devoir tuer un membre de sa propre famille. Ses deux mains étaient jointes devant lui, semblant retenir, du moins pour le moment, l'incroyable énergie dont il disposait. Puis, brusquement, il ouvrit ses paumes. Orphée vit alors arriver sur lui la tempête, à la vitesse de la lumière. Ses options n'étaient pas légion; soit il tentait d'éviter le coup, soit il se campait solidement sur ses jambes, en essayant d'absorber au maximum l'attaque de son adversaire. Les deux options étaient risquées, très risquées. Finalement, pour préserver ses chances dans ce combat, Orphée choisit l'esquive. Il concentra son cosmos et se déplaça à une vitesse incroyable; l'attaque de Minos alla se fracasser contre un pan d'une colline qui se trouvait derrière la position initiale du chevalier de la Vierge. Il ne resta pas une miette de la colline.

- Félicitations, Orphée, je ne pensais pas que tu pourrais éviter ma tempête.
- Ca n'a pas été sans mal, Minos. Ton coup est réellement redoutable.
- Je sais, et tu n'as encore rien vu.
- Que veux-tu dire ?
- Je peux augmenter son intensité, répondit tranquillement son cousin.
- Quoi ???

Orphée n'en revenait pas. Il avait éprouvé les pires difficultés à échapper à la trajectoire de l'attaque du Spectre et voilà qu'il apprenait que cette dernière pouvait être encore plus meurtrière !!! Pour la première fois peut-être de sa vie, Orphée eut peur. Il devait faire face à quelqu'un qui portait son sang et qui manifestement pouvait à tout moment le réduire en miettes. Lorsqu'il n'était que le chevalier de la Lyre, et même avant cela, Orphée abhorrait la violence, sous toutes ses formes. Son accession au rang de chevalier d'Athéna demeurait un mystère total pour lui. Tout ce qu'il savait faire, c'était de jouer de son instrument. Il avait découvert très tôt que sa musique avait pour pouvoir d'endormir n'importe qui; mais ce n'était qu'au contact de son maître qu'il avait appris que sa musique pouvait également attaquer. Son maître, un chevalier d'exception, Jaloel, chevalier de l'Autel, puis chevalier d'Or de la Vierge; l'armure qu'Orphée portait en ce moment même. Il secoua la tête doucement; l'heure n'était pas à la nostalgie. Il lui fallait vaincre Minos à tout prix !

- En garde, Minos, le temps est venu pour toi de mordre la poussière. Je n'ai aucune envie de te tuer, mais je dois poursuivre mon chemin. Je dois parvenir à Giudecca !
- Toujours cette idée fixe, n'est-ce pas ? Mais mon pauvre ami, même si tu parvenais jusqu'à mon maître, tu ne pourrais rien faire. C'est un Dieu !
- Et alors, rétorqua Orphée ?
- La situation est perdue d'avance !
- Parce que tu crois que ce genre de paroles va m'arrêter ?
- A vrai dire je n'en sais rien et je m'en moque… Mon devoir de Titan est de t'arrêter et de te tuer.

Orphée saisit sa lyre et se mit à en jouer. Des rayons s'en échappèrent et se dirigèrent vers Minos.

- Stringer Nocturn !

Minos évita sans peine la première décharge d'énergie. La seconde ne lui posa pas beaucoup plus de problèmes. En revanche la troisième le toucha à l'abdomen et à la cuisse droite. La quatrième semblait être encore plus destructrice. Minos réfléchit à toute vitesse; il lui fallait contre-attaquer sous peine d'être détruit. Il enflamma alors son cosmos et lâcha:

- Spinning Thunder !

La rencontre des deux attaques fut terrible; un flash força les deux combattants à fermer les yeux pendant plusieurs secondes.

