Chapitre 4 : Messagers funestes


Aioros

Quand j'ai repris connaissance après m'être vidé des deux tiers de mon sang, je ne savais plus vraiment quel jour nous étions, ni ou je me trouvais. Mais cela n'était pas uniquement du au fait que j'avais vécu la veille une pénible épreuve. J'avais cette impression de ne pas pouvoir me repérer en permanence depuis mon retour. J'avais disparu pendant treize ans et j'étais de nouveau en vie… il fallait tout de même avoué que le changement était de taille! J'étais dorénavant plus jeune que mon frère de six ans… j'avais découvert un Saga repentant qui était un chevalier exemplaire en permanence, Shura était redevenu, comme autrefois, avant qu'on ne lui fasse croire que je n'était qu'un traître, mon meilleur ami, et nous passions le plus clair de nos journées ensemble.
S'ils nous arrivaient parfois de nous disputer, ce n'était plus que pour des broutilles, et, depuis trois mois que nous étions revenus dans le monde des vivants, je crois qu'il prenait de moins en moins de précautions à mon égard. Au début, nos rapports avaient été mal aisés et placés sous le signe de la gaucherie, mais ces temps étaient révolus. Il n'avait certes, même s'il ne le disait pas je m'en doutais, pas pu se pardonner d'avoir trahi celle qu'il devait servir, et dont il se vantait d'être le plus fidèle serviteur mais il était à présent plus serein, plus en accord avec lui-même et je pouvais dire, sans fausse modestie, que c'était un peu grâce à moi. Je l'avais aidé à dépasser ses remords et maintenant, les gestes empreints et disgracieux qu'ils m'adressaient s'étaient transformés et nous ne partagions plus que notre camaraderie d'autrefois.
Je pense que notre amitié n'aurait pas pu être aussi solide qu'elle l'était actuellement si nous n'avions pas traversé ensemble, certes sur des chemins séparés mais toujours parallèles, les mêmes épreuves, les mêmes drames, les mêmes combats. Nous avions toujours été, l'un comme l'autre, des combattants extrêmement dévoués à la cause de la justice et à Athéna… seulement j'avais eu la chance de ne pas me laisser berner et abuser par le Saga torturé de l'époque. Shura avait été trop facilement aveuglé en voulant jouer les bons soldats et en obéissant au Grand Pope sans jamais essayer de remettre en cause son comportement. Il n'avait, de plus, jamais été porté sur l'indulgence. Mais, à sa place, n'aurais-je pas fait de même? Je ne pouvais pas répondre à cette interrogation, car l'existence que j'avais vécu ne me le permettait pas.
Mais tout ceci était terminé depuis bien longtemps, c'était loin derrière nous et il n'était pas dans mes habitudes de me retourner. Seul l'horizon m'intéressait, et celui-ci ne me paraissait, en ce moment, pas très lumineux. La possibilité d'une bataille contre Arès et ses Berserkers se confirmait de jour en jour, et ce n'était pas pour me rassurer. La tension montait, on furetait, on guettait le moindre mouvement d'un buisson, la moindre ombre suspecte et je me demandais si ce jeu n'amusait finalement pas notre ennemi. Mais Dohko nous avait expliqué que ce dieu barbare et cruel n'était pas aussi fin et que lorsqu'ils se déciderait à attaquer, se serait soudainement et de façon sanglante, car il appréciait particulièrement les effets de surprises. Notre Grand Pope nous avait aussi expliqué qu'il aimerait peut-être se trouver sur son propre terrain… et nous devrions nous plier à sa volonté, car, étant en position défensive, nous étions contraints de nous rendre chez ceux qui déclenchaient les offensives.
Pour ma part, je trouvais le "silence" d'Arès des plus étranges. Comment cela se faisait-il qu'il ne tentait rien, qu'il n'essayait pas de nous attaquer? C'était tout de même inquiétant et je songeais que cela signifiait qu'il se tramait quelque chose de particulièrement mauvais.
Je n'arrivais pourtant pas à discerner quoi, alors que je fixais des yeux le plafond, tout en me laissant aller à l'indolence auquel j'avais pour une fois droit. Après ce que j'avais vécu, je me sentais épuisé, vidé, j'errais entre l'hébétude et la réalité, mais j'étais heureux d'avoir accompli mon devoir et d'avoir enfin retrouvé mon armure.
A quoi pouvait-elle ressembler maintenant? Elle était probablement magnifique et j'imaginais déjà ses grandes et gracieuses ailes dans mon dos, son arc triomphant dans mes mains, prêt à tirer sur n'importe quel ennemi de la déesse Athéna... Encore une nouveauté auquel je n'étais pas habitué. Le bébé que j'avais sauvé dans années auparavant était à présent âgé de quatorze ans, et cette jeune fille n'avait plus rien de l'enfant que j'avais tenu dans mes bras et confié à un homme qui passait à cet instant des les ruines ou je gisais, prêt à ne m'endormir dans le sommeil éternel de la mort que lorsque j'aurais accompli mon ultime mission, la plus importante de toute mon existence.
Mais alors que j'étais allongé sur un lit, sans doute le mien, puisque je croyais reconnaître mon Temple, tout ceci me semblait bien loin, comme si j'avais vécu ces évènements tragiques dans une autre vie qui ne me concernait plus vraiment. J'avais à présent la chance de pouvoir reprendre mon existence là ou elle s'était trop brusquement arrêtée, et on m'offrait l'occasion de continuer ce que j'avais été obligé d'abandonner des années auparavant.
Je fermais les yeux pour me donner le change et essayer d'arrêter d'être envahi par mes pensées et mes souvenirs, qui m'assaillaient parfois avec trop de vivacité. Lorsque je rouvris les paupières, je me sentis toujours incapable de bouger. Mais j'aimais la sensation de ne pas avoir besoin de me lever, d'aller exécuter les mille travaux que j'avais chaque jour pour m'occuper l'esprit. J'aimais d'habitude beaucoup travailler, mais l'épreuve d'hier m'avait rendu paresseux et j'étais encore très affaibli par la perte de mon sang.
Mon estomac se noua soudainement alors que je songeais qu'Arès pouvait très bien profiter du moment pour nous attaquer et nous réduire à néant. Qu'aurais-je été capable de mener à bien dans pareil état? Cependant, je n'oubliais pas qu'il n'avait pas la moindre idée de la position dans laquelle nous nous trouvions. Et c'était bien là notre force. Je soupirais longuement, comme pour expulser toutes mes réflexions encombrantes par ce souffle. Un élancement me traversa la poitrine, sûrement provoquer par la fatigue extrême dans laquelle je me trouvais et je décidais d'entreprendre de me tourner sur le côté. J'allais de nouveau dormir un peu, cela ne me ferait pas de mal, bien au contraire.
Alors que tout autour de moi devenait plus floue, et que mes paupières se fermaient à demi, j'entendis vaguement un bruit de pas dans ma maison. Il n'avait rien de barbare, ou de presser, et je n'éprouvais pas la moindre anxiété à l'approche de ce visiteur courageux car sans doute matinale.
-Aioros...
-Hum? grognais-je, déjà plongé dans un demi-sommeil dont je n'avais aucune envie de sortir tant je m'y trouvais bien.
-Aioros? Aller courage, je vais t'aider à te remettre sur pieds.
Cette voix était douce, pure comme du cristal, et ses mains fines qui se posaient sur moi, avec une certaine tendresse et beaucoup d'affection...
-Athéna... murmurai-je, car même dans ma semi-inconscience, je savais identifier Saori, c'était instinctif.
-Oui, c'est moi.
Sa voix me parvenait comme au travers d'un épais voile de sommeil et me berçait plus qu'elle ne me réveillait. Me demander comment elle pouvait être debout après ce qu'elle avait elle aussi vécu était au dessus de mes forces. Elle arrivait probablement de la chambre sacrée mais pourquoi s'était-elle rendue ici? Avait- elle à m'instruire de quelque chose ou à me demander un service? Ou venait-elle simplement pour savoir comment j'allais? Les réponses ces interrogations ne m'intéressaient pas et je me contentais de sentir la douce chaleur qu'elle dégageait m'englober.
