Chapitre 12 : L'armure d'Ouranos


L'Olympe, à l'aube des temps

Zeus regarda son fils Hermès. Un profond air de désolation pouvait se lire sur le visage du roi des Dieux. La terrible guerre qui avait opposé les Olympiens aux Géants venait de se terminer. Certes, les Dieux l'avaient emporté, mais à quel prix ! La Terre, lieu du champ de bataille, était dévastée. Nombre de Dieux avaient été grièvement blessés au cours du combat. Arès avait été enfermé dans une jarre et aucun Dieu n'avait pu l'en sortir. Devant Zeus et son héraut se trouvait une armure. Elle était d'une pureté magnifique. Ses lignes étaient élégamment tracées; ses motifs étaient ciselés dans l'or le plus pur. Une grande puissance se dégageait d'elle, mais une puissance noble et douce. Hermès s'en approcha et la caressa presque amoureusement.

- Ainsi, voici la fameuse armure d'Ouranos, murmura-t-il. L'armure du Créateur lui-même…
- Alors Hermès, que faisons-nous ? Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une nouvelle guerre pour la possession de cette armure…
- Qu'a-t-elle de si particulier qui vaille tant de morts et tant d'affrontements, Père ?
- C'est, tu le sais, l'armure de mon grand-Père Ouranos. Possédant le Secret des Nombres et de la Vie organisée, il établit toutes les lois auxquelles obéit la matière. Son ardeur était inépuisable : le Feu, l'Eau, l'Air, la Terre, furent domestiqués et soumis à ses Lois. Il créa toutes les espèces végétales et animales.
- Mais alors, celui qui possède son armure…
- C'est exact, celui qui revêtira cette armure sera non seulement le maître des Quatre Eléments, mais également détenteur du Nombre, qui lui permettra de contrôler la vie comme la mort. Et tout ce pourquoi nous nous sommes battus, tout ce que nous avons tenté de protéger, l'Olympe même, sera détruit.

Hermès réfléchit; ce que venait de lui dire son Père n'était pas totalement une révélation pour lui. Son intelligence lui avait déjà laissé supposer quelque chose dans ce genre-là. Effectivement, ils ne pouvaient pas se permettre de garder cette armure à proximité d'eux. Elle représentait une véritable épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes.

- Il y aurait peut-être une solution, commença lentement le Dieu des Voleurs…
- Laquelle Hermès ? Laquelle ?

Hermès ne répondit pas immédiatement. Il paraissait plongé dans une profonde réflexion.

- Père, puis-je vous prier de faire appeler Héphaïstos et Athéna ?
- Héphaïstos ? Mais pourquoi faire ?
- J'ai une idée, mais il est le seul à pouvoir la rendre réalisable.
- Et Athéna ?
- Nous aurons également besoin de son secours.
- Soit, comme tu voudras. Héra !

La reine des Dieux parut. Elle qui avait si peu combattu était radieuse. Son habituel paon la suivait. D'un air altier, elle inclina légèrement la tête devant son époux et accorda à peine l'aumône d'un regard à Hermès.

- Qu'y a-t-il, Zeus?
- Je veux que tu fasses chercher Athéna et Héphaïstos. Qu'ils nous rejoignent sur l'heure. Quant à toi, je veux que tu ailles sur Terre, afin d'y faire un état exact de l'étendue des dégâts.
- Moi, fit une Héra indignée ? C'est hors de question; je ne saurais m'abaisser…
- Héra, tonna Zeus ! Tu feras ce que je t'ai ordonné ou tu en subiras les conséquences !

Héra défia son mari pendant quelques instants, avant de baisser la tête.

- Il en sera fait selon ta volonté, puissant Zeus, dit-elle en s'en allant.

Zeus se tourna alors vers son fils. Celui-ci avait parfaitement compris à quel motif avait obéi le roi des Dieux dans cette affaire. Il était impératif et vital d'écarter Héra, de peur qu'elle ne puisse récolter des informations dont elle puisse se servir plus tard contre Zeus et les Olympiens. Quelques minutes plus tard, Athéna et son frère Héphaïstos parurent. Ils s'inclinèrent tous deux profondément devant leur Père. Ils étaient sans aucun doute les enfants de Zeus qui lui étaient le plus dévoué. Certes, la fidélité d'Hermès ne pouvait être remise en cause, mais il était très difficile de savoir ce qu'il pensait. Tandis que l'amour que portaient les deux jeunes dieux pour leur Père était immodéré et sincère.
Après s'être inclinés, ils se relevèrent et attendirent. Zeus fit un signe de la tête à Hermès qui prit la parole.

- Je suppose que vous savez tous les deux ce qu'est cette armure ?
- L'armure d'Ouranos, répondirent en même temps et calmement Athéna et Héphaïstos.
- Bien, je suppose que vous savez également quelles en sont les propriétés et pourquoi il est vital de la cacher dans un endroit extrêmement sûr.

Pas de réponse cette fois, ils se contentèrent de hocher la tête.

