Chapitre 21 : Et ce fut tout…


Note des auteurs : cet ultime chapitre a été écrit conjointement. Les deux auteurs ont chacun écrit dix lignes à la fois pour vous donner ce résultat. En espérant que ça vous plaira…



Un temps. Poséidon et Athéna ne se quittaient pas du regard. Les yeux bleus profond de l'Empereur des Mers avaient accroché les yeux pers de la Déesse de la Guerre. Pour la première fois depuis la terrible bataille qui avait opposé Zeus et ses frères à leur père Cronos, deux dieux allaient s'affronter. Ce moment, Athéna avait tout fait pour l'éviter ; il lui répugnait profondément de devoir lever la main sur un membre de sa famille. Mais elle n'avait pas le choix. Elle avait hérité de la défense de la Terre et si cette protection nécessitait de se battre contre un dieu, ainsi soit-il. Elle jeta un coup d'œil rapide autour d'elle. En peu de temps, elle avait réussi à se constituer une garde capable de rivaliser avec les puissants Généraux des Mers. A la connaissance guerrière de ces derniers, ses chevaliers avaient opposé l'amour en un monde meilleur et ils avaient triomphé. Il lui revenait donc de conclure et de vaincre à son tour.

Ce fut Poséidon qui frappa le premier, alors même que le conflit entre leurs deux cosmos atteignait son paroxysme. D'un geste presque désinvolte, il pointa en avant son trident destructeur et libéra son pouvoir.

La décharge d'énergie qui partit de l'arme meurtrière ne représentait qu'une fraction négligeable du pouvoir du dieu des océans. Suffisante sans doute pour tuer instantanément n'importe lequel des humains qui se trouvaient dans cette pièce, mais Poséidon ne visait pour l'occasion qu'à tester son adversaire divine. Athéna se contenta d'interposer son bouclier pour encaisser l'impact. Elle aurait pu simplement esquiver l'attaque, mais ne souhaitait pas risquer davantage les vies des chevaliers qui s'étaient regroupés derrière elle. Ils pouvaient encore mourir maintenant, même par accident.

Deux cris de guerre assourdissants firent vibrer les murs de la salle du trône au moment où les adversaires divins se jetaient l'un sur l'autre. Le trident et la lance s'entrechoquèrent, crépitant chacun d'une énergie phénoménale. Une gigantesque boule d'énergie se forma alors entre les deux divinités. Tour à tour, Athéna puis Poséidon tentèrent de la repousser vers leur adversaire. En vain. Et plus ils tentaient de le faire, plus la boule croissait. A tel point qu'Eryx et ses compagnons ne voyaient plus qu'une intense lumière blanche et éblouissante. Au bout de quelques secondes, elle devint si aveuglante qu'elle obligea les chevaliers d'Athéna à fermer les yeux, sous peine de perdre la vue. La boule explosa et la décharge envoya les quatre hommes percuter les multiples colonnes de la Salle du Trône.

Sauron fut le plus prompt à reprendre ses esprits. Ses yeux cherchèrent en priorité celle qu'il avait le devoir de servir. Un soupir de soulagement s'échappa de sa bouche lorsqu'il aperçut sa déesse se relever. Certes le casque de l'armure divine avait été réduit à néant, mais il semblait qu'elle fut indemne. Le regard acéré du chevalier du Lion trouva ensuite l'Empereur des Mers. Un long frisson parcourut le corps de Sauron. Poséidon n'avait pas bougé et l'aura qui l'entourait semblait encore plus puissante. Plus sauvage. Le peu de contrôle qui habitait d'ordinaire le maître des océans avait disparu et c'était désormais moins un dieu qu'une force primale et destructrice qui se tenait là.

Nimbé de pouvoir, Poséidon s'avança comme un raz-de-marée déferle inéluctablement sur une côte pour la dévaster, balayant toute résistance sur son chemin. Face à lui, Athéna ne manifestait pourtant aucune crainte. Elle serrait fermement sa lance, se dressant devant son adversaire divin comme un olivier enraciné face à la tempête.

