Chapitre 12 : 2186


Au commencement étaient sept enfants…

Sept âmes dans la tourmente,
Sept âmes confrontées à la folie de celui qui est né le mauvais jour au mauvais endroit,
Sept âmes dans le feu de la désolation des hommes qui attendront leur père,
Sept âmes, enfants du destin et des étoiles attendront la venue du sauveur prophétique.
Ce seront les premières retrouvailles avec l'ennemi, des retrouvailles manquées avant la suivante, la dernière…
Si toutefois tu en as compris le sens et l'essence même de ton existence.

Dans ton sillage, deviendront sept étoiles…

Il est le fier…
Etoile du Phénix ! Enfant du destin né sous le signe du Lion !
Il faut mourir pour vaincre, il faut mourir pour vivre !

Il est le silencieux…
Etoile du Cygne ! Enfant du destin né sous le signe du Verseau !
Cœur glacé pour un père, cœur brisé pour un fils !

Il est le sensible…
Etoile du Dragon ! Enfant du destin né sous le signe de la Balance !
Les larmes d'un torrent, les larmes d'un preux !

Il est le solitaire…
Etoile de la Licorne ! Enfant du destin né sous le signe du Scorpion !
Destin d'un voyageur, destin d'une famille !

Il est le téméraire…
Etoile de Pégase ! Enfant du destin né sous le signe du Sagittaire !
Mémoire d'un mythe, mémoire d'une volonté !

Il est le rêveur…
Etoile d'Andromède ! Enfant du destin né sous le signe de la Vierge !
Par les liens de l'éternité, par les liens du souvenir !

Elle est la voie…
Etoile entre toutes ! Ta garde ainsi formée !
Les Enfants du Destin se rassembleront… Leur volonté s'accomplira… Le destin se répète !

A la fin, mèneront la Guerre Sainte…

Sept âmes dans la lumière,
Sept âmes défiant l'ambition de celui qui est né le mauvais jour au mauvais endroit,
Sept âmes dans l'enfer de la désolation des Dieux se battant au nom du père,
Sept âmes, enfants du destin et des étoiles accompliront leur devoir prophétique.
Ce seront les ultimes retrouvailles avec l'ennemi, des retrouvailles nécessaires depuis la première…
Car tous auront compris le sens et l'essence même de leur existence.

Prophétie de Cassandra (décembre 2190)


Première nuit de septembre 2186, Sanctuaire, Grèce. Drapé dans une mirifique toge blanche, le Grand Pope s'agenouille devant l'Autel de la Déesse Athéna, au sommet de la montagne sacrée. Il ramasse l'enfant enveloppé dans un linge qui fait mine de lui sourire sous les étoiles scintillantes. Dans les yeux perçants du grand homme, le visage du bébé rayonne : de petits yeux pers pétillants, de fins cheveux châtain clair. Celui qui avait été jusque là son simple représentant terrestre se relève en prenant l'enfant dans ses bras. Il se retourne, ses longs cheveux blond cendré baignés dans la fine lueur de la lune. Valkhan s'adresse à sa garde personnelle, dont tous les soldats se sont agenouillés respectueusement : au premier rang, figure leur chef, l'impressionnant géant difforme connu sous le nom de Goliath.

- La Déesse Athéna est revenue parmi nous, déclare le Grand Pope. Elle vient de se réincarner pour nous guider dans notre lourde tâche de protection de la planète contre les Forces du Mal. Son retour annoncé est maintenant devenu fait. La Guerre Sainte est sur le point de commencer.

Caché de la lumière de la lune et des étoiles par l'ombre d'une colonne, l'un des gardes esquisse un sourire malin tout en méditant les paroles du Grand Pope.

- Vous ne croyez pas si bien dire, monseigneur, pense-t-il. La partie va commencer. Je me demande bien quelle ouverture vous choisirez…


Un chalet au bord de la Mer Egée, quelque part à l'est de la Grèce, à l'aube d'un jour funeste. Les pleurs d'un nouveau-né qui vient de faire son entrée en scène dans le théâtre de la vie se répercutent au-delà des quatre murs de la chambre de sa mère, laquelle serre tendrement contre sa poitrine la petite fille qu'elle vient de mettre au monde dans sa propre maison. A son chevet, le père, médecin de son métier, ne masque pas son bonheur, souriant à son épouse tout en contemplant leur enfant.

- Notre fille est née le premier septembre, déclare-t-il, elle porte le nom que nous lui avons choisi ensemble ma chérie : Raphaëlle…
- Raphaëlle, acquiesce la mère, c'est un nom…
- Prédestiné ! l'interrompt une voix rauque jaillie de nulle part et résonnant tout à coup à travers toute la demeure du jeune couple.

Les parents de l'enfant sont parcourus par un terrible frisson, cherchant du regard l'origine de la voix inquiétante qui vient de percer. La fenêtre s'ouvre brusquement : une bourrasque de vent pénètre dans la chambre. La mère de la petite fille se recroqueville sur son enfant pour la protéger de ce qui lui semble être une agression. Quand la voix reprend…

- Ce prénom… Raphaëlle… lui sied à merveilles. Mais vous ne vivrez pas assez longtemps pour savoir pourquoi. Et ce n'est pas tout, non seulement cette enfant n'est pas n'importe qui, mais elle est pour moi la providence envoyée par le Malin : ses coordonnées astrologiques sont pratiquement les mêmes que celles de la réincarnation de la Déesse Athéna qui vient de faire son retour parmi les mortels au Sanctuaire. La partie va commencer : j'ai trouvé la Dame noire qui manquait à mon jeu !

Les contours d'une silhouette macabre se dessinent au pied du lit. Dans sa grande robe anthracite, le Chasseur apparaît aux yeux de ses futures victimes. Levant sa tête coiffée d'un casque d'argent aux cornes de bouc, il montre son masque noir feignant de sourire, son masque aux lèvres teintées de sang… De ses longs doigts effilés dépassant de ses amples manches, ses ongles s'allongent tout à coup dans un éclat de lumière.
Hurlements de terreur. Cris de douleurs. Larmes éphémères. Ainsi prend fin la vie d'un père, son corps soulevé de terre par les griffes qui viennent de l'empaler au niveau du cœur.
Silences d'effroi. Souffrances impitoyables. Lamentations étouffées. Ainsi s'achève l'existence d'une mère, les griffes du démon se sont plantées dans sa gorge, laissant le sang de la pauvre femme se répandre sur la petite fille.
Satisfait du spectacle qu'il s'est lui-même offert, le Chasseur rit à gorge déployée. Puis il saisit l'enfant qui pleure dans ses bras tout en intensifiant faiblement son Cosmos. Etrangement, les pleurs du bébé cessent…

- Raphaëlle… Ma Dame… Ma Reine… Je t'offre le plus prestigieux destin qui soit, je fais de toi une Déesse… Ma Déesse Athéna…

Dans un ricanement lugubre à peine dissimulé, le Chasseur disparaît, emportant avec lui celle qu'il est venue chercher, laissant derrière lui deux victimes de sa folie meurtrière.