- Héphaïstos, écoute-moi attentivement. Peux-tu séparer en deux l'énergie de cette armure ?
- Que veux-tu dire, demanda en fronçant un sourcil le dieu des Forgerons ?
- C'est simple. Sous cette forme, l'armure d'Ouranos est impossible à dissimuler à ceux qui voudraient éventuellement s'en emparer. Il nous faut donc la changer d'apparence…
- Je comprends, fit Héphaïstos… Séparer l'énergie cosmique de l'armure d'Ouranos en deux armures très puissantes, mais qu'on aura pris soin de dissimuler et de rendre pratiquement impossible à revêtir. C'est ça ?

Hermès ne put retenir un sourire. Décidément, ceux qui pensaient qu'Héphaïstos n'était qu'un artisan sans cervelle se trompaient lourdement. En quelques minutes, son frère avait parfaitement compris son plan. Restait à l'appliquer.

- Tu as compris. Cela peut-il être fait ?
- En théorie, oui. Maintenant, ce n'est pas à toi que je vais apprendre que l'armure d'Ouranos possède des particularités qui la rendent très différentes des autres armures. Mais admettons que j'y parvienne. Que ferons-nous alors des deux nouvelles armures ?

Hermès se tourna vers son Père; ce dernier hocha la tête en signe d'assentiment.

- Ces armures seront confiées à Athéna pour être entreposées sur Terre. Elles devront être placées dans ces endroits bien précis, inhospitaliers à l'homme. A priori, elles pourront être conquises comme les autres armures, mais dans la réalité, il faudra l'empêcher. D'ailleurs, elles devront être présentées comme de vulgaires armures de Bronze, sans le moindre intérêt. Personne ne devra se douter de leur origine, sinon tous nos efforts seront réduits à néant.
- Va mon fils, intervint Zeus en regardant Héphaïstos. Ne ménage pas ta peine et reviens me voir au plus vite lorsque tu auras terminé.
- Oui, Père.

Deux semaines passèrent. Chaque jour Zeus interrogeait Hermès du regard et chaque jour le dieu des Voleurs secouait la tête. Puis, un jour, Héphaïstos demanda audience. Zeus fit chercher Hermès et Athéna au plus vite et tous les quatre se réunirent.

- Voici Père, fit Héphaïstos. Comme tu me l'as demandé, j'ai scindé l'armure d'Ouranos en deux parties. La Terre et l'Eau ne m'ont guère embarrassé. Je les ai emprisonnées grâce à une chaîne dont la résistance et la puissance défie l'imagination. Toutefois, cette chaîne fait partie intégrante d'une armure de Bronze; il est donc probable que si par hasard un homme parvient à la revêtir, il ne soit jamais en mesure d'exploiter totalement le pouvoir de la chaîne. J'ai choisi la constellation d'Andromède.
- Pourquoi, interrogea Zeus ?
- Et bien en fait, j'ai choisi un des endroits sur Terre les plus hostiles à l'homme: l'île d'Andromède.
- Bien, bonne initiative. Continue.
- La maîtrise du Feu et de l'Air m'a posé en revanche beaucoup plus de problèmes. Il me fallait également une armure de Bronze, pour aller avec l'emprisonnement des deux autres éléments. Toutefois, le Feu et l'Air sont les deux éléments les plus puissants. J'ai donc été contraint de créer une armure virtuellement indestructible: celle du Phénix. Comme le veut la légende, cette armure pourra renaître de ses cendres, associée au cosmos de son porteur. Je suis navré, Père, je n'ai pas pu faire mieux. Toutefois, comme pour l'armure d'Andromède, ce n'est qu'une protection de Bronze.
- Donc à priori, personne ne pourra jamais en révéler le formidable pouvoir ?
- A priori, non. Je pense enfin que l'armure du Phénix doit se trouver sur l'île de la Reine Morte, dans le Pacifique.
- Oui, fit Zeus pensivement. C'est réellement un lieu détestable pour l'homme. Athéna, je te charge de déposer ces armures et de veiller à faire en sorte que personne ne puisse jamais les revêtir.
- Mais, Père…
- Je sais, fit le roi des Dieux en levant la main, on ne peut jamais prévoir. Il nous faut donc espérer. Je te félicite, Héphaïstos, tu as accompli un travail remarquable. J'ai toutefois une dernière question à te poser: est-il possible que ces deux armures puissent un jour se réunir sous la forme de celle d'Ouranos ?
- C'est possible, Père, mais hautement improbable.
- Et pourquoi cela ?
- Parce qu'il faudrait tout d'abord que deux personnes étroitement liées par le sang soient chevaliers d'Andromède et du Phénix à la même époque. Il faudrait ensuite qu'un Dieu ait choisi le futur chevalier Phénix pour sa réincarnation mortelle. Ensuite, pour avoir lieu, une fusion des deux armures nécessiterait une cosmo-énergie équivalente à celle d'un Dieu. Enfin, il faudrait que le Dieu en question ait suffisamment de haine et de puissance en lui pour pouvoir absorber le pouvoir de la chaîne d'Andromède.
- Et s'il y parvient ?
- Alors il sera virtuellement le maître de l'univers.