L'échange suivant fut trop rapide pour que même les yeux des chevaliers d'or présents puissent le suivre. Les deux adversaires parurent se volatiliser, puis réapparaître aussitôt après, chacun à la place qu'avait occupé l'autre, comme s'ils s'étaient d'une façon ou d'une autre croisés pendant l'espace infinitésimal qui séparait une seconde de la suivante.

Athéna se retourna et l'espoir embrasa subitement le cœur de ses chevaliers, car la déesse était toujours indemne. Son bouclier avait dévié la trajectoire du trident meurtrier, la préservant de toute blessure.

A quelques pas d'elle seulement, Poséidon observait avec incrédulité le sang qui dégoulinait le long de son avant-bras gauche, comme s'il ne parvenait pas à concevoir que la lance l'ait touché. Le maître de l'Atlantide ferma les yeux. Pendant plusieurs secondes, un silence pesant demeura sur le champ de bataille. Eryx fit un mouvement, voulant manifestement profiter de l'inertie apparente de leur ennemi pour tenter une attaque. Le chevalier des Gémeaux embrasa son cosmos et se jeta sur Poséidon, un cri assourdissant aux lèvres.

- Galaxian Explosion !

Poséidon leva son bras droit, comme s'il voulait chasser une mouche qui lui volait trop près du visage. L'attaque d'Eryx s'écrasa sur le cosmos du Dieu des Océans, sans lui causer le moindre dommage. Pourtant, au bout de quelques secondes, une boule d'énergie frappa Poséidon. Interloqué, celui-ci ouvrit les yeux et vit, derrière ce pathétique chevalier d'Or qui tentait de l'attaquer, que ses deux compagnons aux armures dorées lui prêtaient assistance. Il pointa alors son trident vers les chevaliers d'Athéna et relâcha une immense salve d'énergie. Lorsque Poséidon mit un terme à son attaque - en était-ce vraiment une, pour ces vers de terre ? -, les chevaliers d'Or gisaient sur le sol. Il se retourna alors vers Athéna, sa seule véritable adversaire. Encore que, comme celle-ci allait le découvrir très bientôt, elle ne faisait pas le poids face à la colère du futur maître de la Terre.

La déesse aux yeux pers avait frémi en voyant ses chevaliers se faire ainsi balayer.

Elle pouvait sentir qu'ils n'étaient pas encore morts, mais combien de temps même leurs armures pourraient-elles les protéger ici ? Ils ne pouvaient cependant pas être son premier sujet de préoccupation au cours de ce combat. Brandissant sa lance et tenant son bouclier devant elle, Athéna repassa à l'offensive.

Mais cette fois, Poséidon ne se laissa pas entraîner dans un corps à corps où la déesse de la guerre aurait eu l'avantage. La fureur qui habitait son cosmos avait atteint son paroxysme, embrasant son aura d'un éclat qui éclipsait même celle de son adversaire. Une vague d'énergie destructrice partit de la pointe de son trident. La puissance qu'elle recelait cette fois ne pouvait aucunement être comparée à toutes les attaques qu'il avait portées jusque-là.

Comme les fois précédentes, Athéna se campa solidement sur ses deux pieds et leva son bouclier. Dans un premier temps, elle parut capable d'endiguer le formidable assaut de son oncle. Mais, petit à petit, l'aura bleue commença à la submerger. Sans la moindre concertation et avec un naturel parfait, les quatre chevaliers entreprirent de projeter leur cosmos vers celui de leur déesse. Pendant quelques secondes, la manœuvre parut aboutir. Mais même des chevaliers d'Or ne peuvent rivaliser avec la rage d'un Dieu. Un par un, ils tombèrent, incapables d'aider plus avant celle qu'ils avaient le devoir de servir. Puis l'inévitable survint.

Le bouclier d'Athéna s'échappa de ses mains.