***

Quelques minutes plus tôt

Mime ouvrit d'abord un œil, puis le second. Il se releva péniblement, cherchant à savoir s'il avait quelque chose de cassé; apparemment rien. Le coup que lui avait envoyé Rhadamanthe l'avait laissé plus mort que vif. Pourtant quelques minutes de repos lui avaient permis de se remettre debout. Il ferma les yeux et fit appel à son cosmos pour savoir où en étaient ses compagnons d'arme. Les cosmo-énergies d'Io et d'Isaak étaient presque éteintes. Soit ils étaient déjà morts, soit ils ne tarderaient pas à l'être. Siegfried et Orphée combattaient. Mime sentait que le chevalier du Lion était plutôt en mauvaise posture, tandis qu'Orphée ne semblait pas faire appel à toute la puissance dont il était capable. Quant à Mû… Mime n'eut même pas besoin de chercher où se trouvait le chevalier du Bélier: la porte du Palais d'Hadès était encore ouverte. Il se préparait à rejoindre son compagnon quand son regard se posa par hasard - mais était-ce vraiment par hasard ? - sur le sol. Il ne put retenir une exclamation de joie: sa harpe était intacte !

Il eut alors une pensée pour Mû qui avait pris la peine de réparer son arme, alors que le temps pressait. Sans plus attendre, Mime se saisit de son instrument et s'engouffra à son tour dans Giudecca. L'endroit était sinistre, cela était certain.

Aucune ou très peu de lumière; les pas de Mime résonnaient sur le dallage sombre du palais. Le chevalier du Poisson avançait pas à pas, s'attendant à tout moment à être attaqué par surprise.
Il traversa plusieurs galeries sans rencontrer âme qui vive avant de se trouver face à une porte lourde et massive. Il la poussa néanmoins sans trop d'efforts. Il avait atteint le but ultime de son voyage: il se trouvait dans la salle d'audience de l'Empereur des Ténèbres.

Devant lui, à quelques mètres sur sa droite, se trouvait Mû. Il vit ce dernier se diriger vers le rideau puis l'écarter. C'est alors qu'un frisson lui parcourut l'échine lorsqu'il entendit son compagnon s'écrier:

- Shun !

Mais par quel prodige ? Par quel prodige le chevalier Andromède pouvait-il se trouver aux Enfers ? Mime s'approcha lentement. Le chevalier du Bélier n'était pas homme à se laisser impressionner facilement. Alors comment expliquer la quasi-paralysie dont il semblait être victime ? Pouvait-il s'agir d'une attaque mentale ?
Si c'était le cas, Mime ne devrait pas en être affecté et pouvoir regarder son adversaire tel qu'il était. Pourtant lorsqu'il parvint enfin aux côtés de Mû, il fut obligé de se rendre à l'évidence: Shun, le chevalier Andromède, lui faisait face. Toutefois Mime tiqua tout de suite; quelque chose clochait. Les cheveux ! Shun avait les cheveux verts alors que l'homme qui se trouvait devant eux les avait noirs. Mais alors, qui…

- Mû, que se passe-t-il ?
- Je n'en ai pas la moindre idée Mû, après un temps assez long. C'est Shun et en même temps…
- Ce n'est pas lui, compléta Mime.
- Je suis Hadès, le maître des Enfers, fit l'homme. Vous êtes sur mon territoire, sur lequel vous avez pénétré sans mon autorisation. Vous avez tué la plupart de mes guerriers. Que voulez-vous ?

La voix était la même, les intonations parfaitement imitées. Soit l'homme qui leur faisait face était Shun lui-même, soit c'était un des plus remarquables imitateurs que les deux chevaliers aient jamais vus.

- Shun, interrogea Mû d'un ton incertain ?
- Le corps du chevalier Andromède a été choisi pour être ma réincarnation lors de cette ère.
- Mais pourquoi lui, fit Mime ?
- Parce qu'il me faut le corps du mortel le plus pur.
- Je vois, fit Mû d'un ton pensif.

Les choses se compliquaient singulièrement pour les défenseurs d'Athéna.
S'ils s'étaient plus ou moins préparés à affronter le Dieu des Morts, ils étaient beaucoup plus réticents à l'idée de devoir combattre un des chevaliers divins, un de leurs amis, un de leurs frères…

***

Siegfried était touché. Gravement touché. L'attaque d'Eaque l'avait frappé de plein fouet par deux fois en quelques secondes, sans qu'il ait eu le temps d'esquisser la moindre parade. Le chevalier du Lion n'avait pas pu distinguer en quoi consistait la technique d'Eaque, mais une chose était certaine, à côté d'elle, le Garuda Flap était une aimable plaisanterie !