Je fermais les yeux, n'apercevant qu'au bout de quelques instants que je baignais dans une lumière dorée des plus merveilleuses. Son cosmos était d'une pureté incomparable, et peu à peu, je sentis que j'étais de nouveau capable de bouger sans me sentir épuisé, que je voyais de nouveau le monde clairement, que j'entendais tout distinctement, que mon envie de dormir s'était envolée en même temps que mes douleurs à la poitrine. Athéna avait posé une main sur mon bras et elle me transmettait sa puissance, me guidant vers la guérison et la lumière avec son habituelle délicatesse. Et bientôt, j'eus l'esprit assez lucide pour m'asseoir dans mon lit et la voir se relever, car elle était agenouillée près de moi.
-Mais... princesse... je... c'est comme si je n'avais rien fait hier. Comment est-ce possible? Et comment avez-vous fait pour guérir aussi rapidement alors que vous avez perdu les deux tiers de votre sang? Êtes-vous sûre que vous vous portez bien?
Elle me sourit et secoua la tête.
-Aioros, tu poses beaucoup de questions mais je vais essayer de te fournir une explication. Je suis tombée dans un demi-coma, comme vous tous, mais ce matin, je me suis réveillée comme par magie, grâce à Virginie en réalité qui possède des pouvoirs de guérison étonnants...
-Virginie? demandais-je, sans comprendre qui était cette personne et ce qu'elle venait faire dans l'histoire de ma déesse.
-Oui, c'est le prénom que Nikè s'est choisi pour sa réincarnation... et je trouve qu'il lui sied plutôt bien. Enfin, elle m'a guéri durant la nuit, pour que je puisse à mon tour, vous redonner vos forces. Le temps presse car je ne crains qu'Arès ne se décide à frapper aujourd'hui ou demain... je ne peux pas rester avec toi davantage, même si l'envie ne m'en manque pas, Aioros, mais je dois redescendre tout le Zodiaque pour pouvoir aider tes confrères et les remettre sur pieds.
Je hochai la tête avec compréhension. Je ne pouvais pas la retenir plus longtemps car elle avait une tâche de la plus haute importance à accomplir. Mais avant qu'elle ne franchisse le seuil de ma chambre, j'étais déjà debout et la retint en l'appelant:
-Athéna... êtes-vous certaine que vous allez bien? Ce que vous êtes entrain de faire ne va pas vous épuiser?
-Non, non, cela ne risque pas car je ne fais en réalité qu'accélérer votre processus de guérison. Et encore, car vous devrez vous reposer, même après mon passage.
Une nouvelle fois j'acquiesçais alors qu'elle me souriait en me saluant. J'étais inquiet pour elle par moment mais j'oubliais généralement qu'elle était une déesse et que ses capacités de récupération, allaient encore bien au-delà des nôtres.
J'avançais dans mon temple jusqu'à ma petite salle de bain et me frottais le visage des deux mains, pour retrouver ma vivacité et mon énergie. Je jetai un vague coup d'œil dans la glace et émis un râle en voyant mes cheveux bruns encore tout emmêlés de nœuds... dire que je m'étais montré comme cela devant Athéna. Le rouge me montait aux joues comme à un gamin et je me dis qu'il n'y avait que la gardienne du Sanctuaire pour provoquer une réaction aussi puéril chez moi. Je me mouillais le visage, histoire de reprendre définitivement connaissance tout en songeant au dieu de la guerre.
Je ne m'étais jamais renseigné sur lui, du moins, pas autant que je l'avais fait sur Hadès ou Poséidon... Mon maître, il y avait de cela longtemps, avait évoqué cette divinité et la manière dont Athéna et ses chevaliers avaient réussi à le vaincre. Au prix de nombreux sacrifices si ma mémoire était bonne. Il était, après Cronos, mais ce dernier avait été exilé de l'Olympe et nous n'avions donc plus rien à craindre, la personne la plus cruelle et la plus barbare de toutes. Si Hadès avait une âme sombre, c'était le cas de le dire, et que tout son être n'était fait que de haine et de dégoût envers la race humaine, Arès était, quant à lui, un dieu qui agissait dans le même optique, mais de façon plus agressive, plus violente et plus barbare.
Dohko m'avait dis, alors que j'avais eu une discussion avec lui dans son temple car déjà, la nouvelle guerre sainte me travaillait, qu'Arès ne vivait que par et pour la guerre et qu'après plusieurs centaines d'années d'un sommeil forcé, il voudrait sans doute mettre à mort toux ceux qui se trouvaient sur son passage. Cela n'avait fait que renforcer mon appréhension mais je n'étais pas apeuré pour autant par les Berserkers. Ce n'était pas cela qui allait me faire reculer, surtout si le sort de millions d'êtres humains devait dépendre de mon, non, de notre courage à tous.
Nos armures étaient réparées, nos corps aussi à présent, et je me jugeais prêt à plonger dans une nouvelle bataille. Même si je devais y laisser la vie, ce qui était une possibilité non négligeable, voire tout à fait envisageable, j'accomplirai mon devoir envers les hommes et Athéna. Je me dis à cet instant, que si nous avions, nous, les Gold Saints, eu la chance de sortir des dimensions ou nous étions plongés à cause de l'explosion du Mur des Lamentations, ce n'était peut-être pas uniquement à cause de notre force. Si évidemment, sans cela, nous serions tous morts... mais je me doutais à présent qu'il y avait autre chose. Sur terre, un destin nous attendait. Oui, et nous n'allions pas tarder à l'accomplir.


Julian

Je n'avais pas osé prendre contact avec Athéna depuis qu'elle était revenue. Cela faisait à présent douze jours et je me languissais de la revoir et de lui demander ce qui était entrain de se passer. J'avais mon idée sur ce qui provoquait ce bouleversement mondial mais je voulais entendre la déesse du Sanctuaire me le confirmer. Tout autour de moi semblait devenir fou et Sorrento et moi éprouvions beaucoup plus que de l'inquiétude.
Lorsque j'étais sorti de l'île sur laquelle j'habitais à présent presque en permanence, je n'avais aucune envie de me retrouver sur le Continent avec tout ce qui s'y passait, j'eus l'impression que tout avait changé. Pourtant, les rues étaient les mêmes, les paysages étaient semblables, il y avait certes, moins de monde qu'à l'accoutumé dans la ville d'Athènes, mais malgré tout assez pour faire croire que rien n'avait été transformé.
Un frisson me parcourut quand je compris ce qui faisait toute la différence. Les visages, les visages des personnes qui m'entouraient étaient durs, fermés, inquiets... ils se demandaient tous s'ils allaient survivre à ce qui se passait, si le drame qui touchait toutes les nations allaient arriver jusqu'à eux, leur volant la vie des gens qu'ils aimaient et peut-être même la leur.
Mon air devait leur paraître étrange- ou bien était-ce la toge que je portais?- car ils me dévisageaient tous alors que j'avançais d'un pas assuré vers la sortie de la ville, qui me mènerait vers les collines aboutissant au Sanctuaire. J'aurais souhaité remonter dans le temps, le soir ou le cosmos d'Athéna m'avait englobé sur la plage ou je me promenais en compagnie de mon meilleur ami, oui, à l'époque ou tout allait encore bien. Mais je savais que cela ne modifierait rien, car il était écris dans le dessein céleste que les choses devaient se passer comme cela. Mais il fallait agir, si c'était possible évidemment, et au plus vite.
J'atteignis rapidement les limites du Domaine Sacré de Saori et les gardes me laissèrent passer sans difficulté car ils m'avaient sans doute reconnu. Et ils souciaient, du moins je le supposais, plus de ce qui se produisait à l'extérieur. Ils n'avaient pourtant pas de soucis à se faire, puisqu'ils vivaient chez Athéna en permanence avec leur proche famille, s'ils en avaient une, mais j'oubliais trop facilement qu'ils n'avaient pas que de proches parents et que, peut-être, quelque de leur cousin ou de leur oncle, était pris actuellement dans le tourbillon de la folie humaine qui se déchaînait partout sur le globe.