Le cœur de Tolivar se serra lorsqu'il vit Poséidon, hurlant son triomphe, précipiter son trident vers le corps d'Athéna. Elle allait mourir devant ses yeux et il ne pouvait rien faire. Son corps lui refusait tout service. Mais l'un de ses compagnons avait encore la force nécessaire, pourtant. Du coin de l'œil, presque sans y prêter attention, Tolivar le vit se relever et se précipiter en avant, atteignant au cours de cette fraction de seconde qui s'étirait la vitesse de la lumière.

Il était déjà trop tard, pourtant. Affaiblie par l'attaque qu'elle avait tenté de contenir, Athéna n'avait pas eu le temps de chercher à esquiver l'arme meurtrière qui fusait sur elle. Face au trident de Poséidon, l'une des forces les plus destructrices qui soient, même son armure divine ne pouvait la sauver. Et pourtant…

Le trident frappa de plein fouet le chevalier qui était venu s'interposer au dernier instant. Il fracassa instantanément la protection mortelle et s'enfonça profondément dans les chairs, jusqu'à ce que ses pointes émergent de l'autre côté.

Il y eut un profond instant de silence, au moment où tous ceux qui étaient présents retenaient leur souffle. Même Poséidon parut surpris.
Puis, le corps transpercé de part en part, Laramil bascula en arrière dans les bras de sa déesse.

Un sourire. Celui d'une mère devant son nouveau-né. Une grimace de douleur. Celle d'une mère qui va mourir. Un père qui d'abord le tient responsable de la mort de celle qu'il aimait. Puis un lien qui se tisse entre eux, un lien si fort qu'on aurait pu le croire indestructible. Que même la mort devrait s'incliner devant lui.

Une enfance dorée. Aucune responsabilité et des gens aux petits soins. Puis la chute. Un Dieu vient tout remettre en cause et l'oblige de ce fait à être l'artisan du renouveau humain. Lui, un gamin. Apparaissent en même temps une déesse et une boîte cubique, contenant un trésor. Un trésor qui pourra lui permettre de combattre ceux qui veulent asservir la Terre.

Des blessures ensuite. De nombreuses blessures. Des frères d'armes aussi ; au sens propre et figuré. Des combats qui ne semblent jamais s'arrêter. Une destination finale : une île, au beau milieu de l'océan. L'océan…

Un duel. Inégal, impossible. Face au Dieu des Océans, Laramil a échoué. Il sait que sa seule puissance ne peut lui permettre de vaincre un tel adversaire. Pourtant, une force le pousse sans cesse à se relever. Jusqu'à la fin. Lorsqu'il ouvre une dernière fois les yeux, il voit sa déesse sur le point de se faire embrocher. Il rassemble ses dernières forces et dans un effort miraculeux de volonté parvient à se précipiter au devant de celle qu'il a juré de protéger.

Douleur. Immense et insoutenable. Et plus rien. Laramil, chevalier de Bronze de Pégase, vient de rendre l'âme, au service d'Athéna.


- LARAMIL ! LARAMIIIL !!!

Le cri déchiré se répercuta à travers la salle, mais Poséidon l'entendit à peine. Pourquoi aurait-il dû prêter attention à l'un de ces humains dérisoires, à l'entendement si limité ? A l'échelle de l'univers, les mortels n'étaient que des grains de poussière. Que l'un d'entre eux vive ou meure n'avait aucune importance. Le dieu des océans tendit une main pour rappeler son trident à lui. Puis s'arrêta.

A quelques pas de lui seulement, une force venait d'entrer en éruption, si considérable qu'il en détourna quelques instants son regard d'Athéna.

Encore étendu sur le sol après l'impact qu'il avait subi, Alcyar ouvrait de grands yeux sous l'effet de la stupéfaction. Tolivar s'était relevé et une aura d'un vert ondoyant était venue le recouvrir, traversée sans cesse par des éclairs d'énergie aveuglants. La puissance qui se dégageait de lui était phénoménale, inhumaine. Eryx et Sauron se regardèrent, incrédules. Même eux, qui détenaient pourtant des pouvoirs incroyables, ne pourraient faire face à Tolivar, si celui-ci venait à les attaquer. Le chevalier du Dragon avait les yeux rivés sur Poséidon, oublieux des réactions de ses compagnons d'armes. Athéna ne faisait plus partie des pensées du jeune Prince. Seule une chose comptait : la vengeance.
Dans cette horrible journée, Tolivar avait perdu sa sœur et son petit frère, pour qui il avait une si grande affection. Et le responsable de ces crimes allait payer. Peu importait qu'il s'agisse d'un Dieu.