Un cabanon au milieu de ruines antiques, Sanctuaire, Grèce. Sortant en trombe de sa modeste habitation, un adolescent de douze ans se précipite vers le cœur des activités de l'île sacrée : les arènes. Le jeune rouquin aux grands yeux pers arbore un sourire radieux. Au soir de cette journée qui s'annonçait pourtant sous les meilleurs auspices, il va commencer à assumer sa nouvelle fonction : membre de la garde personnelle du Grand Pope. Au milieu des arènes, la voix de sa sœur, en plein entraînement, l'interpelle.

-Aésion !

Le garçon interrompt sa course et plonge son regard sur le visage masqué de la jeune fille aux longs cheveux blonds.

- Ah Morgane ! répond-il. Ca y est ! Je commence ce soir. Ma première garde, devant les portes de la Chambre Sacrée…
- Je sais, petit frère, l'interrompt-elle, Mégare m'a déjà mise au courant. Je voulais juste te dire que…

Hésitation. La jeune apprentie sent sa gorge se nouer. Elle ne sait pas vraiment pourquoi, mais cette nouvelle qui aurait dû la ravir ne l'enthousiasme pas du tout. Bien au contraire, elle lui fait froid dans le dos…. Mais elle serait bien incapable pour l'heure de dire pourquoi… En son for intérieur, elle voudrait que son jumeau connaisse un autre destin, car elle a l'intime conviction que celui qui l'attend n'est pas celui auquel son frère aspire réellement.

- Excuse-moi de ne pas m'attarder, Morgane, mais j'ai rendez-vous avec le soldat qui fait équipe avec moi cette nuit… Pour qu'il m'explique tout ce que je dois savoir…

Elle aurait voulu le retenir, mais déjà Aésion s'est éloigné, et aucun son n'est parvenu à sortir du fond de la gorge de la jeune fille. A l'autre extrémité des arènes, la silhouette du garçon en pleine course ne ménageant pas ses efforts pour manifester son bonheur se reflète dans l'œil vitreux du soldat qui l'attend, esquissant une ébauche de sourire à son approche.

- Comme c'est beau la jeunesse, énonce-t-il dans un murmure. Ephémère aussi… Comme peuvent l'être la vie, le destin… Tu cours vers le tien, mon garçon. A présent, tu ne pourras plus faire demi-tour. Alea jacta est.


Chambre Sacrée, Sanctuaire. Valkhan veille au chevet de sa déesse réincarnée, l'enfant dort paisiblement. Dans l'encadrement de la porte, Liana le regarde tendrement puis s'avance. Le Grand Pope se lève à son approche et la serre près de lui.

- Je te regardais, lui dit-elle doucement, et je me rappelais la naissance de Viktor. Tu étais pareil. Je sais que tu n'es pas le père biologique de cette petite fille, mais est-ce en père ou en grand prêtre que tu dois te comporter ?
- Il n'est pas facile d'adopter une attitude totalement détachée devant un bébé dont on doit s'occuper, qu'elle soit ma fille ou non, qu'elle soit divine ou non…

Echanges de regards et de sourires. Liana ferme les yeux, tendant ses lèvres à son époux, lequel vient y déposer un baiser. Un long baiser passionné… sous le regard amusé d'un visiteur inopportun, du moins en de telles circonstances.

- Vous êtes mignons tous les deux, s'amuse-t-il.

Surprise, Liana tourne brusquement la tête. Valkhan, quant à lui, continue de contempler la beauté de son épouse, comme si l'intervention malvenue ne l'avait ni surpris ni inquiété.

- Anthraxus, je ne t'attendais pas si tôt, déclare le Grand Pope d'une voix douce.

C'est un homme châtain, aux yeux marrons, une moustache broussailleuse. Robuste et un brin bedonnant, il doit avoir une quarantaine d'années et porte des vêtements sombres sous une large cape brune. Le dénommé Anthraxus porte un petit paquet qu'il vient visiblement remettre au Grand Pope.

- Quand donc te décideras-tu à respecter le protocole établi, Anthraxus ? reprend un Valkhan amusé. Malgré les années tu n'as pas changé, tu es et restera un fieffé roublard qui n'en fait qu'à sa tête.
- Ha ha ha ! Eh oui ! Que veux-tu mon ami ! Toutefois, comme tu vas pouvoir le constater, j'ai réussi la modeste mission que tu m'as confiée.

Anthraxus tend le paquet à Valkhan, lequel l'ouvre pour en sortir une corne d'or. Elle semble représenter la corne d'un taureau qui aurait été tranchée net.

- Cette fois, ce fut un jeu d'enfant, poursuit Anthraxus. Je m'attendais à ce que le système d'alarme du Museum de Cnossos soit bien plus difficile à neutraliser. Quant aux gardiens, ils ont une fois de plus été bien faciles à berner. Il n'y a pas à dire, je suis bien le plus grand voleur de notre temps, le sang d'Autolycos doit couler dans mes veines.
- Autolycos ? interroge Liana.
- Oui, madame, répond le voleur. Autolycos était le plus grand des voleurs à l'époque de la mythologie. Il était le grand-père d'Ulysse et c'est lui qui a enseigné au célèbre héros de la légende ses mille ruses.
- Et cet objet ? continue Liana ne cachant pas un brin de curiosité. Qu'est-ce que c'est ?
- La Corne du Taureau, dit Valkhan. C'est un morceau du heaume de l'Armure d'Or du Taureau qui aurait été brisé il y a des siècles de cela. Mais cette partie de l'armure avait disparu, jusqu'à ce qu'Anthraxus, au cours de ses multiples pérégrinations, la retrouve et m'informe que celle-ci se trouvait dans un musée en Crète. J'ignore comment elle s'est retrouvée là-bas, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle devait revenir au Sanctuaire. Je vais la confier à Lama, pour qu'il fasse le nécessaire.
- Tu veux dire que Lama va reforger cette corne sur le heaume de Nath ? poursuit-elle.
- Cette décision appartient au Chevalier du Taureau et à lui seul. Mais s'il le désire, Lama fera ce travail.
- Sur ce, mes chers amis, s'immisce Anthraxus, permettez-moi de me retirer. Vous comprendrez, maintenant que vous avez deux enfants à vous occuper, que j'ai moi aussi fort à faire… avec les deux miens.
- Oui, c'est vrai… dit Liana. Comment vont les petits jumeaux ?
- Ils semblent aller plutôt bien, mais je n'aime pas vraiment les savoir loin de moi trop longtemps. Ciao.