Certes, Siegfried n'était pas tombé; il avait pu se rattraper et était retombé sur un genou, les bras écartés pour maintenir son équilibre. Toutefois, bien vite, il fut obligé de porter sa main vers son cœur. Son armure était fissurée à ce niveau-là. Mais comment ? Les armures d'Or n'étaient-elles pas censées être les protections les plus puissantes ? N'étaient-elles pas immortelles ?

- Je ne pensais pas que tu survivrais, Siegfried.
- Comment as-tu fait ? Comment as-tu fait pour percer mon armure d'Or ? Je croyais…
- Qu'elles étaient indestructibles ? Oui, c'est vrai.
- Mais alors ?
- Alors, la réponse est simple, Siegfried. Tu n'es pas un chevalier d'Or. Tu as pu revêtir l'armure du Lion à la suite de circonstances qui me sont inconnues et dont je me moque, mais tu ne l'as jamais réellement méritée. Tu es un Guerrier Divin d'Asgard et tu n'as pas trouvé en toi l'humilité suffisante pour t'harmoniser avec l'armure d'Or. Vois-tu, à la différence des légendaires armures des Conquérants, des Ecailles de Poséidon ou même de nos Surplis, les armures d'Or ont une vie propre. Elles sont nées de la fusion du Soleil et de la poussière d'Etoiles. Or, chacun sait que lorsque l'on meurt, son âme devient une des étoiles qui illuminent le ciel. En conséquence, chaque armure d'Or possède en elle l'âme des chevaliers défunts qui en étaient les propriétaires. Elle a le pouvoir de décider qui est digne de la porter ou non. Rappelle-toi Seiya; bien que simple chevalier de Bronze, il a pu revêtir l'armure du Sagittaire lorsqu'il a affronté Aiolia, le véritable possesseur de l'armure du Lion.
- Je ne comprends pas… Comment peux-tu savoir tout cela ?
- Parce que j'ai été un chevalier d'Athéna, moi aussi, il y a bien longtemps…
- Mais comment es-tu devenu un Spectre ?
- C'est sans importance ici, Siegfried. Tu ne peux rien contre moi. Mon attaque a pour pouvoir de frapper directement, et sans que rien ne puisse l'en empêcher, le cœur de mon adversaire; comprends-tu à présent pourquoi tu as perdu ce combat ?
- Ton attaque…
- Mon attaque est une simple épée, chevalier. Mais une épée dont il est impossible de dévier la trajectoire. Une fois partie, elle va se ficher dans ton cœur. Alors pour l'instant, tu as pu t'en sortir parce que ton armure, sans te reconnaître, te protège, mais tu ne résisteras pas longtemps. Mon prochain coup te sera fatal.

"Il a raison, pensa Siegfried. Je me suis lancé dans la bataille sans prendre le temps de me familiariser avec mon armure. J'ai assumé qu'elle me serait une protection aussi parfaite que l'armure d'Alpha, sans même me préoccuper du fait que j'avais revêtu une armure d'Or. C'est ma faute, comment ai-je pu être aussi stupide ? Pardon, Athéna, je me suis montré indigne de ta confiance et de celle de tes chevaliers…" Soudain une aura apparut.
D'abord petite, elle grandit jusqu'à atteindre une taille incroyable. Pourtant aucun guerrier ne se trouvait derrière. Il y avait juste une masse d'énergie dorée. Eaque, comme Siegfried, était abasourdi. Un nouvel adversaire ?

- Siegfried ! Siegfried, tu m'entends ?
- Qui est là ?
- Peu importe mon nom. Vas-tu te laisser mourir, chevalier ?
- Je ne suis pas digne de…
- Il suffit ! Relève-toi, chevalier d'Athéna et cesse de t'apitoyer sur ton propre sort ! Meurs si tu le dois, mais bats-toi !
- Mais qui es-tu ?
- Tu le sauras si tu survis à ce combat, Siegfried !

L'aura disparut. Siegfried se releva et aussitôt il fit enflammer son cosmos. Il paraissait rempli d'une énergie nouvelle. Eaque recula instinctivement avant de se reprendre et de se mettre en garde à son tour.

- Tu vas mourir, Siegfried ! Que te frappe à nouveau l'Infinite Execution !