J'étais perdu dans mes réflexions alors que je parcourais le chemin sablonneux qui me permettrait d'atteindre la déesse que j'étais venu voir, et je me coupais du reste du monde pendant quelques minutes. Mais au fond de moi, de mon esprit, il subsistait une partie qui me soufflait que la situation était critique. Je n'arrivais pas à faire taire cette voix, même si je le désirais de toutes les forces de mon âme. Je ne craignais moi-même certes rien, puisque j'étais le maître des océans, l'empereur Poséidon, pas plus que mon confident Sorrento, mais la race humaine toute entière était menacée! Je n'étais pas égoïste au point de ne pas y faire attention.
Lorsque j'arrivais au pied des douze Maisons, je dus prendre mon courage à deux mains en regrettant amèrement de ne pas connaître les issues secrètes des temples, dont seule Athéna et les chevaliers d'or avaient dorénavant le secret... et ils n'étaient pas prêts de l'avouer, c'était certain.
Je gravissais lentement les marches du temple du Bélier, me laissant guider par un bruit intriguant de marteau et de crépitement. Je découvris alors soudainement Mu, agenouillé devant une armure, celle du Dragon, je la reconnaissais, entrain de la réparer et de la rendre, à chaque coup d'outil, de plus en plus brillante et solide. Il ne m'entendit pas car il était trop absorbé par son travail et je ne souhaitais de toute façon pas me faire remarquer. Je me glissais vers la sortie tout aussi silencieusement et soupirais. J'allais devoir franchir encore onze temples! Je cherchais en moi le courage nécessaire à cette escalade et commençais la lente montée qui me mènerait vers la solution, du moins l'esperais-je, de tous mes problèmes.


J'avais le souffle court et le cœur battant alors que je me retrouvais devant le Chambre sacrée ou vivait Athéna... mais ce n'était pas seulement du à la montée des marches, car j'étais très endurant. Je ne savais pas vraiment ce qui m'arrivait, j'étais angoissé par ces retrouvailles. Peut-être à cause de ce qu'elles impliquaient, de ce à cause de quoi j'étais là, peut-être aussi parce que je ne l'avais pas vu depuis de longs, de très longs mois et que je ne craignais ses réactions. Pourtant, quand je la vis par hasard entrain de marcher dans l'immense entrée de marbre de son vaste temple, cette seule apparition balaya toutes mes peurs et je me précipitais vers elle, lui saisissant les mains et provoquant chez elle un certain effarement. Elle ne s'attendait probablement pas à me trouver chez elle, à midi, alors qu'elle me croyait quelque part dans l'une de mes propriétés. Elle n'avait pas changé, en apparence du moins. Elle avait simplement le teint un peu plus pâle, mais c'était bien les mêmes yeux bruns qui me regardaient, le même sourire qui illuminait son visage et le rendait encore plus beau.
-Julian! Mais... que fais-tu ici?!
Je me mis à rire de sa surprise alors qu'elle ne comprenait pas la raison de ma visite. Je n'eus pas envie de gâcher immédiatement mes premières minutes à ses côtés et je lui souris avec bonne humeur. Pourtant, je ne pouvais pas lui cacher plus longtemps mes tracas et n'allait pas tarder à me retrouver dans l'obligation de tout lui avouer. En voyant son expression lumineuse, je compris qu'elle ne savait rien, qu'elle n'était au courant de rien, car, si cela avait été le cas, elle aurait été introuvable, à monter quelque plan pour intervenir, ou à prier pour le genre humain...
Je lui proposais alors mon bras avec ma désinvolture coutumière pour que nous fassions quelques pas dehors, car si j'avais de l'air pur dans mes poumons, j'étais persuadé que j'arriverais mieux à lui expliquer ce qui se passait. Je la guidais dehors, alors qu'elle répondait à ma question de savoir comment elle se portait. Elle m'apprit aussi ce qui s'était passé hier soir et je fronçais les sourcils avec inquiétude.
-Mais vous avez tous pris des risques inconsidérés à jouer ainsi avec vos vies!
-Nous n'avions pas le choix, me répondit-elle simplement, alors qu'elle se détournait de moi pour offrir son visage à la caresse d'un vent léger qui venait de se lever. Il fallait le faire… une nouvelle guerre sainte se prépare.
J'ouvris la bouche pour dire quelque chose avant de la refermer car ce qu'elle venait de lancer me glaçait le sang. Elle savait donc tout… à moins que… je lui pris la main, la forçant ainsi à soutenir mon regard pendant que je parlais.
-Contre qui? Arès n'est-ce pas?
-Oui… enfin, oui. As-tu toi aussi senti sa cosmo-énergie alors qu'il s'éveillait de son sommeil que nous aurions tous souhaité éternel?
Je hochais la tête et un silence tomba entre nous. Elle laissa ses yeux errer sur son Domaine Sacré avec une douceur que je lui avais déjà souvent vu dans le regard.
-Saori...
-Oui?
Je prenais mon courage à deux mains pour lui annoncer la terrible nouvelle. Elle ne s'y attendait pas, je le devinais, mais il valait mieux qu'elle l'apprenne de ma bouche plutôt que de celle d'un garde ou d'un quelconque colporteur, du moins, je me plaisais à le croire.
-La situation est très grave, commençai-je en serrant avec plus d'intensité sa main, je n'ai pas uniquement su que c'était Arès parce que je l'ai sentis. Évidemment, son réveil n'est pas passé inaperçu à mon sixième sens mais… il y a bien autre chose qui m'a indiqué que le dieu de la guerre était parmi nous. Sur terre, oui, partout dans le monde, des guerres éclatent, avec une violence telle que nous n'en avons jamais vu...
Je prévins son mouvement de recul en retenant sa main dans la mienne. Ses yeux se troublèrent et l'affolement qu'elle éprouvait se lisait sur son visage. Elle secoua la tête, incrédule et imperméable à mes propos.
-Non, Julian... non!
-Je puis te le garantir. Partout sur le globe, des conflits se développent et les hommes semblent être pris de folie. Ils vont jusqu'à descendre dans les rues pour agresser leurs voisins de palier. La corruption, la misère, l'agressivité envahissent la terre aussi vite que la peste. Seuls quelques pays semblent ne pas encore avoir été touchés. L'Amérique, l'Asie, l'Océanie, l'Afrique, oui, hormis cinq ou six pays d'Europe, tout le monde combat tout le monde sans aucune raison apparente. La terre entière semble flirter avec le vice et le mal et je ne peux pas croire que c'est leur nature qui les pousse tous à cela... c'est pourquoi je me suis dis qu'il devait y avoir quelqu'un, une personne dans l'ombre, qui dirigeait, décidait de tout cela...
-Arès, murmura Saori en fermant les yeux.
Elle inclina sa tête avant de la relever, les yeux brillants de colère, de désespoir, de courage, je ne savais pas. Elle avait sans doute du mal à croire que ses sujets en soient réduits à s'affronter ainsi.
-Ainsi l'habile, le rusé Arès, a décidé de détruire la race humaine de l'intérieur... il n'aurait même pas à se salir les mains de cette façon... comment peut-on être aussi cruel?!
Elle évita soigneusement de croiser mes yeux et son regard s'éloigna vers l'horizon. On aurait dis qu'elle se confondait avec celui-ci, qu'elle ne rêvait que de voler vers lui pour le rejoindre et aider ces hommes à qui elle tenait tant et pour qui elle n'hésitait jamais à mettre sa vie et celle de ses chevaliers en péril.
Je ne voyais pourtant nullement en elle de trace de désespoir ou de faiblesse, au contraire, elle semblait décidée et volontaire et une bref bourrasque de vent fit danser nos cheveux, nous les mettant pendant quelques secondes dans la figure. Je ne savais plus que dire ou que faire, si toutefois je pouvais me rendre utile.