La nuit est tombée sur le domaine sacré. Dans ses appartements, le Grand Pope Valkhan rédige quelque écrit personnel à la lueur d'une bougie. Dans la pièce voisine, la divine enfant dort paisiblement. Devant les portes du bâtiment, le jeune Aésion contemple les étoiles en attendant son coéquipier, lequel lui a déclaré s'absenter quelques minutes. Quand une bourrasque de vent attire son attention… Aésion sursaute : il y a un homme à quelques mètres de lui, et il ne l'a pas vu arriver.
Se tenant de profil, le Chasseur lève son visage, révélant son masque à la lueur de la lune et des étoiles. Dans ses bras, un bébé dort, enveloppé dans un linge blanc. Le jeune garde brandit sa lance devant lui tout en se crispant, son visage se couvrant de sueur.

- Laisse tomber ce jouet, Aésion, psalmodie lentement le triste sire au masque lugubre, il ne te servira à rien.
- Co… Comment connaissez-vous mon nom ? Et qui êtes-vous d'abord ? Que voulez-vous ?
- Que de questions… Tu me déçois ! Tu ne reconnais donc pas… ton coéquipier ?
- Hein ? C'est… C'est toi ? Mais pourquoi portes-tu ce costume bizarre ? Et ce masque macabre ?

Quelques instants de réflexion sont nécessaires au jeune garçon pour reconnaître que sous cette parure inquiétante se cache la silhouette de celui qui devait garder les portes de la Chambre Sacrée avec lui. Et sa voix ne trompe pas… Abaissant son arme, Aésion souffle un instant. Pourtant, son inquiétude demeure, presque malgré lui : tout son être continue de trembler légèrement.

- J'espère que tu as bien profité de ta jeunesse, Aésion, murmure le Chasseur. Ephémère, comme la vie !

Le Chasseur avance de quelques pas, puis il tend l'enfant au jeune garçon, lequel lui adresse un regard interrogatif.

- Le destin de ce bébé est entre tes mains, Aésion. Prends-le !

Est-ce par sentiment de devoir ou simplement pour obéir à un ordre de celui qui, à défaut d'être son supérieur, est son aîné, toujours est-il qu'Aésion s'exécute, posant sa lance. Il prend le bébé dans ses bras. Mais il continue de trembler.

- Qui… Qui est ce bébé ? demande-t-il timidement.
- Celle que tu dois protéger… la Déesse Athéna…
- A… Athéna… balbutie-t-il. Mais c'est impossible. Le… Le Grand Pope veille actuellement sur elle à l'intérieur de la Chambre Sacrée.
- Peu importe, réplique le Chasseur souriant derrière son masque. Tout ce qui compte pour toi, c'est de savoir que l'enfant que tu tiens dans tes bras est la réincarnation d'Athéna que tu viens de sauver.
- Que… Que je viens de sauver ?
- Que tu viens de sauver de la folie du Grand Pope ! Parce que Valkhan a voulu la tuer pour prendre le contrôle absolu du Sanctuaire ! Par la Morsure Fatale du Cobra !
- Hein ?

Les ongles du pouce, de l'index et du majeur des deux mains du Chasseur se sont brusquement allongés dans une aura de lumière blanche : deux cobras ectoplasmiques frappent le jeune garde incapable de réagir. La main droite de son assassin lui a ouvert la poitrine et comprimé le cœur tandis que sa main gauche lui a perforé l'abdomen et commencé à l'éviscérer. Ce n'est point tant la souffrance que la surprise qui s'est dessinée un bref instant sur le visage du jeune homme. Une destinée qui vient à peine de commencer… mais qui déjà, s'achève.

Dans l'obscurité de la nuit, Morgane se réveille brusquement en hurlant, mais elle sait que ce n'est pas à cause d'un cauchemar. Les liens qui unissent les frères jumeaux sont parfois si profonds et si mystérieux qu'il est inutile d'essayer de les comprendre, mais elle sait : son frère n'est plus. Elle jaillit hors de son lit puis s'élance dans la nuit à travers le Sanctuaire.
Dans la Maison du Sagittaire, Mégare ouvre les yeux, alerté par la brusque disparition d'un Cosmos qui lui semble familier. Sans être sûr de bien comprendre, tendu, le Chevalier d'Or se précipite vers la sortie de son temple et court en dévalant les marches quatre à quatre.
Goliath s'est dressé au centre du Colisée, un glyphe mystérieux rougeoyant sur son front, la rage s'emparant de lui : il hurle dans la nuit, faisant exploser sa colère et sa peine.
A peine après avoir fermé son cahier, Valkhan est parcouru par un frisson. Quelque chose d'étrange est en train de se produire. Le Grand Pope ferme les yeux pour mieux se concentrer. C'est avec stupeur qu'il les rouvre, car ce qu'il a vu n'est que le présage d'une terrible nuit !

- Athéna est en danger ! L'Horloge Pyrique est allumée !

Au pied de la montagne sacrée, douze flammes viennent d'apparaître sur le cadran de pierre d'une gigantesque horloge.

L'aura du Chasseur continue de briller à l'ombre du mur d'entrée de la Chambre Sacrée, il serre dans son poing le cœur de sa victime. Aésion n'a pas cessé de tenir l'enfant qui vient de lui être confié, par-delà même la mort.

- Anima Astaroth, audi preces mei, effice munus tui !

Les yeux révulsés du jeune homme se mettent à briller, alors que doucement, une blanche aura semble converger du corps du Chasseur vers celui de sa victime.

- Avant de mourir, Aésion accomplira ce pourquoi il est né, dit un Chasseur visiblement essoufflé à l'issue d'un effort insoupçonné. Il deviendra un martyr ! A présent, va ! Porte cet enfant aux Chevaliers d'Or !

Retirant ses mains du corps du garçon, le Chasseur se tourne vers les portes de la Chambre Sacrée, puis les pousse violemment. De sous son grand manteau gris, il sort un couteau brillant à la lumière des étoiles… Un couteau d'or ! Un bref regard dans la pénombre de l'intérieur du bâtiment, puis il disparaît… Téléportation.
Le corps d'Aésion, titubant et se vidant de son sang, pose un pied sur la première marche du long escalier de pierre qui descend de la montagne, commençant son chemin vers la Maison des Poissons, à la lueur des douze flammeroles bleues qui sont venues illuminer l'immense horloge dominant le Sanctuaire.


Chambre d'Athéna. Essoufflé, Valkhan pose les yeux sur le bébé qui dort toujours paisiblement, ignorant la menace que son représentant terrestre vient de ressentir. Le Grand Pope observe la pièce méticuleusement, mais tout semble normal. Il revient sur ses pas pour fermer la porte qu'il a laissée ouverte en rentrant précipitamment afin de s'assurer que la Déesse allait bien. Et là, tout son corps est à nouveau parcouru par un frémissement.
Angoisse, terreur, surprise : une voix résonne dans son dos. Une voix rauque et inquiétante. Une voix qu'il n'oubliera plus jamais !

- Vous partez déjà, monseigneur ?