Un terrible éclair aveugla les deux combattants lorsque le bras droit du Titan heurta l'armure du Lion. Lorsqu'ils purent rouvrir les yeux, le Spectre ne put retenir un cri de surprise et de douleur. L'armure du Lion était à nouveau intacte et la protection de son bras était totalement détruite.

- Mais par quel prodige ?
- Tu avais raison, Eaque, je n'étais pas un chevalier d'Or. C'était une armure d'emprunt qui m'avait été confiée pour remplir ma mission. Mais je ne m'étais jamais intéressé à elle, parce que je la croyais être une simple protection. Tu m'as ouvert les yeux, tout comme l'homme qui était là il y a quelques instants. Je suis à présent Siegfried, le chevalier d'Or du signe du Lion, au service d'Athéna ! Je combattrai pour elle et pour la sauvegarde du monde jusqu'à ma mort ! L'armure m'a reconnu pour son possesseur légitime et à présent elle est plus puissante que jamais. En garde, Eaque, tu as perdu ce combat. Tâche de mourir dignement. Que les Flammes du Dragon te consument !

Eaque était trop abasourdi pour esquisser le moindre geste. Il tenta bien de se reprendre au dernier moment, mais il était déjà trop tard; l'attaque de Siegfried l'avait déjà transpercé de parts en parts. Une profonde stupéfaction pouvait se lire dans son regard, comme s'il ne comprenait toujours pas ce qui avait pu lui arriver. Du sang s'échappa de sa bouche en un hoquet de douleur puis il s'écroula, mort.
Siegfried le regarda quelques instants, remercia mentalement l'inconnu qui l'avait aidé puis reprit sa route. A environ une centaine de mètres de lui se dressait l'inquiétante silhouette de Giudecca…

***

Mime et Mû se regardèrent pendant quelques secondes. En ces instants si importants et même décisifs pour la sauvegarde de l'humanité, ils pensaient la même chose. Qu'importait l'identité de celui qui se trouvait devant eux, il fallait de toute façon obliger Hadès à ne pas lancer l'Ultime Eclipse, par la force s'il le fallait. Mû s'avança de quelques pas.

- Je suis Mû, chevalier d'Or du signe du Bélier. Au nom d'Athéna et de tous les peuples de la Terre, je suis venu vous demander, Hadès, de ne pas lancer votre offensive.
- Ah, et pourquoi ?
- Parce que vous allez créer une réaction en chaîne qui détruira effectivement la planète mais vous également.
- Moi, un Dieu ? Tu dois plaisanter, chevalier ?
- Absolument pas. Je viens du futur, Hadès, du XXIIIème siècle, précisément. J'ai vu les conséquences de l'Ultime Eclipse et de votre destruction. C'est pour cela qu'une poignée de chevaliers dont je fais partie est remontée dans le temps afin d'empêcher tout ça.
- Quelle histoire intéressante, chevalier du Bélier. Très intéressante, en vérité. Tu fais preuve de beaucoup d'imagination. Et tu espères réellement me convaincre avec cette fable ?
- Oui, car sinon vous ne nous laisserez pas le choix. Nous devrons vous contraindre par la force.
- Parce que vous croyez peut-être pouvoir me vaincre ????

A nouveau, les deux chevaliers se regardèrent. Il était évident qu'ils n'avaient que peu de chances de sortir vainqueurs d'un affrontement avec l'Empereur des Ténèbres. Si tant était qu'ils en aient une… Il leur fallait concentrer leurs cosmo-énergies au maximum et frapper de toutes leurs forces en même temps.

- Brûle, mon cosmos, s'écrièrent-ils en même temps !

Une formidable aura dorée vint alors les entourer. Jamais peut-être, se dit Mû, mon cosmos n'a brillé de cette manière.

- Star Light Extinction !
- Que les Rayons de Lumière te terrassent !

Les deux attaquent conjuguées se dirigèrent vers Hadès à la vitesse de la lumière, peut-être plus rapidement.
Mais au moment de toucher le Dieu des Enfers, deux masses d'énergies s'interposèrent. Au bout de quelques secondes, elles prirent forme humaine puis leur visage apparut en pleine lumière.

- Qui êtes-vous, demanda Mime d'une voix tremblante ?
- Mon nom est Thanatos, Dieu de la Mort.
- Quant à moi je suis Hypnos, Dieu du Sommeil.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.