Il allait payer.

Son poing droit se leva et se tendit vers Poséidon. Aucun nom d'attaque ; aucune technique. Juste une décharge d'énergie qui alla frapper le torse puissant de l'Empereur des Mers. Même une telle puissance n'a pas d'effets, soupira amèrement Alcyar. Le chevalier du Bélier chercha son ami. Où pouvait-il être ? L'armure du Dragon était dispersée juste à côté de lui, mais où se trouvait son propriétaire ???

La cosmo-énergie verte explosa derrière Poséidon. Derrière ? Le dieu des océans réagit trop lentement. Il avait maintenu l'essentiel de son attention sur Athéna, certain qu'aucun des mortels ne pouvait représenter une véritable menace pour lui. Deux bras se refermèrent autour de lui, l'immobilisant où il se trouvait.

L'espace autour de lui entra en éruption.

Les trois chevaliers d'or se relevèrent péniblement, les yeux écarquillés par le conflit titanesque qui avait lieu juste devant eux. C'était tout juste s'il était encore possible de distinguer Tolivar au milieu de la débauche de puissance destructrice. Son corps même paraissait en train de se dissoudre, alimentant de sa substance l'énergie impossible qu'il dégageait. Sa cosmo-énergie se déchaînait contre celle de Poséidon, tentant d'écraser l'aura divine invincible. L'espace d'un instant, l'issue du duel entre le dieu et le mortel parut incertaine.

Alcyar tiqua. Une forme venait d'apparaître sur le dos de son ami. D'abord indistincte, elle se fit peu à peu plus précise. Un dragon ! Un dragon tatoué avait pris forme sur la peau du jeune prince. Et sa cosmo-énergie qui augmentait encore. Si cela continuait, Tolivar allait faire exploser son cosmos… En un éclair, Alcyar comprit la stratégie de son jeune ami.

- Tolivar, non, ne fais pas ça ! Tu vas mourir !

Le silence fut la seule réponse qu'obtint le chevalier du Bélier, accompagné toutefois d'un pâle sourire. Poséidon tenta à nouveau de s'extraire des bras de Tolivar, mais la prise était trop solide. L'aura verte du défenseur d'Athéna entra alors en résonance avec l'aura bleue du Dieu et les deux adversaires disparurent. Une gigantesque déflagration retentit alors dans la pièce, dont le souffle suffit à pulvériser les murs du Temple de Poséidon. Lorsque le nuage de poussière se dissipa enfin, le corps de Tolivar se trouvait à terre, terriblement abîmé par la puissance de l'attaque qu'il venait de déclencher. Poséidon, lui, se tenait toujours debout. Mais il était visible que l'Empereur des Mers avait été touché. Son aura protectrice était dérisoire par rapport à la puissance dont on le savait capable.

Peut-être n'était-il pas invincible, après tout ?

Un cri de guerre résonna parmi les ruines de la salle désormais à ciel ouvert et Poséidon eut tout juste le temps de rappeler à lui son trident pour bloquer la lance d'Athéna. Blessée, son visage aux traits splendides maculé de son propre sang, la déesse avait pourtant trouvé la force de reprendre le combat. Pressé sans relâche par ses attaques alors qu'il était affaibli, Poséidon battit en retraite pas à pas, ne faisant plus cette fois que se défendre. Son aura était en train de se raviver lentement, très loin encore de la force destructrice qu'il avait manifesté auparavant.