A la vitesse de l'éclair, Valkhan s'est retourné, son visage marqué par l'effroi et la stupeur. Car au-dessus de l'enfant, une dague d'or qu'il reconnaît bien menace de se planter dans le divin petit cœur. Le masque du Chasseur se reflète pour la première fois dans les yeux de Valkhan.

Le Grand Pope aurait pu réagir de bien des façons, mais il ne devait pas perdre son calme ni agir inconsidérément, car c'est la vie d'Athéna qui était en jeu. L'ennemi qui se tient en face de lui est forcément une menace qu'il ne peut pas prendre à la légère. Le simple fait qu'il se soit introduit au cœur même du Sanctuaire à son insu, mais aussi à l'insu des douze Chevaliers d'Or n'est-il pas une preuve suffisante ? Et ce n'est pas tout, comment cet homme a-t-il pu s'emparer de cette dague d'or, trésor du Sanctuaire que Valkhan croyait à l'abri sur le Mont Etoilé ? Enfin, il doit être suffisamment dangereux pour que l'Horloge Pyrique se soit allumée. Reprenant son calme, Valkhan déclare simplement :

- Qui es-tu ?
- Je suis le Chasseur. Je suis l'agent de celui que j'appelle le Grand Ordonnateur. Je suis venu ici sous ses ordres, dans le seul but de tuer la réincarnation d'Athéna et de m'emparer du Sanctuaire. Comme vous le voyez, monseigneur, la vie d'Athéna est entre mes mains, et il me suffit d'un seul geste, un geste simple, pour y mettre un terme définitif. Mais je préfère attendre un peu… Et pour moi, le jeu… oui, le jeu… en vaut vraiment la chandelle.
- Je ne comprends pas, reprend Valkhan. Qu'est-ce que tu veux vraiment alors ?
- Je vous le dis justement monseigneur : jouer ! Nous ne sommes tous que de vulgaires pièces sur l'échiquier du destin. Je joue les Noirs, et vous, les Blancs. C'est pour cette raison que c'est à vous de commencer, car la règle veut que les Blancs aient l'initiative de jouer le premier coup. Maintenant vous avez le choix : jouer et accorder un sursis, peut-être même une chance, à la vie de cette enfant, ou refuser, et la voir mourir ici et maintenant. A présent, vous avez moins de douze heures pour quitter le Sanctuaire. Car au terme de ce délai, la chasse va commencer.
- Ainsi donc c'est bien à cause de toi que l'horloge…
- A cause de moi ? l'interrompt un Chasseur ricanant. C'est même moi qui l'ai allumée ! Ce qui devrait vous donner un petit aperçu de mes immenses pouvoirs ! Dans douze heures, lorsque les douze flammes auront cessé de se consumer, je partirai à votre poursuite. En attendant, ce couteau d'or ne sera pas une menace pour Athéna et je ne me mettrai pas directement en travers de votre route. Je ne bougerai pas avant que les douze heures ne se soient écoulées. Mais au-delà, vous deviendrez mes proies, traquées par le Chasseur que je suis, sans jamais connaître le repos, et votre calvaire ne s'achèvera que lorsque je vous aurai retrouvés. Alors je tuerai Athéna, pour le plaisir du Grand Ordonnateur, mais aussi pour le mien ! A moins bien sûr… que vous ne parveniez à m'en empêcher… en me tuant. Mais malgré vos immenses pouvoirs, je doute fort que vous en soyez capable, monseigneur.
- Je ne doute pas un seul instant de ta puissance, toi qui te fais appeler le Chasseur. Il le fallait pour réussir à entrer jusqu'ici. Mais tu sembles négliger un détail : tu crois vraiment que les douze Chevaliers d'Or vont rester sans rien faire ?
- Bien sûr qu'ils vont réagir… C'est même certainement déjà fait ! Mais pas vraiment comme vous vous y attendez ! Ils vont au contraire… me servir, moi !

Une assurance arrogante dans la voix du Chasseur met Valkhan mal à l'aise : son ennemi est bien trop sûr de lui… Et si tout cela n'était que… simple bluff…

- Ridicule, sourit Valkhan, jamais les Chevaliers d'Or ne serviront un ennemi d'Athéna, ils ont toute ma confiance et…
- Et pourtant c'est ce qu'ils feront : se retourner contre toi ! Je peux même te dire que… ils sont déjà en marche ! Je n'aurais pas lancé toute cette opération préparée depuis de nombreuses années si je n'avais pas été parfaitement sûr de moi ! Lorsque les Chevaliers d'Or viendront ici, ils verront les cadavres de vos serviteurs, ceux que j'ai tués en entrant. Ils trouveront aussi cette preuve, ce couteau d'or, dont la pureté du métal est capable de percer les auras divines. Pour quelle raison cette arme se trouverait dans cette chambre… si ce n'est pour tuer l'enfant qui y dort ? Et qui d'autre que le Grand Pope pouvait avoir accès à cette arme, conservée sur le Mont Etoilé, dont vous êtes le seul à avoir accès.
- Mais s'ils me trouvent dans ma fuite avec Athéna, ils verront l'enfant !
- Ha ha ha ! Le seul problème, c'est que, de leur point de vue, Athéna est déjà entre leurs mains…
- Comment ?
- Parmi vos serviteurs, un jeune garde va miraculeusement survivre assez longtemps pour mettre Athéna en sécurité. Il aura réussi à la sauver et aura le temps de révéler MA vérité avant de mourir : que vous avez voulu tuer Athéna ! Et vous serez ainsi accusé du plus grave crime qu'il soit donné de commettre à un Chevalier d'Athéna : la trahison !
- Personne ne croira un simple garde…
- Si ! Car il s'appelle… s'appelait… Aésion…
- A… Aésion… balbutie Valkhan…
- Tu as bien compris. Le jeune Chevalier du Sagittaire ne te pardonnera jamais d'avoir tué son petit frère, et ses dernières paroles ne pourront que le convaincre de te pourchasser… et de vouloir t'exécuter ! Je connais suffisamment le tempérament de Mégare pour savoir comment il va réagir. Et je ne doute pas un seul instant qu'il réussira à convaincre ses onze camarades.

Bien sûr, Valkhan ne pouvait pas être certain que le plan du Chasseur marcherait, mais pouvait-il se permettre de prendre le moindre risque : c'est la vie d'Athéna qui est jeu, la vie de la Déesse qui doit les guider dans les Guerres Saintes à venir. Peut-être même que ces Guerres Saintes sont en train de commencer… Et puis… il y a l'horloge…

- Tu es ignoble, déclare fermement Valkhan. Mais je suis sûr que tôt ou tard, les Chevaliers d'Or sauront différencier la vérité de tes mensonges. Je fais confiance à Mégare : il ne se laissera pas longtemps aveugler par sa colère et par sa peine.
- A votre place, je n'en serais pas si sûr…
- Mais je ne prendrai pas de risque : je vais entrer dans ton jeu. Et dans douze heures, j'aurai quitté le Sanctuaire. Et après nous verrons bien ce que feront les Chevaliers d'Or.
- Je savais que vous accepteriez. A vous de jouer, monseigneur. C'est à vous qu'il revient de choisir l'ouverture. Prenez l'enfant !