D'un geste, Zeus congédia ses trois enfants et plongea dans une intense réflexion. Aucun des quatre dieux n'avait remarqué la présence d'une ombre qui était restée cachée durant tout l'entretien. Les yeux mauvais d'Eris s'illuminèrent lorsqu'elle comprit tout le parti qu'elle pourrait tirer des informations récoltées. Il lui fallait trouver Héra, au plus vite !

***

Elias parvint rapidement à l'endroit où se trouvait Kanon. Le chevalier des Gémeaux était toujours plongé dans une profonde réflexion. Lorsque Elias apparut devant lui, il bougea à peine, comme s'il ne reconnaissait pas le chevalier de Vermeil. "Parfait, jubila en son for intérieur, l'ancien intendant d'Eileen, vraiment parfait. Décidément, tout marche comme sur des roulettes.
Si seulement, il n'y avait pas eu cet imbécile d'Ikki pour nous mettre des bâtons dans les roues, nous serions déjà maîtres de l'Atlantide. Enfin, ce n'est que partie remise. Bon, il est temps de me mettre au travail".

- Kanon ! Kanon, m'entends-tu ?
- Qui es-tu ?
- Mon nom est Elias, je suis un allié.
- Ah ?
- Oui, je viens t'apporter une grande nouvelle.
- Laquelle ?
- Figure-toi que Saga, l'usurpateur, celui qui prétend être le véritable chevalier des Gémeaux, approche d'ici.

Une flamme s'alluma dans le regard de Kanon. Un rictus apparut sur son visage et son cosmos se mit à briller.

- Conduis-moi, Elias. Conduis-moi à mon frère !

Le chevalier du Lynx avait beau être un guerrier accompli et avoir peur de très peu de choses en ce bas monde, il ne put s'empêcher de frissonner en entendant Kanon. L'espace d'un instant, il se demanda si…

***

Minéos courrait. Son rythme était régulier, sans à-coups particuliers. Il s'efforçait de réfléchir en même temps. Sa situation était loin d'être brillante; il ne possédait pas d'armures et n'était pas réellement un chevalier d'Athéna. Certes, ses compagnons ne pouvaient pas non plus faire appel à leurs protections, mais leurs pouvoirs étaient suffisamment puissants pour leur permettre de se défendre. Et encore, cela était-il certain ? Ne pas avoir d'armure impliquait que le moindre coup pouvait être fatal. De plus, en être privé signifiait que les attaques perdaient une bonne partie de leur puissance. Alors comment s'en sortir ? Il parvint bientôt dans une sorte de grande salle. A peine plus éclairée que le reste des catacombes, elle pouvait avoir une trentaine de mètres carrés environ. Minéos s'arrêta soudain; ce cosmos… Il le reconnaissait, il ne le connaissait que trop bien !

- Montre-toi, Tarkan, inutile de te cacher…

Le chevalier de la Couronne Boréale sortit de l'ombre, sa hache dans la main droite. Un large sourire éclairait son visage, le sourire de celui qui sait déjà qu'il va gagner le combat.

- Ainsi nous voilà à nouveau face à face, Minéos. Je pensais pourtant que tu avais retenu la dernière leçon que je t'avais donnée.
- Tu as triché et tu le sais parfaitement !
- Prouve-le. Nous allons nous battre l'un contre l'autre et le vainqueur aura l'armure.
- Tu veux dire que tu vas enlever ton armure et que nous allons nous battre à la loyale ?
- Bien sûr que non, répondit Tarkan avec un sourire mauvais. Pour l'instant je suis le propriétaire de cette armure. Mais dans ma générosité, je t'offre une chance de me la prendre.
- Soit, en garde !

La hache de Tarkan tournoya au-dessus de sa tête pendant quelques secondes; puis le Dissident la projeta en direction de son adversaire.

- Smashing Axe !
Minéos l'évita difficilement en sautant sur sa droite. Immédiatement, il fit brûler son cosmos et lança:
- Flashing Arrows !
L'attaque de Minéos consistait en une série de flèches, un peu à la manière des Météores de Pégase. Toutefois, elles s'échouèrent toutes sur la protection de Tarkan.
Les deux adversaires se jaugèrent du regard. Les rôles étaient à présent clairement définis. Minéos avait pour lui la rapidité et sans doute le bon droit; Tarkan avait la protection de son armure qui le rendait d'autant plus puissant. Finalement, une seule question se posait, et de la réponse dépendrait l'issue du combat: combien de temps Minéos allait-il pouvoir tenir ?

***

Saga pestait intérieurement. Ce maudit couloir n'allait donc jamais se terminer ! L'ancien Grand Pope était également très énervé par l'enlèvement d'Eileen qu'il n'avait pas su prévoir. Il était le plus âgé, celui qui avait le plus d'expérience et il n'avait rien vu venir. Plus que sa confiance, c'était son amour-propre qui était atteint.

Finalement, le tunnel aboutit dans une salle obscure où Saga ne voyait pas à un mètre. Il commença à tâtonner en s'appuyant sur une des parois quand une torche éclaira l'endroit. Lorsque la voix s'éleva, Saga ne put retenir un frisson d'angoisse.

- Bienvenue dans ton tombeau, mon frère…

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad et Clément Baudot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.