Debout côte à côte, les trois chevaliers d'or regardaient le duel reprenant à nouveau entre les deux divinités blessées. Athéna avait cette fois le dessus mais elle était visiblement en train de consumer ses dernières forces dans cette offensive, sans parvenir à abattre définitivement Poséidon pour autant. Sauron s'avança. Ses yeux noirs brillaient de colère. Le chevalier du Lion savait pertinemment qu'il n'était pas de taille à se mesurer à un dieu mais il serait damné pour l'éternité s'il ne tentait pas quelque chose pour venir en aide à sa déesse. L'aura dorée qui vint l'entourer était si puissante qu'Alcyar fut obligée de mettre sa main en visière pour ne pas être aveuglé.

Attends.

Sauron, qui allait attaquer, s'immobilisa. Cette voix…

- Eryx ?

Ne parle pas tout haut, mon ami. Même si Poséidon est occupé, il ne faudrait pas qu'il nous entende.

Pourquoi ?

Parce que ton acte de folie, nous allons le commettre à trois. Laramil et Tolivar se sont sacrifiés, mais ils nous ont montré la voie.

Comment cela, intervint Alcyar ?

Simple. Nous allons concentrer nos cosmos au maximum et les focaliser sur un même point. De la sorte, la puissance de notre attaque devrait être multipliée de façon incroyable.

Mais nous risquons de…

Mourir ? Et après ?


Un silence passa entre les chevaliers d'or. Devant eux, l'équilibre était en train de se rétablir lentement, mais sûrement. Poséidon avait cessé de reculer devant son adversaire divine et son cosmos s'amplifiait de nouveau.
Bientôt, son moment de faiblesse serait totalement passé. Unis par la même réalisation, les trois serviteurs d'Athéna agirent.

Eryx s'avança devant ses deux compagnons, à quelques mètres seulement du duel divin qui se poursuivait, et posa un genou à terre. Il agissait intuitivement, sentant que sa propre nature double faisait de lui le plus apte à mêler toutes leurs forces en une seule et unique attaque. Alcyar vint se placer sur sa droite, Sauron sur sa gauche.

Leur cosmos s'embrasa.

L'aura unique qui vint recouvrir les trois chevaliers n'était pas la simple addition de leurs puissances individuelles. C'était quelque chose qui allait au-delà, comme si la fusion de leurs forces leur permettait d'atteindre collectivement un niveau supérieur. Des vagues d'énergie dorée vinrent recouvrir les ruines de la pièce, incendiant l'air autour d'eux. Les dalles commencèrent à se fissurer et des morceaux de pierre se mirent à voleter autour d'eux, mais aucun ne les touchèrent, comme si l'aura agissait également en tant que champ de protection. Ils avaient fermé les yeux, cherchant au fond d'eux la puissance nécessaire à l'exécution de l'attaque qu'ils projetaient. Bien qu'ils ne l'aient jamais utilisé, la marche à suivre s'était clairement inscrite dans leur cerveau. Il fallut encore quelques secondes aux deux divinités pour se rendre compte de ce qui se passait à côté d'eux. Dire qu'ils furent surpris serait un euphémisme. Poséidon écarquilla les yeux, manifestement stupéfait de voir la puissance que pouvaient dégager de simples mortel ; Athéna fronça très légèrement les sourcils, s'interrogeant sur le but recherché par ses chevaliers.

Puis elle saisit. Elle voulut crier, les empêcher d'agir, mais aucun son ne quitta sa bouche. De toute façon, elle l'avait compris, ses guerriers avaient pris leur décision et il ne servait à rien de vouloir les arrêter.

Perdu au sein d'un univers de puissance brute, Eryx ne parvenait qu'à grand-peine à maintenir encore une quelconque conscience de ce qui l'entourait. Il sentait Sauron et Alcyar, quelque part à ses côtés, sentait leur volonté qui canalisait vers lui toute cette force, mais ce qu'il allait devoir tenter paraissait démesuré, impossible à accomplir de simples hommes.

Et pourtant, il s'en sentait capable. Rassemblant d'une pensée toute cette énergie entre ses mains, Eryx se concentra sur l'idée de lui donner une forme offensive, aussi claire et puissante qu'un cri divin.