Valkhan s'approche du berceau, puis il prend le bébé qui continue de dormir à poings fermés. Après avoir adressé un dernier regard empreint de résignation au Chasseur, celui qui vit ses dernières heures en tant que Grand Pope du Sanctuaire disparaît, laissant son ennemi seul : le rire du Chasseur résonne dans la Chambre Sacrée.


Maison des Poissons. Une ombre chancelante pénètre dans le temple. Prêt à s'effondrer sur le sol de pierre, Aésion est rattrapé à la dernière minute par le Chevalier d'Or qui garde sa demeure. Le jeune Ran constate rapidement que les blessures du garçon sont bien trop graves et dépassent le cadre de sa compétence pour que lui ou ses roses soient en mesure de le sauver. Tentant de le calmer et d'endormir ses douleurs avec son doux Cosmos, le Chevalier des Poissons cherche à comprendre. Et qui est ce bébé que le garde novice tient dans ses bras ?

- Que t'est-il arrivé ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Le… Le Grand… Pope… a… a… voulu… tuer… A… Athéna…
- Comment ? Mais c'est impossible ! s'exclame le Chevalier d'Or. Mais ce bébé que tu tiens dans tes bras ?
- Sau… Sauvez… A… Athéna…

Ran ne peut qu'assister impuissant aux derniers efforts du jeune garde. Des bruits de courses précipitées annoncent des visiteurs dans la douzième Maison. C'est Mégare, le Chevalier du Sagittaire, suivi de prêt par Arthur et Lushia, les Chevaliers du Capricorne et du Verseau. Mégare se précipite auprès de son frère, lequel lui adresse un dernier regard… un regard vide…

- AESION ! NOOOOOOOOOOOOOOOOOON !

Le cri du Chevalier d'Or résonne dans le douzième temple, expression de la plus grande peine qu'il soit donnée de connaître à un homme : la perte d'un être cher. Expression aussi de sa colère !
Le noble Chevalier du Capricorne s'accroupit à son tour, observant les blessures du garçon qui vient de rendre son dernier soupir, quand rapidement son attention se focalise uniquement sur le bébé.

- Ran, déclare Arthur. Lorsque nous sommes arrivés, Aésion a bien dit que ce bébé, c'était Athéna, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Je ne sais pas, Arthur, la seule chose que je peux te répéter, c'est ce qu'il m'a dit.
- J'ai entendu ! rugit Mégare. Mon frère a dit que le Grand Pope avait voulu tuer Athéna ! Il a donné sa vie pour la sauver ! VALKHAN ! SI TU M'ENTENDS DEPUIS LA CHAMBRE SACREE, SACHE QUE JE TE TROUVERAI ET TE FERAI PAYER TA TRAHISON !

Sur ces mots, le Chevalier du Sagittaire, guidé par sa colère, s'élance en direction du sommet de la montagne. Le bras du Chevalier du Capricorne s'apprête à le retenir quand Lushia lui fait un signe de tête visant à lui faire comprendre que c'est inutile.

- Laisse le écluser sa haine, déclare le Chevalier du Verseau sur un ton monocorde. De toutes façons, Valkhan n'est certainement déjà plus dans la Chambre Sacrée. S'il a réellement tenté de tuer Athéna, il doit savoir que désormais nous ne le laisserons plus faire. Mais j'ai du mal à croire que le Grand Pope ait pu faire une chose pareille…
- L'Horloge Pyrique est allumée, reprend Arthur, ce qui veut dire qu'un ennemi en veut à la vie d'Athéna. Or il semblerait que personne n'ait entrepris la folie de traverser les douze Maisons du Zodiaque et de nous affronter.
- C'est exact, continue Ran, mais nous ne pensions pas que la menace pourrait venir de l'intérieur, et lorsque les flammes sont apparues sur l'horloge, nous sommes restés à notre poste, sans comprendre que l'ennemi pouvait être derrière nous. J'ai bien peur qu'il nous faille nous rendre à l'évidence, poursuit-il en se relevant, le bébé dans ses bras. Notre maître à tous nous aurait trahis…
- Je ne te crois pas !

La voix du Chevalier du Bélier résonne dans le temple. Au milieu de ses pairs, Lama apparaît.

- Tu viens de dire, Ran, que mon maître aurait trahi le Sanctuaire ? Balivernes que tout cela !
- Pourtant Lama, rétorque Arthur, tu as bien vu comme nous tous que l'Horloge Pyrique s'était allumée, non ? Tu sais ce que ça veut dire !
- La Déesse Athéna est menacée, répond le Chevalier du Bélier visiblement sur les nerfs. Mais ça ne veut pas dire que c'est Valkhan qui a voulu attenter à sa vie !
- Dis-moi Lama, reprend calmement Lushia. As-tu vu quiconque devant ta maison vouloir conquérir le Sanctuaire ?
- Non, il n'y a personne…
- Alors je crains que… poursuit le Chevalier du Verseau en baissant la tête et en fermant les yeux.
- Et regarde dans quel état est le frère de Mégare, renchérit Ran. Il vient de sauver Athéna et il en est mort.

Après avoir regardé le corps d'Aésion gisant sur le sol, Lama pose ses yeux sur l'enfant que porte le Chevalier des Poissons dans ses bras. Puis il baisse la tête, ses yeux se remplissant de larmes.

- Il doit y avoir une explication, se lamente le Chevalier du Bélier. Il y a forcément une explication ! Je ne peux pas croire ça ! Je dois retrouver mon maître !

Alors il disparaît, laissant ses trois camarades avec le bébé et le corps inanimé d'Aésion. Les trois Chevaliers d'Or s'adressent quelques regards lourds de signification, puis tous ensemble prennent le chemin de la Chambre Sacrée, afin de rejoindre Mégare.
Pendant ce temps, sur le Mont Etoilé. Les lourdes portes du temple se referment après que Valkhan en est sorti. L'aura de l'homme en passe de devenir fugitif s'élève doucement, en même temps que celle de la divine enfant : le temps de la communion est venu. Au même moment, le Sceau d'Athéna se matérialise à la jonction des deux portes. Du sommet de la montagne, Valkhan jette un œil sur le Sanctuaire. Vision d'effroi, celui-ci est en feu !

- Liana ! Viktor !

Sur l'Horloge Pyrique, la flamme du Bélier s'éteint : la première heure s'est écoulée. Un œil étranger assiste depuis la mer à l'extinction de cette flamme. Sur une barque, un homme ôte la capuche de son manteau, révélant son crâne chauve et son bouc grisonnant. Soliman le Visionnaire laisse ses larmes abonder le long de son visage.