J'étais d'ailleurs tout prêt à aller combattre Arès, Sorrento aussi si jamais on avait besoin de lui... mais ce n'était pas un quelconque combat qui s'apprêtait à s'engager. Il s'agissait d'une bataille millénaire entre Athéna et Arès, entre deux ennemis de toujours qui ne s'étaient jamais appréciés et qui luttaient farouchement à chaque fois qu'ils se rencontraient.
Je connaissais un grand nombre d'histoires sur le compte du dieu de la Guerre, toutes plus terrifiantes les unes que les autres, et je n'imaginais pas Saori se retrouver seule face au puissant Arès. Elle l'avait pourtant vaincu durant son dernier affrontement, et je saisissais qu'elle en était parfaitement capable, mais elle n'avait pas eu besoin de me le dire, pour que je comprenne que la fureur et la rage de ce dernier avaient été décuplées par la défaite de son meilleur ami, Hadès. La vengeance, en plus de la haine, étaient les deux raisons les plus puissantes qui animaient cet empereur maléfique.
Mais au fait, ou se trouvait ce dernier et ses armées alors que nous discutions tous les deux dehors, tout en laissant errer notre regard sur le paysage qui nous entourait? Je lui posais la question et elle me répondit par un mouvement de main évasif :
-Je n'en sais rien, mais ce dont je suis certaine, c'est qu'il ne va maintenant plus tarder... il voulait sans doute d'abord déclencher la folie humaine avant même de nous attaquer et peut-être même qu'il espère que nous viendrons à lui pour l'arrêter. Et je dois avouer qu'il a malheureusement raison. Car, que pouvons-nous faire d'autre que de tomber dans le piège qu'il nous a sans doute préparé? Il doit savoir qu'une fois l'offensive démarrée, nous ne reculerons devant rien pour stopper son ambition maléfique...
Elle se tut subitement et je l'observais. Je devinais qu'elle était déjà prête à combattre et qu'elle l'avait depuis toujours été.
-Je crois que ma présence serait nécessaire lorsque vous irez combattre Arès, déclarai-je, non sans attendre avec impatience sa réponse que je présumais déjà.
Elle secoua la tête alors qu'elle saisissait mon bras pour que nous rentrions à l'intérieur. Il était vrai qu'il ne faisait pas très chaud et qu'elle ne portait qu'une toge blanche rehaussée d'une étole transparente. Elle n'ouvrit pas la bouche jusqu'à ce que nous nous trouvions au centre de l'entrée de la Chambre Sacrée.
-Il ne faut pas que tu viennes avec nous. C'est une bataille millénaire entre Arès et Athéna, et personne n'a le droit d'y intervenir, surtout pas une autre divinité. Cependant...
-Cependant? répétais-je, un peu bêtement.
-J'aimerais que tu gardes mon Sanctuaire durant mon absence, car je ne veux pas qu'il reste sans énergie pour le protéger. Après tout, nous n'avons pas la moindre idée de ce que les Berserkers ont en tête et il se pourrait bien...
J'acquiesçais, tout en regrettant amèrement de ne pas pouvoir venir avec elle. Mais je devais reconnaître qu'elle avait raison et que les batailles entre les dieux étaient généralement loyales... mais n'était-ce pas le même Arès, qui, durant un affrontement dès plus violent avec Athéna, était venu chercher refuge dans les terres de son meilleur ami, dans l'Hadès autrement dit? Je ne jugeais pas bon de lui rappeler, elle y avait sans doute déjà songé, et je me promis d'agir si jamais elle était trop en danger. Je n'hésiterai pas à me rendre sur le champs de bataille pour la cause de la justice, que je défendais à présent moi aussi avec beaucoup d'ardeur. Je sursautais soudainement en entendant un bruit de pas derrière nous et fis face brusquement. Rien qu'en parlant du dieu de la guerre, j'avais déjà les nerfs à vif.
-Ah... Julian, dit Saori en posant une main sur mon bras, Je te présente Virginie...
Ce visage ne m'était pas totalement inconnu et l'impression qu'il provoqua en moins fut étrange. Je connaissais cette personne, mais d'ou?
-Nous ne nous serions pas déjà rencontrés? interrogeais-je après l'avoir salué avec galanterie.
-Je crois bien que si... mais c'était il y a longtemps de cela, Poséidon.
-Tu te trouves devant la réincarnation de la déesse Nikè en réalité. La déesse de la Victoire, coupa Saori, avec un demi sourire amusé sur le visage. Elle a souvent combattu à mes côtés.
-Bien-sûr, bien-sûr. Je suis aussi charmé qu'honoré de vous rencontrer.
-Moi de même, répliqua Virginie, probablement habituée à provoquer depuis son arrivée, l'étonnement de tous ceux qui se trouvaient sur son passage.
Voir Nikè devant moi avait quelque chose de surprenant- depuis quand est-elle arrivée?- mais aussi de rassurant car elle promettait la Victoire aux chevaliers de l'espoir et à leur déesse. Mais à quel prix?
Athéna nous sourit tour à tour mais je supposais qu'elle était déjà ailleurs, loin de nous, parmi les hommes qu'elle devait protéger et pour qui elle abandonnerait et donnerait tout, jusqu'à sa propre vie.


La nuit tombait une fois de plus, sans que personne ne soit venue troubler la paix du Sanctuaire. Et c'était bien encore l'un des seuls endroits du monde ou l'on pouvait parler de calme et de sérénité.
Durant tout l'après-midi, alors qu'Athéna continuait de recevoir Poséidon, Nikè avait du convoquer tous les chevaliers d'Or, ainsi que les cinq frères de Bronze qui répondaient toujours à l'appel. Ayant elle-même eut beaucoup de mal à encaisser le coup qu'on lui avait administré sans vergogne, elle avait préféré soigneusement choisir ses mots, pour raconter aux Saints ce qui se passait partout à l'extérieur.
Seiya et ses compagnons ne s'étaient pas montrés surpris, ils avaient même eu l'air d'être déjà au courant car, en effet, ils étaient, de tous les hommes présents, ceux qui se promenaient le plus dans la ville d'Athènes et qui avaient le plus de relations avec le monde extérieur.
Il en allait tout autrement pour les chevaliers d'Or, qui étaient devenus muets d'effroi. La nouvelle que Nikè avait jeté tel un pavé de taille impressionnante dans une étendue d'eau paisible, avait glacé le sang de tous, et ils n'avaient rien su répondre. Les hommes s'entretuaient, car ils y étaient poussés par une puissance divine, et, paraissait-il, s'ils continuaient au rythme effréné qu'ils tenaient déjà, les victimes de ces barbaries se compteraient bientôt non pas par milliers, mais par millions. La situation était urgente, alarmante, voire même catastrophique et Virginie n'était pas totalement en désaccord avec Shura lorsqu'il disait qu'il fallait se rendre dans l'heure même dans le fief d'Arès.
Cependant, un nouveau problème se posait... mais ou était exactement le Sanctuaire du Dieu? Et un piège ne les y attendait-il pas? Si, évidemment, selon Shaka, mais il n'y avait pas de choix à faire, le sort de l'humanité en dépendait. La vitesse serait la meilleur alliée, d'après les dires de Milo, et il fallait partir vite et frapper de façon inattendue.
-Oui, oui, bien-sûr, répliqua Nikè, mais nous allons nous jeter entre les mâchoires puissantes des Berserkers et d'Arès lui-même si nous faisons cela. Il nous faut calmer l'impatience que nous éprouvons tous et réfléchir sereinement.
-Mais comment pourrais-t-on être calme pendant que des millions de personnes souffrent et se font massacrer pendant que nous sommes tous tranquillement assis autour de cette table?! s'énerva Seiya.
C'est à ce moment qu'Athéna entra dans sa salle avec Poséidon à son bras et imposa le silence d'un geste autoritaire au chevalier Pégase. Virginie l'accueillit avec un grand sourire, heureuse de ne plus avoir à faire face seule à ces dix-huit hommes en colère. Elle avait du mal à endiguer leur fureur et la présence de la déesse elle-même l'aiderait sûrement.