L'attaque déferla, si intense et pure qu'il semblait que les trois chevaliers d'or n'avaient fait que l'aider à apparaître et non la créer eux-mêmes. Elle balaya les ruines qui jonchaient encore le sol, pulvérisa ce qui restait des murs du temple fier de Poséidon et s'abattit avec un fracas défiant l'imagination sur le dieu des océans. Ce dernier ne bougea pas. D'ailleurs l'aurait-il pu ?

Lorsque le coup l'atteignit, il lui sembla que des milliers de crocs lui déchiraient l'abdomen, que des milliers d'étoiles n'avaient uniquement pour but de s'écraser sur ses jambes tandis qu'autant de boules d'énergies faisaient un festin de son visage. Tout cela multiplié par un milliard. Poséidon ne connaissait pas la souffrance. Quel intérêt cela pouvait-il avoir pour un Immortel ? Pourtant, en cet instant, le maître de l'Atlantide aurait souhaité en avoir eu un aperçu. Peut-être cela lui aurait-il permis de comprendre ce qui lui arrivait ? Peut-être pas. Car le coup déclenché par les chevaliers d'Athéna, ces êtres qu'il avait clairement sous-estimé, il s'en rendait compte à présent, était d'une nature tout simplement différente de ceux qu'il connaissait.

Puis l'incroyable survint : Poséidon perdit connaissance.

Parmi les ruines qui demeuraient encore du temple majestueux du maître des océans, le silence succéda brusquement au fracas de la bataille titanesque.

Seule à se tenir encore debout, Athéna était obligée pour ce faire de s'appuyer lourdement sur sa lance. L'énergie qui lui avait permis de reprendre le combat avait achevé de se dissiper et elle se sentait terriblement faible. Pourtant, il n'y avait pas de temps à perdre.

Ses trois chevaliers d'or gisaient au sol. L'énergie à peine concevable qu'ils avaient manifestée l'espace de ce bref instant avait eu raison de leur résistance. La déesse espérait ardemment qu'ils avaient survécu à leur acte de bravoure insensé mais leur courage pouvait encore s'avérer inutile. Elle devait profiter du moment qui lui était offert pour mettre un terme définitif, non seulement à cette bataille, mais aussi à la guerre.

L'urne qu'avait créée Jaelrina suivant ses instructions se trouvait toujours là où elle l'avait déposée. Athéna la ramassa. Le contact de l'objet était légèrement tiède, comme habité par un pouvoir encore dormant. Puis le cosmos d'Athéna s'éleva encore une fois. Répondant à cet appel, l'énergie contenue dans l'urne se libéra à son tour. La rencontre des deux pouvoirs résulta en une sphère dorée qui entoura la déesse et son oncle, encore inconscient. Mais Poséidon s'éveilla, son cosmos flamboyant à nouveau, prêt à la bataille. Une nouvelle fois, les deux auras s'affrontèrent, cherchant à prendre l'avantage qui serait cette fois, les deux divinités le pressentaient, définitif.

Poséidon leva ses bras et les croisa derrière sa nuque. Pendant quelques secondes, il conserva la position. Puis il les abattit en direction de son adversaire, relâchant une nouvelle salve meurtrière. Athéna ne bougea pas, encaissant le choc sans broncher. A ses côtés, Sauron et Eryx s'étaient relevés. Oh, très légèrement, mais leur cosmos brillait à nouveau pour protéger leur déesse et la Terre.

Allez, se dit Athéna, il est temps d'en terminer.

- Poséidon, dit-elle d'une voix qui vibrait de force malgré son état de faiblesse, tu es l'un des plus grands dieux de l'Olympe et j'ai longtemps espéré que tu finirais par revenir à la raison en voyant tes guerriers finalement abattus. Mais je comprends désormais que cela ne pourra pas être. Tu ne renonceras pas à tes ambitions, alors même qu'elles menacent l'équilibre universel. L'humanité doit être protégée d'un tel fléau.