- Ainsi le moment est venu, cela a commencé…


Des cabanons de bois en proie aux flammes. Des hordes barbares surgies du néant se jetant avec rage sur les soldats défenseurs du Sanctuaire. Ces envahisseurs sont grands, leur musculature est imposante. Cris de guerre et choc des armes résonnent sur le champ de bataille.

Une patrouille de quatre gardes se retrouve aculée au pied d'une falaise, en face d'une dizaine de puissants adversaires armés de haches… et de lance-flammes !

- Nous sommes perdus ! gémit l'un des soldats. S'ils se servent de leur engin de mort, nous allons brûler vifs !
- Mais d'où sortent-ils ? Les Guerres Saintes commenceraient-elles déjà ? Athéna est à peine revenue parmi nous…

Le plus imposant des barbares s'avance lentement, un rictus grimaçant aux lèvres. Ses longs cheveux blonds effilés masquant à moitié son visage patibulaire. Il dresse le lance-flammes et s'apprête à lui faire cracher son souffle de feu sur les soldats désemparés. Quand tout à coup, une voix s'élève du haut de la falaise.
- Qui que vous soyez, étrangers, sachez que jamais un Chevalier d'Athéna ne vous laissera semer le trouble impunément en ces lieux saints. C'est un Sanctuaire ici, et nous entendons bien qu'il le reste.

Une chaîne violette fend l'air et traverse l'arme de feu, laquelle est rendue inutilisable par l'assaut. Les envahisseurs lèvent les yeux pour mieux voir leur agresseur à la lumière des étoiles : c'est un jeune garçon… qui porte une armure dont la couleur dominante est celle de la chaîne qu'il vient de lancer.

- Je m'appelle Mélyan, je suis le Chevalier d'Argent du signe de Céphée, déclame-t-il en bondissant et en lançant ses deux chaînes.

A quelques centaines de mètres de là, au sein même des arènes, d'autres barbares traquent les novices qui sommeillaient dans les baraquements alentour. L'un d'eux mord la poussière à l'issue d'un violent coup de poing qui l'a projeté à terre, une jeune fille l'aide à se relever.

- Ne reste pas là Morgane ! Ces brutes sont sans pitié !

Impossible de savoir quelle peut bien être l'expression de la jeune Morgane, apprentie Chevalier, derrière son masque figé, toujours est-il qu'elle semble ignorer l'avertissement de son camarade et s'avance vers les mystérieux étrangers.

- J'ai perdu cette nuit bien plus important que mon insignifiante petite vie ! Aaaaaaaaaaaaah ! hurle-t-elle en frappant de toutes ses forces le premier de ses adversaires.

La riposte ne se fait pas attendre. A son tour, la jeune fille est projetée à terre à la suite d'un puissant coup de pied. Les ennemis se rapprochent. Les quelques novices encore en état de courir ne demandent pas leur reste à la vue du puissant lance-flammes pointé sur eux. Morgane et son compagnon semblent résignés à regarder la mort en face. Quand un flot de feu se déverse !

- Et puis non !

Le jeune garçon se relève, dressant fièrement ses deux bras devant lui, bloquant net la langue de feu entre ses mains, une aura bleutée est venue nimber son corps.

- Il est encore trop tôt pour abandonner ! hurle-t-il. Jamais le Sanctuaire ne cèdera devant quelque menace que ce soit !

Sous les yeux ébahis de Morgane et de tous ses camarades, le garçon se sublime, retournant les flammes sur celui qui les a envoyées. Surpris, ce dernier ne peut rien faire d'autre que hurler de douleur lorsque ses propres armes se mettent à le consumer.
Ses compagnons se rassemblent autour du jeune héros, stimulés par le miracle qu'il vient de réaliser. Seule Morgane reste en retrait. Les envahisseurs reculent, impressionnés.

- Les miracles ne durent qu'un temps, Bellatrix, murmure-t-elle. Ca ne suffit pas pour construire une légende.

Un groupe d'envahisseurs en train de courir sur les marches les menant vers la première des douze Maisons. Mais leur course est rapidement interrompue quand les meneurs se heurtent à un mur invisible.

- Mais qu'est-ce qui se passe ? crie l'un d'eux qui vient d'être projeté à terre. Il y a un obstacle !
- C'est le Mur de Cristal que le Chevalier du Bélier a dressé dans sa demeure pour empêcher quiconque de la traverser.

Une voix venue de derrière. Les agresseurs se retournent pour voir apparaître deux silhouettes en train de marcher vers eux. Un jeune garçon, dissimulé sous une grande djellaba noire, portant un turban brun sur la tête, c'est lui qui a parlé. Le Chevalier du Scorpion, qui le suit de quelques pas, dans son Armure d'Or étincelante, prend à son tour la parole.

- C'est le moment de prouver que mon enseignement t'a été utile, Argon. Montre que tu es devenu un véritable Chevalier d'Argent digne de ce nom. Je te laisse t'occuper d'eux. Moi, j'ai affaire ailleurs. Selon les rumeurs, c'est le Grand Pope lui-même qui aurait introduit ces barbares dans notre Sanctuaire.

Laissant son disciple seul devant ses adversaires, Khyron le Sinistre quitte la Maison du Bélier. Les barbares se jettent sur Argon, lequel écarte brusquement les bras. De son aura s'intensifiant, une croix de lumière blanche épousant la forme de son corps vient frapper le premier de ses ennemis.

- Crucifixion ! crie le Chevalier de l'Autel.

Un cabanon en proie en flammes. Anthraxus le voleur tente de dégager l'entrée pour s'introduire à l'intérieur. Un soldat qui s'enfuit pour échapper au prochain assaut de l'arme draconique le remarque et s'arrête un instant.

- Ne reste pas là ! Ils vont te tuer !
- Il y a quelqu'un dans cette maison, répond le roublard. On ne peut pas les laisser brûler vifs à l'intérieur ! Liana ! Tu m'entends ? !
- Aaaaaah ! Tire-toi, hurle le soldat en s'éloignant.

Car une nouvelle langue de feu s'abat sur la maison. Anthraxus est écarté par la puissance du souffle. Des planches de bois volent car la bâtisse semble exploser. Quelques secondes ou quelques minutes même passent, Anthraxus ouvre les yeux et s'extirpe hors des décombres. Devant lui, il reconnaît Valkhan, à genoux à quelques mètres. Tout autour, sont étendus les corps pulvérisés de ceux qui quelques instants auparavant le menaçaient. Mais juste devant son ami, gît le corps sans vie d'une femme. Anthraxus constate avec effroi que Liana n'a pas survécu à l'incendie criminel de la maison. Valkhan se relève, portant dans ses bras deux enfants, ses yeux emplis de larmes.