Ils se levèrent tous à l'entrée des deux dieux mais Julian leur indiqua immédiatement qu'il pouvait se rassoire. Les deux personnes qui venaient de pénétrer dans la salle de réunion n'avaient plus rien à voir avec celles que l'on pouvait croiser ordinairement. Il s'agissait bel et bien de la déesse Athéna et du dieu Poséidon, tandis que Saori et Julian n'étaient plus présents et n'avaient de toute façon pas leur mot à dire. L'aura de puissance qu'ils dégageaient le fit immédiatement comprendre à la petite assemblée. Nikè comprit rapidement le ton qu'allait prendre la conversation et elle s'harmonisa avec leur énergie, redevenant à son tour la mythologique déesse de la Victoire. Celle-ci se retourna alors vers Seiya:
-En effet, alors que nous conversons du sort du monde, des personnes meurent mais si nous ne prenons pas un moment pour nous mettre au point, au lieu de sauver des vies, nous allons en perdre encore plus. La précipitation n'est pas ce que nous recherchons. Et si nous mourrons, qu'arrivera-t-il au genre humain? Alors, je vous en prie, faites preuve d'encore un peu de patience.
Un silence tomba dans la salle et Athéna et Poséidon entourèrent d'un même mouvement le trône de la déesse. Ils avaient l'air plus imposants que d'habitude et cela prouvait bien que l'heure était grave. Dehors, le crépuscule tombait peu à peu, estompant les couleurs vivaces de la journée et donnant à la nature un semblant de sérénité qui lui manquait car l'air entier paraissait être électrisé, et ce, même à l'intérieur de la salle de réunion.
-Ou se trouve le domaine sacré ou réside Arès? demanda Camus, qui ne se dépareillait jamais de son calme, et qui jeta un rapide coup d'œil à son disciple Hyoga qui se drapait dans son air de dignité.
-C'est bien cela qui m'inquiète le plus, commença Athéna et rejetant une longue mèche de ses cheveux mauves en arrière. Cela fait des centaines et des centaines d'années que nous ne nous sommes pas affrontés et je suis incapable de localiser son Sanctuaire. Sa cosmo-énergie doit de plus avoir un effet de camouflage et les Berserkers eux-mêmes ne sont pas repérables...
Elle se tourna vers Dohko qui comprit l'interrogation qu'il lut dans son regard.
-Je n'ai malheureusement pas non plus la moindre référence qui puisse me permettre de donner une information. Le dieu de la Guerre est très mystérieux, secret, et personne, pas même dans la mythologie n'a jamais su ou se trouvait son territoire, si même il en possède un...
-Je suis persuadé qu'il en a un, répliqua Poséidon. Cela me semble évident puisqu'il l'urne ou il a été enfermé a bien du être déposée quelque part, dans un endroit qui ne correspondait qu'à sa personne et à la guerre qu'il avait vainement essayée de mener.
Aiolia hocha la tête pensivement et Aphrodite passa une main gracieuse dans ses cheveux.
-Cela se trouve forcément en Grèce... réfléchit à voix haute Nikè. Mais c'est fort vaste...
-Il faudrait peut-être, une fois encore, avoir recours aux archives du Sanctuaire, proposa Kanon. Elles nous ont déjà bien aidés récemment.
Mu hocha la tête. Le chevalier du Bélier avait des cernes sous les yeux, mais il se sentait pourtant assez en forme pour combattre, du moins, le disait-il. Ces derniers jours l'avaient fatigué et il jugeait qu'une nuit lui suffirait pour récupérer son énergie.
-J'irai les voir moi-même, déclara Dohko d'un ton tranchant. Et je pense que maintenant vaut mieux que tout à l'heure. Alors avec votre permission Athéna...
-Oui, allez-y sur le champs. La réunion est de toute façon close. Que chacun récupère son armure et se prépare à la mettre. Attendez dans vos temples, j'ai un pressentiment qui me souffle que cela ne devrait plus tarder. La bataille approche et nous devons nous tenir prêts. Dès que Dohko aura trouvé quelque chose dans les archives, vous serez convoqués pour une nouvelle réunion. Chevaliers de bronze, faites des Rondes aux limites du Sanctuaire. Restez tous sur vos gardes.
Elle avait utilisé un ton sans appel et qui forçait le respect, mais sa voix n'avait jamais cessé d'être douce. Alors que tout le monde se levait pour disposer, chaque chevalier sentait que la tension montait, que le moment final n'allait pas tarder à arriver, que bientôt ils devraient de nouveau enflammer leur cosmo-énergie et qu'ils risqueraient sans doute leur vie.
Mais alors que Masque de Mort, Shaka et Aioros sortaient en derniers, on pouvait voir qu'aucun d'entre eux n'avait peur. La vie, la mort, le Destin choisirait pour eux et cela n'avait pas beaucoup d'importance, tout ce qui comptaient, c'était qu'ils soient prêts. Chevaliers d'Or et de Bronze, il n'y avait plus de distinction à cet instant, car l'intensité de ce qu'ils allaient vivre les relirait de façon irrémédiable.
L'excitation que l'on éprouvait avant un combat se faisait sentir alors que chaque chevalier rejoignait sa Maison, revêtant pour la première fois sa nouvelle armure et se sachant plus fort, plus puissant, plus invincible que jamais.


La nuit était à présent là et elle était chaude pour un mois d'octobre, bien plus tiède qu'elle n'aurait du l'être.
Il arrivait.
Il se rapprochait. Il serait bientôt là, mais nulle ne s'en doutait. Peut-être que certaines personnes avaient une intuition, mais aucun ne pouvait le sentir et repérer sa présence. Il était la discrétion même, une ombre se fondant dans celles de la nuit, silencieusement, sobrement. C'était son rôle, ce qu'on lui avait demandé de faire et il accomplirait sa tâche sans trop de problèmes, du moins le pensait-il. Cela ne lui prendrait pas plus d'une heure, et encore, il se montrait généreux. Il allait la chercher et la trouver, puis il lui amènerait. C'était ce qu'on lui avait demandé et ses jambes le démangeaient tellement d'agir après ces centaines d'années de sommeil qu'il s'était empressé d'accepter. Il n'allait pas laisser une telle occasion de briller lui filer des mains.
Il se sourit, mais cela ne se voyait pas alors qu'il était indistinguable de la paroi rocheuse dont il semblait faire partie. C'était un art que celui du camouflage, et il y excellait, il y était même passer maître et c'est pourquoi son dieu lui faisait confiance.
De toute façon, il n'avait rien à craindre, absolument rien car qu'aurait-il pu lui arriver? Il était plus puissant que dans sa précédente réincarnation, plus rapide, et plus cruel encore. Il se jugeait au sommet de tout ce qu'il avait toujours été et cela lui donna envie de rire, mais il n'en fit rien. Il approchait à présent des limites du Sanctuaire et il allait s'y introduire avec précaution, juste pour se faire peur à lui-même. Il aimait ressentir ce frisson d'excitation qui le parcourait actuellement et qui lui indiquait que son existence était peut-être en danger. Même s'il n y' avait aucun risque, il aimait se causer des frayeurs lui-même, cela avait un côté amusant et permettait d'épicer un peu la mission. Cela corsait le jeu.
Il se figea alors que quelque chose l'éblouissait, seulement pendant une fraction de seconde il avait cru voir quelque chose briller, mais qu'était-ce? Il se pencha doucement, se détachant à peine des vastes rochers contre lesquelles il avançait depuis un moment et observa.
Quelqu'un... oui, une personne faisait une ronde et la lumière blanchâtre qui l'avait sorti de ses pensées n'était autre que l'éclat d'une armure ou se reflétait un rayon de lune. Le jeune garçon qui la portait était plutôt petit... blond, d'après ce qu'il voyait, les cheveux mi-long. Un chevalier d'Athéna, mais pas un chevalier d'or en tout cas! Quel dommage, il n'aurait donc pas d'adversaire à sa mesure aujourd'hui, mais, puisque la personne qui était devant lui n'était pas à son niveau, il pourrait au moins tâcher de s'amuser en faisant durer son agonie. La phrase de son empereur lui revint en tête.