Une nouvelle vague d'énergie destructrice vint s'abattre sur la déesse de la sagesse, mais celle-ci la dissipa d'un geste de la main. Son cosmos s'était mêlé à ceux des deux chevaliers qui se tenaient à ses côtés, les renforçant et se renforçant ainsi lui-même. Poséidon le vit avec stupéfaction. C'était là une possibilité qu'il n'avait considérée, ni même imaginée. Une divinité acceptant de s'abaisser à ce point au niveau des mortels ?

Athéna n'était pas digne d'être une déesse, décida-t-il brusquement. Et son stratagème ne la sauverait pas. Le maître des flots concentra son pouvoir pour une attaque plus dévastatrice que les précédentes. Il lui suffisait de commencer par briser ces humains, ces béquilles sur lesquelles elle avait la faiblesse de s'appuyer de nouveau. Ils verraient tous ce qu'était la force d'un véritable dieu. Et ensuite ils mourraient.

A cet instant précis, Athéna ouvrit l'urne qu'elle tenait. L'attaque de Poséidon fut stupéfiante. Incroyable. Dévastatrice. Eryx se fit la réflexion que tout ce qu'il avait vu jusque là n'arrivait pas à la cheville de la déferlante qui allait s'abattre sur sa déesse. Son regard croisa alors celui de Sauron. Les deux chevaliers se comprirent sans mot dire. Ils concentrèrent leur cosmos une nouvelle fois et se jetèrent sur le Dieu des Océans.

La diversion aboutit. Avant que le Dieu ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il sentit le pouvoir d'Athéna s'infiltrer en lui. Poséidon hurla. Il avait le sentiment que son âme quittait son corps de force et se dirigeait vers ce morceau de métal sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit. Son orgueil d'Immortel lui permit de résister quelques secondes de plus, mais il plia finalement.

Athéna ferma les yeux. La bataille était gagnée.

Un silence s'écoula comme une seconde d'éternité. Alcyar avait repris conscience à son tour et les trois chevaliers d'or regardaient à présent leur déesse, attendant qu'elle leur dise quelque chose, qu'elle confirme ce qu'ils n'osaient pas encore vraiment croire, que ce conflit titanesque avait finalement touché à sa fin.

Athéna en avait conscience mais elle se sentait incapable de manifester la moindre énergie pour répondre à leur désir. Toutes ses forces l'avaient maintenant abandonné et elle se sentait fatiguée comme elle n'avait jamais cru qu'une divinité puisse l'être.

L'urne avait suffit à contenir l'âme de Poséidon. Elle n'avait pas été tout à fait certaine que cela serait le cas et, maintenant que ces craintes s'étaient révélées infondées, elle se doutait que ce ne serait pas là une solution éternelle. Mais pour le moment, du moins, la paix avait finalement été restaurée.

Un grondement sourd fit vibrer le sol, soulevant un nuage de poussière des ruines récentes. Athéna leva la tête. Des nuages affluaient de tout l'horizon, noircissant le ciel au-dessus d'eux. La terre sacrée du maître des flots allait partager la défaite de son maître.

Elle aurait voulu sauver ceux qui s'y trouvait, mais il n'existait aucun moyen, pas même en sacrifiant le peu d'énergie vitale qui animait encore son être. Du moins pouvait-elle protéger ceux qui étaient venus ici à son initiative et qui avaient été prêts à y mourir.

- Ce monde va désormais disparaître, dit-elle finalement, se retournant vers ses trois chevaliers. Il est temps de revenir vers le nôtre.

Un flamboiement de lumière blanche et pure marqua le départ de la déesse et de ses guerriers tandis que les flots grondaient déjà tout autour de l'île condamnée. Lorsqu'il disparut, il ne demeurait plus personne là où avait lieu l'affrontement final entre deux divinités. Une faille gigantesque s'ouvrit brusquement dans le sol, engloutissant les restes du palais majestueux de Poséidon.

Et ce fut tout.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad et Romain Baudry.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.