- Elle l'a protégé… pleure Valkhan. Elle a protégé Viktor de son corps… Pour que les flammes ne l'atteignent pas… Je… Je suis arrivé trop tard…. (Puis comme s'il se reprenait…) Anthraxus ! J'implore ton aide, mon ami.
- Valkhan ? Je ferai tout mon possible…
- Je dois partir Anthraxus, accorde à Liana une sépulture à son image. Je… Je ne peux pas rester.

Valkhan lève les yeux vers l'Horloge Pyrique pour voir mourir la deuxième flamme, celle du Taureau, en même temps que ses larmes se tarissent.

- Dans dix heures, mon ennemi partira à ma poursuite pour me tuer, et pour tuer Athéna.
- Le deuxième enfant que tu portes, c'est…
- Oui, c'est elle, Anthraxus. Et quoi que tu entendes ici après mon départ, dis-toi bien que la seule Athéna est celle qui est avec moi.
- Des rumeurs disent que c'est toi qui as lâché tous ces chiens sur le Sanctuaire, je sais bien que c'est faux…
- Puisse le Sanctuaire t'entendre, mon ami. Lama t'écoutera, dis-lui que jamais je n'ai trahi Athéna !

Et sans attendre la réponse de son ami, Valkhan s'élance dans la nuit, emmenant dans ses bras son fils et la réincarnation d'Athéna. Peu après, Anthraxus s'éloigne doucement, emportant le corps sans vie de Liana.


Maison des Poissons. Telle une gigantesque statue de pierre, Goliath reste debout, son regard ne cesse de fixer le corps inerte d'Aésion. Le géant semble devenu apathique devant la dépouille du dernier des novices à avoir rejoint sa garde. Il ne semble même pas prêter attention à la faible aura blanche qui est en train de quitter le cadavre.

- Et pourtant Goliath, même toi tu n'aurais rien pu faire pour éviter cela, pense le Chasseur tandis qu'il avance au milieu du champ de bataille dévasté par les flammes, progressant entre les cadavres et les décombres calcinés, observant le décor avec un sentiment d'intense satisfaction. Je constate avec joie que tu as satisfait à ma requête, Grand Ordonnateur, murmure-t-il, tes hommes ont débarqué en nombre au bon moment sur l'île sacrée. La panique a atteint son apogée. Même si très bientôt, de tes hordes barbares, il ne restera pas l'ombre d'un survivant, ils auront accompli ce que j'attendais d'eux. En trois heures, leur œuvre aura été satisfaisante… mais je doute qu'un seul d'entre eux vive au-delà de l'extinction de la flamme des Gémeaux.

Cimetière du Sanctuaire. Devant la sépulture à peine achevée de Liana, Anthraxus brandit son arme, une arbalète de poing électronique, en direction des trois barbares qui viennent de le trouver. Il tire. Le carreau laser est d'une efficacité remarquable : précision et vitesse. Un des hommes est tué sur le coup. Les deux autres se jettent sur le roublard en hurlant un cri sauvage. Aussitôt suivi d'un cri de douleur… quand un fin rayon rougeoyant leur traverse la poitrine et que tous d'eux s'effondrent au sol en se tordant de souffrance.

- Par l'Aiguille Ecarlate !
- Je suis sauvé ! s'exclame Anthraxus.

Le Chevalier du Scorpion s'avance entre les deux hommes à terre, les méprisant de son regard violet.

- La vermine telle que vous ne mérite même pas que l'on s'attarde à essayer de les raisonner, soupire Khyron. Je ne perdrai pas mon temps avec vous, misérables, il reste encore bien des lieux à purifier. Restriction !

Les deux hommes gémissent et semblent tout à coup frappés par la terreur. Elle est venue des yeux de Khyron, et désormais elle les paralyse.

- Intéressant cette technique, Chevalier d'Or, clame la voix d'une ombre surgissant de derrière les tombes. Ton attaque est en fait une multitude de petites frappes microscopiques sur les points sensibles de tes victimes, qui se retrouvent de fait paralysées de terreur.

Surpris, Khyron et Anthraxus convergent leur attention vers l'homme qui vient d'arriver. Aucun d'eux ne semble avoir déjà vu cet individu pour le moins inquiétant. Il porte une grande toge blanche plissée. Son visage est caché derrière un masque sombre et il arbore fièrement un heaume écarlate surmonté d'une chauve-souris déployant ses ailes vampiriques.

- Qui es-tu ? interroge le Chevalier d'Or. Tu n'es pas Valkhan, mais tu portes une toge rituelle, exactement comme celle du Grand Pope. Et comment connais-tu si bien mon attaque ?

Une douce lumière blanche progresse sur le sol entre les tombes, pour finalement disparaître au contact de celui qui vient d'arriver, et dont la voix rauque et caverneuse fait écho quand il parle.

- Je suis le Grand Pope. Je suis celui que la Déesse Athéna a choisi pour être son représentant terrestre en attendant qu'elle atteigne la maturité suffisante pour mener le Sanctuaire à la victoire dans les Guerres Saintes à venir. Valkhan a trahi sa mission, je suis son successeur, élu par les dieux ! Je suis le maître suprême des quatre-vingt-huit Chevaliers, et en tant que tel, ta technique n'a aucun secret pour moi.
- Ben voyons, sourit ironiquement le Chevalier d'Or. Et tu crois peut-être que je vais te croire ! Ne serais-tu pas, qui que tu sois, en train d'essayer de profiter des troubles qui sévissent ici ? N'es-tu pas avec ses barbares ? Et avec Valkhan ? !
- Non Khyron, l'interrompt Anthraxus, Valkhan est innocent…

L'aura de celui qui se prétend être le nouveau Pope s'intensifie, mais cela ne semble pas inquiéter le Chevalier d'Or. En revanche, une telle démonstration de puissance n'est pas sans intimider le vieil Anthraxus. Le futur Pope lève les yeux vers l'Horloge Pyrique dont la troisième flamme est pratiquement consumée.

- Chevalier du Scorpion ! Je t'ordonne d'achever les deux derniers survivants des barbares étrangers à la solde de Valkhan qui ont envahi le Sanctuaire. Je veux qu'aucun d'eux ne survive au-delà de la troisième heure. C'est un ordre !
- Tu ne me fais pas peur, défie Khyron. Restriction !
- Ainsi donc… tu veux une preuve… Très bien… Ton attaque ne sera pas efficace contre moi, car je connais son mode opératoire. Et sache qu'en tant que Grand Pope, j'ai une capacité d'assimilation de l'ensemble des techniques des Chevaliers tout à fait remarquable ! Restriction !

Des yeux du Pope en devenir, des cercles concentriques écarlates viennent à leur tour frapper les points sensibles de Khyron le Sinistre, lequel ne masque pas son incompréhension. Le Chevalier d'Or serait-il en proie au doute : l'homme qui lui fait face a reproduit sa technique avec une telle facilité, après l'avoir seulement vue deux fois !

- A présent Khyron, obéis. Tue-les ! La flamme s'éteint !