"Fais vite, et ne tues personne, si je voulais faire des éclats, je ne t'aurais pas choisi. Tout ce que je veux, c'est elle..."
Il hocha la tête, se souvenant de ces mots. Il ne devait pas désobéir, il n'avait pas envie de mourir sous les coups de sa majesté - oh! non, très peu pour lui!- Heureusement, on lui avait promis que la guerre viendrait après, qu'il pourrait se battre et se défouler de ces centaines d'années de frustration, mais après, quand tous ces "braves" chevaliers de l'espoir - ce titre l'écœurait presque- auraient appris ce qui s'était passé.
Ah! Il se réjouissait déjà de ce moment, mais avant le plaisir, il fallait travailler, c'était plutôt logique, à son sens du moins. Quel dommage tout de même de laisser passer une proie aussi facile que le jeune blondinet qui guettait l'horizon, plutôt que de baisser un peu les yeux et de le découvrir... de toute manière, comme aurait-il pu le voir?!
Il secoua la tête et rejeta ses grands cheveux noirs en arrière. Bon, ce n'était plus le moment de tergiverser, car le temps lui était compté. Il devait se concentrer, et savoir ou se trouvait la déesse... oui! Là-bas! Parfait! Il se repèrerait facilement... c'était encore plus rapide qu'il ne l'avait imaginé et il s'en félicitait. Et maintenant, il devait agir.

Un léger vent souffla, agitant les quelques herbes dont était pourvu le sol, assez pauvre, du Sanctuaire. La brise était douce et rafraîchissait la lourdeur de l'air. L'état d'alerte avait été donné et tout le monde se tenait sur ses gardes, prêt à intervenir au moindre problème, ou moindre signe d'agitation.
Les chevaliers étaient, pour la plupart, tous dans leurs temples, seuls quelques uns avaient quitté leur maison pour soutenir les Bronze Saints durant leur ronde nocturne. Et bien-sûr, Dohko fouillait encore dans les archives, avec une fébrilité qu'il ne se connaissait pas. Le temps semblait ne plus agir, et paraissait même attendre lui aussi, attendre que quelque chose vienne troubler ce silence quasi absolu qui régnait dehors.
Seiya et ses compagnons étaient partis aux limites les plus reculées du Sanctuaire, pour être certain de ne pas manquer l'ennemi s'il lui prenait l'envie de venir durant cette nuit, comme tout le monde, y compris eux-mêmes, en était persuadé. Ikki et Shun faisaient équipe d'un côté, murmurant pour qu'on ne les repère pas, alors que Shiryu et Seiya les imitaient de l'autre côté, seul Hyoga avait accepté d'exécuter une ronde en solitaire et encore... son maître Camus devait le rejoindre un peu plus tard.
Le chevalier du Cygne sursauta en entendant un grand coup d'aile en provenance des montagnes rocheuses. Il prit une position de défense, prêt à... un oiseau sorti des collines et il eut envie de rire de lui-même. Non, décidément, il était trop nerveux.
Une chouette passa au-dessus de lui en hululant et en le regardant de ses gros yeux hébétés. Cela lui rappelait l'oiseau de sa déesse. Au fait, ou était-elle? Oui, ou était Athéna? Il n'en savait rien.

En réalité, la jeune fille avait été mettre en sûreté quelque chose de bien particulier... le coffret qu'Héphaïstos avait fabriqué et elle s'était dis que l'endroit le plus simple serait sans doute la meilleure cachette. De plus, personne ne connaissait l'existence de cette boîte, ainsi, on ne risquait pas de la voler.
Elle soupira car elle avait hâte de retrouver la chambre sacrée. La maisonnette inoccupée qu'elle avait choisi était assez éloignée, beaucoup trop à son goût, des temples du Zodiaque et elle n'avait pas vraiment choisi la bonne nuit pour sortir, mais elle n'avait pas eu le choix. Personne ne devait savoir ce qu'elle avait fait et elle avait du attendre d'avoir un moment de solitude pour pouvoir accomplir son devoir.
Julian était encore dans le Domaine Sacré, ou il resterait probablement jusqu'à la fin de la guerre Sainte car il devait à tout prix garder ce lieu, elle le lui avait demandé. Cela ne l'aurait en effet pas étonné que les Berserkers cherchent à l'occuper pendant qu'elle serait absente avec ses chevaliers. C'était tout à fait dans le style du personnage d'Arès que de faire cela.
Elle frotta ses mains l'une contre l'autre, car un sentiment de malaise l'envahissait. Pourtant la nuit était chaude et elle n'avait aucune raison d'avoir froid, non aucune. Il lui semblait pourtant que la température se réchauffait peu à peu, doucement, mais progressivement. Elle se retourna et seul l'obscurité s'offrit à sa vue. Elle s'arrêta de marcher et tendit l'oreille.
Rien, elle n'entendait rien.
Elle devait se faire de fausses idées de toute manière, mais malgré tout, elle détestait cette impression de n'être que dans le sombre, cela lui rappelait ces sept mois de déambulation dans le néant. Les pires moments de son existence. Oui, les plus terrifiants et... Elle aurait jurer avoir entendu quelque chose. Un bruit venant de derrière elle et...
Elle fit face brusquement mais ne découvrit rien qu'une vieille chouette qui l'observait stupidement sur la branche fine d'un olivier. Son propre symbole l'avait effrayé, quelle ironie! Elle la regarda quelques instants avant de se retourner, se jugeant vraiment idiote, mais, avec ce qu'Arès préparait, c'était plutôt normale que d'éprouver une certaine tension. Elle voulait marcher vite, mais avait l'étrange et très désagréable impression de faire du sur place et son cœur battait plus vite dans sa poitrine. Elle pensa à Nikè, oui, elle aurait du l'emmener avec elle.
Elle balaya du regard ce qui l'entourait mais ne vit que des collines rocheuses sombres, si noires, si... un frisson la parcourut alors que des fines gouttes de sueur apparaissaient sur son visage. Derrière le hululement de la chouette s'était tue, soudainement, comme s'il avait été coupé par quelque chose et... elle ne voulait pas se retourner et pourtant c'est ce qu'elle fit, avec vivacité. L'oiseau nocturne avait disparu mais elle ne l'avait même pas entendu s'envoler. Et... oui, près de l'olivier, elle mit une main devant sa bouche pour retenir son cri alors qu'elle ne voyait en fait qu'une ombre.
Elle secoua la tête, car elle perdait du temps, beaucoup trop de temps. Elle aurait peut-être déjà pu atteindre le pied de la Maison du Bélier si seulement tous ces bruits étranges ne la troublaient pas. Elle se retourna vers son chemin et...
Quelqu'un était là, juste devant elle, comme une masse sombre, très grand, a à peine six ou sept mètres. Et elle devinait son sourire féroce alors qu'il l'observait. Ainsi, c'était maintenant que cela devait se produire. Elle ferma les yeux une fraction de seconde et les rouvrit. Il était toujours là, très mince, le visage émacié, de longs cheveux, bruns sans doute, lui tombant dans le dos et des yeux qu'elle arrivait à peine à distinguer à cause de la pénombre. Il dégageait une aura terrifiante même si elle était littéralement imperceptible pour qui n'était pas un dieu ou un chevalier surpuissant. Mais elle n'était pas stupide et elle savait bien que personne ne se doutait qu'elle se trouvait par ici. Elle entendit un ricanement, presque aiguë, acide fut le mot qui lui vint à l'esprit en premier, qui se dirigeait sans doute à son encontre.
-Athéna...
Elle ne répondit pas. Elle n'avait rien à dire de toute manière en pareil cas. Elle avait peur mais pourtant, rien chez elle n'aurait pu le montrer. Elle savait qu'il valait mieux rester imperturbable même dans les situations les plus désespérées.
-Athéna, c'est donc vous. Je vous imaginais... exactement semblable.
Il eut un nouvel éclat de rire, plus bref cette fois et toujours dépourvu de la moindre once d'humanité. Saori trouvait que, de là ou il se tenait son visage non plus n'avait rien d'humain et pourtant... l'homme qui était là aurait sans doute pu être beau s'il y avait été plus épais.
-Je crois bien que nous n'allons pas avoir le temps de faire connaissance. Je viens prendre votre vie et c'est bien ce que je compte faire sur l'instant. Prenez une dernière respiration avant de plonger de les profondeur de la mort...
Un ricanement, non, maintenant un rire, quasi hystérique retentit. C'était à glacer le sang et la chair mais Athéna se sourcilla pas. Sa cosmo-énergie s'était déployée autour d'elle et... l'homme se précipita dans sa direction, interrompant son accès de fou-rire soudainement, aussi subitement que la chouette avait interrompu son chant.
Et il arrivait sur elle, à une vitesse ahurissante, une main faite de longs doigts osseux tendues vers elle, prêt à lui arracher la tête, à la décapiter. Elle ferma les yeux, alors que cet instant lui paraissait s'étirer pour former une éternité et elle attendit, lui semblait-il, indéfiniment. Pourquoi ne terminait-il pas sa course? Pourquoi n'éxecutait-il pas son devoir envers son maître?
Le cœur battant et le souffle court, elle pouvait à peine respirer, elle rouvrit un oeil, puis l'autre et un sourire illumina son visage. Le berserker se tenait à quelques centimètres devant elle mais il était immobile... car, oui, l'un de ses chevaliers retenait son poignet. Et le faisait avec une telle force, qu'un filet de sang s'échappa même de la main du guerrier d'Arès.
-Si tu touches un seul de ses cheveux, tu en répondras de ta vie, fit la voix de Saga.
-Saga! s'écria-t-elle avec une joie mêlée d'un immense soulagement.
Il lui jeta un coup d'œil rapide, pour vérifier qu'elle n'avait rien, avant de resserrer encore un peu plus l'étreinte qu'il exerçait sur le combattant d'Arès. Athéna recula de quelque pas, comprenant que son chevalier était prêt à combattre. Il avait revêtu son armure des Gémeaux, qui était plus belle, plus brillante et plus puissante que jamais. Elle étincelait presque dans la nuit, créant une lumière, une sorte d'aura agréable.
Saga eut à peine le temps d'observer le visage de son adversaire car il le projeta en arrière avec une violence exacerbée par sa colère. De plus, il savait qu'il fallait toujours aller très vite avec les Berserkers et que les jeux de corps à corps étaient souvent leurs préférés.
Son adversaire tomba par terre, dérapant sur plusieurs mètres et se retrouvant assis, dans une position qu'il jugeait incongrue à son rang. Celui se releva d'un bond, un sourire qui ressemblait à un rictus de colère aux lèvres.
-Tu n'aurais jamais du intervenir. Qui es-tu? demanda-t-il d'une voix d'autant plus agressif qu'il venait d'être humilié.
Mais la revanche ne tarderait pas. Dès que le temps des présentations serait terminé, il s'occuperait du cas de cet homme... revêtu d'une armure d'or! Il ne pouvait pas y croire! C'était trop beau! Il se retrouvait nez à nez avec l'un des combattants les plus puissants d'Athéna. Il chercha justement la jeune fille des yeux. Elle était derrière son adversaire qui avait mis un bras devant elle, comme pour la protéger et lui montrer de ne pas avancer.
-Je suis Saga, chevalier d'Or des Gémeaux.
Comme cette phrase lui paraissait étrange à prononcer, et quel effet merveilleux elle produisait en lui. A cet instant, son passé ne comptait plus, il était bel et bien un défenseur d'Athéna.
-Nérée, de la Mutation, Berserker d'Arès. Ton histoire ne met pas inconnue...
Il esquissa un sourire avant de se mettre en position d'attaque. Saga se figea immédiatement, saisissant que l'heure n'était plus aux bavardages inutiles.
-Je crois que l'empereur Arès ne sera pas mécontent que je lui rapporte la tête d'un chevalier d'or en même temps que celle d'Athéna.
-Ne soit donc pas si présomptueux et montre moi ce que tu sais faire.
Il n'avait aucune idée de la puissance des combattants du dieu de la guerre et devait en tester un pour réaliser à qui il allait se mesurer... d'ici quelques heures sans doute. Il n'avait pas peur car il savait déjà ne rien craindre. Cet homme n'était pas de taille à l'affronter, il le sentait à la cosmo-énergie qu'il éprouvait.
Saga se décala de quelques pas, fixant son adversaire des yeux, pour être sûr que la princesse ne serait pas blesser.
-Et bien, qu'attends-tu? interrogea-t-il en observant Nérée.
C'est à cet instant que celui-ci se rappela les mots d'Arès:
"Ne fais pas d'éclats... ne te bats avec personne, tout ce qui m'intéresse c'est la tête de cette fille."
Mais, maintenant qu'un guerrier se dressait devant lui, il n'avait plus le choix. Mais il désobéirait de toute manière à Arès quelque soit la solution qu'il choisirait. Alors mieux valait ramener deux têtes et s'amuser un peu. Il croisa ses deux mains sur sa poitrine, concentrant son énergie au maximum. Ce Saga ne ferait pas long feu, sans vouloir faire de jeu de mots avec sa propre attaque.
Il enlaça ses doigts osseux avec rapidité, laissant seulement ses deux index raides et l'un contre l'autre avant d'élever ses deux mains aux cieux. Alors il sembla que tout autour de lui, la température montait de plusieurs degrés, peu à peu, jusqu'à rendre l'air presque étouffant. Le chevalier des Gémeaux porta une main à sa gorge comme pour aider l'air à mieux entrer dans ses poumons. Mais l'atmosphère semblait brûlante, irrespirable et...
-Sparks Fire! hurla Nérée alors qu'une colonne de feu gigantesque s'élevait partout autour de lui.
Pour sa part, il ne ressentait pas la différence de température et son attaque ne lui faisait ni chaud ni froid. Les flammes étaient gigantesques et auraient pu léchées le ciel, mais il ne s'agissait pas seulement d'un simple feu, non, bien loin de là, on voyait aussi des gerbes d'électricité parcourues les couleurs vivaces orangers et rougeoyantes. Le spectacle avait quelque chose de fascinant trouvait-il et il sourit au déchaînement qu'il venait de provoquer. Il intensifia encore son cosmos, l'air autour de lui devenait rouge alors que sa colonne vibrait, brûlait, dévastait tout sur son passage, surtout ses adversaires.
Au bout de quelques secondes, il cessa de maintenir sa puissance et tout disparu. Il n'avait pas besoin de beaucoup de temps pour venir à bout de ses adversaires et... ou étaient-ils? Ou avaient disparu Saga et Athéna? Il tourna sur lui-même, balayant du regard tout ce qui l'entourait. Envolés. Ils s'étaient tout bonnement envolés... mais son attaque ne le permettait pas pourtant, puisque les flammes étaient si grandes que l'on avait même du les voir sur l'île ou résidait Arès et le reste de ses armées.
-Ce n'est pas si mal, Nérée, ironisa une voix derrière lui.
Il fit face d'un bond et découvrit Saga déposant avec délicatesse sa déesse au pied d'un olivier rabougri par le temps et les flammes. Elle paraissait endormie du plus paisible des sommeils alors qu'elle était en réalité évanouie. Pour qui ne possédait pas une armure, la chaleur qui précédait les Sparks Fire de Nérée était insupportable, voire même invivable. Mais elle avait simplement perdu connaissance car Saga avait du la protéger à l'ultime instant. Il caressa doucement du bout des doigts une joue de sa déesse pour vérifier qu'elle allait bien et que sa vie n'était pas menacée, avant de se relever.
-Mais... mais... comment as-tu réussi à échapper à mes flammes?
Nérée recula de quelques pas alors que le bruit métallique de son armure venait briser le silence dans lequel il était plongé. Il marchait sur les cendres qu'il avait lui-même créer mais ni attachait pas la moindre importance. Il était impossible que l'homme qui se trouvait devant lui et avançait lentement dans sa direction soit encore vivant. Personne encore n'avait jamais échappé à son attaque. Personne. Pas même les derniers Saints qu'il avait affrontés durant la dernière Guerre Sainte. Était-il immortel?
-Je reconnais que ton attaque est très puissante, Nérée, seulement, tu es trop sûr de toi. Alors je vais te donner un petit conseil, ne mésestime jamais ton adversaire avant de le connaître. Très bien, je crois que nous avons assez perdu de temps avec tes enfantillages mais je n'ai aucune envie de te faire l'honneur de mourir avec mon attaque suprême et puis... j'ai besoin de toi. Alors prépare toi à encaisser ceci.
Saga tendit la main devant lui avec rapidité mais, au sens de Nérée il ne se produisit rien. Il y eut seulement un fin fil de couleur bleuté qui lui traversa le front, mais sans lui faire grand mal. Celui-ci éclata de rire, de son rire que Saori aurait détesté si elle avait été consciente.
-Je suis heureux de voir que cela t'amuse.
Tout à coup, Nérée s'interrompit brusquement. Il était incapable de penser, d'avoir une réflexion par lui-même, ou si peu que c'était insignifiant. Il avait la sensation que son corps et son cerveau lui étaient étrangers, que plus rien ne lui appartenait. Son crâne le faisait souffrir le martyr mais il n'avait pas la force, ni ne savait comment faire, pour porter les mains à ses tempes. Il n'était plus qu'un jouet entre les mains du chevalier Gemini. Il pouvait seulement se demander ce qui se passait et s'il allait sans sortir.
-Tu voix, Nérée, c'est tout l'avantage du Royal Demon Emperor Fist. Pas besoin de bouger ou de faire de grandes étincelles comme toi. Je vais t'expliquer ce qui t'arrive... tu es en ce moment à 80 % sous mon contrôle. Tu es incapable de faire ce que tu désires, c'est frustrant, n'est-ce pas? ironisa Saga en regardant son ennemi tenter de bouger. Maintenant, tu vas me dire ou se trouve exactement le Domaine de ton maître. Allez, dépêches-toi...
-L'île d'Azura... au large de la mer Méditerranée.
-Très bien. Je suppose que la téléportation n'est pas une entreprise réalisable à cause du cosmos d'Arès, alors comment peut-on s'y rendre?
Aucune réponse.
-Comment peut-on si rendre? s'impatienta Saga alors que les yeux de Nérée devenaient de plus en plus floues.
-Il suffit... il suffit de se téléporter sur un îlot à proximité et de s'aventurer sur Azura ensuite.
Saga hocha la tête alors que la brise soulevait ses cheveux et déplaçait la terre poussiéreuse et noirâtre qu'avait fait apparaître Nérée en utilisant ses hallucinantes Sparks Fire. Cet homme qu'il détenait sous son contrôle était très puissant, et il n'était pas certain qu'un autre que lui aurait si bien résisté à son attaque.
-Parce que tu es un Berserker, je ne peux pas me permettre de te laisser en vie. Car vous n'êtes pas des ennemis comme les autres, non et vous n'avez aucune chance de vous repentir un jour. Alors prépare toi à disparaître à jamais.
Il entendit soudainement des pas derrière lui et reconnut de loin la brillance que projetaient l'armure de Shura et celle de Dohko. Saga n'avait tourné la tête que durant une fraction de seconde et lorsqu'il fit de nouveau face il entendit un murmure:
-Devislish Conversion...
Tout à coup il y eut un tir d'aile, une envolée de plumes, puis plus rien. Seulement un corbeau qui s'envolait à toute allure, dans les hauteurs des cieux nocturnes et aussi sombres que l'animal.
Saga resta interdit. Que s'était-il passé? Il avait baissé son niveau de concentration une demi-seconde à cause de ses deux frères d'Or qui arrivaient et... Nérée s'était transformé? Oui, cela en avait tout l'air et c'était... incroyablement ingénieux! Mais malheureusement pour lui, l'illusion qu'il avait projeté l'avait atteint très gravement au cerveau et il serait dorénavant incapable d'utiliser plus de 20 % ses facultés.
Ce combattant était tout de même incroyable, oui, il n'y avait pas d'autre mot. Saga détourna les talons, sachant parfaitement que son ennemi ne reviendrait pas. Il accourut vers Athéna qui était à présent à demi-éveillée.
-Princesse... princesse, reprenez connaissance, lui dit-il avec douceur.
-Athéna! cria Shura en même temps que Dohko alors que les deux hommes imitaient le chevalier des Gémeaux en s'agenouillant près d'elle.
-J'étais entrain de lire les archives quand j'ai vu une colonne de feu s'élever de nulle part, alors je me suis précipité vers l'endroit et j'ai rencontré Shura sur ma route, expliqua le Grand Pope à Saga qui hocha imperceptiblement la tête car il avait les yeux rivés sur la déesse.
-Que... que s'est-il passé? fit la voix de Saori, alors qu'elle reprenait peu à peu pied dans la réalité.
Des images l'assaillaient par bouts éparses et embrumés. Elle se souvenait d'un homme affreusement émacié, un Berserker, et la chaleur oui... elle s'était évanouie alors qu'il avait envoyé son attaque sur le chevalier Gemini. Elle le regarda dans les yeux alors que son expression ironique qu'il avait lorsqu'il combattait avait fait place à la douceur et presque, la mélancolie.
-Tu n'es pas blessé?
-Non, mais merci de vous en inquiétez.
-Que s'est-il passé? intervint Shura en prenant la main de sa déesse pour l'aider à se relever.
-J'ai senti un cosmos malveillant qui se dirigeait dans le Sanctuaire et je me suis donc rendu sur le lieu d'ou cela provenait. J'y ai découvert Athéna en bien mauvaise posture et je me suis donc battu avec Nérée de la Mutation. C'est ainsi qu'il s'est appelé du moins. Il m'a envoyé une attaque... qui ne m'a pas laissé indemne je dois bien le reconnaître, dit Saga en montrant la partie ou son bras n'était pas protégé par son armure.
Sa peau y était rouge vif et la moindre chose qui aurait pu entrer en contact avec l'aurait fait serrer les dents de douleur. S'il avait été seul, il n'aurait certainement pas eu cette cicatrice, mais il avait du se mettre devant sa princesse pour la sauver et avait reçu in extremis une flamme de Nérée. Pourtant, il n'avait rien laisser transparaître car il avait connu bien pire.
-Oh! Saga! Je suis désolée, murmura Saori et posant sa main sur le métal froid de l'armure des Gémeaux.
-Ce n'est rien, mais toujours est-il que j'ai réussi à lui faire révéler ou se trouve l'île sur laquelle le fief d'Arès se tient. C'est Azura, au large de la Mer Méditerranée
-Formidable! s'écria Dohko, qui, pour sa part, n'avait pas trouvé une once d'information sur le sujet et commençait à désespéré.
-Bien joué! renchérit Shura.
La lune n'était qu'à son quart dans le ciel et projetait de faibles rayons vers la Terre, éclairant à peine ceux qui se trouvaient dans le noir. Athéna regarda droit devant elle, vers la mer, même si elle ne pouvait pas voir celle-ci. Quelque part au milieu de la Méditerranée se situait l'île d'Arès qui devait grouiller de Berserkers. Et de ce lieu partaient des ondes maléfiques qui influençaient tous les hommes, les rendant vils, cruels, et incapables de se contrôler. Il fallait intervenir au plus vite, immédiatement.
Et elle déclara, plus pour elle-même que pour les trois hommes qui l'entouraient:
-Une nouvelle Guerre Sainte va s'engager.

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Cette fiction est copyright Caroline Mongas.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.