Nul ne saurait dire avec précision tout ce qui s'est passé à cet instant dans la tête du Chevalier d'Or. Anthraxus, le seul témoin, assiste alors à une scène incroyable : en une fraction de seconde, Khyron le Sinistre décapite les deux barbares, répondant à l'injonction d'un inconnu, dont le masque reflète au même moment l'extinction de la flamme des Gémeaux.

- A présent, Khyron, retrouve Valkhan, et ceux qui lui auraient apporté un quelconque soutien… pour qu'ils soient châtiés de leurs crimes !

Sans dire un mot, le Chevalier du Scorpion s'éclipse, laissant seuls Anthraxus et celui qui va devenir le maître incontesté du Sanctuaire.

- Tu étais l'ami de Valkhan, Anthraxus, n'est-ce pas ?

Intimidé et même terrifié, Anthraxus ne parvient pas à brandir son arbalète. Il sent le regard invisible de son interlocuteur pénétrer le sien.

- Pourtant, à toi aussi il a menti. La mort de sa femme n'était qu'un moyen de te convaincre. Celui qui cherche à conquérir le monde n'a pas de liens avec les mortels. Il l'a sacrifiée, sans remords !
- Vous… Vous mentez !
- Tu ne dirais pas cela si tu savais…. Si tu savais ce qu'il a fait à…
- Qu'est-ce que vous essayez de me dire ? Encore des mensonges ! Je fais confiance à mon ami !
- … A tes enfants ! Anthraxus ! Vois ce qu'il leur a fait !

Etrange vision que celle en train de se produire dans l'univers du roublard. A la lumière d'un arc-en-ciel illuminant la nuit, Anthraxus reconnaît l'intérieur de sa maison du village de Rodrio. Dans un berceau, deux nouveau-nés dorment paisiblement. La silhouette de Valkhan apparaît bientôt au-dessus d'eux, prêt à embraser son Cosmos…

- Non ! Arrête ! Tu essaies de me manipuler !

Une voix lui répond, pas celle qu'il attendait, pas celle de celui qui est en train de lui montrer ce qui présage d'un terrifiant spectacle. La voix de Valkhan, s'adressant aux deux enfants.

- Vous me serez utiles, charmants bambins, pour tromper votre père…

Puis l'aura de Valkhan semble nimber les deux bébés… et l'instant suivant, ceux-ci ont changé d'apparence.

- C'est impossible ! hurle Anthraxus. On dirait… Viktor et… Athéna !
- Oui, Anthraxus, Valkhan t'a trompé en enlevant tes enfants, poursuit le Pope. Il a laissé mourir son fils dans les décombres de sa maison. Et Athéna est toujours au Sanctuaire, sous la protection des Chevaliers d'Or. Mais bientôt, il se débarrassera de tes enfants car il n'en aura plus besoin.
- Nooooooooooooooon ! crie le vieil homme s'effondrant à genoux. C'est un cauchemar !
- Bien pire qu'un cauchemar, je le crains…


Un homme portant deux bébés court dans la nuit. Il suit un long sillon entre des falaises rocheuses, quand enfin il débouche sur une plage : il est sur le point de quitter le domaine sacré et de rejoindre le continent. Sa course est subitement arrêtée : il évite de justesse un projectile venu se planter juste devant lui. Valkhan écarquille ses yeux, dans lesquels se reflète… une rose rouge.

- Ran…

Valkhan se retourne. En haut de la falaise, le Chevalier d'Or des Poissons l'attend visiblement. Valkhan dépose les deux enfants à l'abri, dans l'ombre d'une proéminence rocheuse, avant de s'adresser au Chevalier d'Or.

- Chevalier Ran ! Je te conjure de m'écouter !

Une rose fichée entre les lèvres, le Chevalier des Poissons, tout en armure, observe sans mot dire. Son silence semble faire comprendre qu'il est disposé à écouter celui qu'il a jusque là toujours fidèlement servi.

- Je n'ai pas essayé de tuer Athéna, Chevalier. Au contraire, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour la sauver de la folie d'un homme qui se fait appeler le Chasseur. Athéna est avec moi. Tu as bien vu que j'avais des enfants dans les bras ?
- Ce que vous me dites n'est pas convaincant, rétorque doucement le Chevalier d'Or aux traits d'enfant. La réincarnation d'Athéna est en sécurité désormais. Je l'ai moi-même ramenée dans la Chambre Sacrée, laquelle est actuellement sous la surveillance vigilante des Chevaliers du Capricorne et du Verseau. On raconte que vous avez essayé de la tuer, mais le jeune Aésion aurait héroïquement réussi à la sauver. Il n'a pas survécu aux blessures que vous lui avez infligées. Mégare est sur vos traces, et je crains fort que lui ne prenne pas le temps de vous écouter. Aurait-il seulement tort ? Je m'interroge, monseigneur.
- Athéna est avec moi, Ran, et je peux te le prouver. Viens la voir.
- J'ai bien vu en effet que vous aviez deux enfants avec vous. Mais la rumeur prétend que vous auriez enlevé les deux fils d'Anthraxus pour simuler la présence de la réincarnation d'Athéna et de votre fils.
- C'est un mensonge. Tu peux vérifier si tu le souhaites. Anthraxus a deux garçons…
- Je sais, l'interrompt Ran.

Un sifflement dans l'air. Le Chevalier des Poissons tourne brusquement la tête derrière lui vers l'horizon en se tenant sur ses gardes. Ce qu'il remarque n'échappe pas à la perception de Valkhan, lequel écarte les bras devant lui en déployant son Cosmos.

- Mur de Cristal !

A peine le mur invisible levé, un rayon de lumière dorée traverse le sillon entre les montagnes et une flèche d'or vient se planter à sa surface.

- Ainsi Mégare vous a repéré, constate Ran. Dans quelques minutes, il sera ici. La flèche d'or n'était qu'un avertissement…
- Valkhan ! hurle une voix en provenance du couloir.

Anthraxus ! Il court en direction de celui qu'il vient de héler. Son visage tiré est recouvert de sueurs. Son arbalète est pointée devant lui. Ses yeux semblent chercher vainement les deux enfants que Valkhan aurait dû tenir dans ses bras, mais ceux-ci, à l'abri derrière un rocher sont hors de portée de sa vue. Quand de bien sinistres paroles résonnent dans sa tête…

- Mais bientôt, il se débarrassera de tes enfants car il n'en aura plus besoin.
- Non ! Tu n'as pas fait ça ! Tu n'as pas pu faire ça ! hurle-t-il en pressant la détente de son arbalète électronique.
- Ne fais pas ça ! lui crie Valkhan qui, avant de chercher à comprendre les paroles énigmatiques de son ami ni les raisons de son geste, vient d'anticiper sur les conséquences de l'action.

Malheureusement il est trop tard. Le carreau électrique vient frapper le Mur de Cristal qu'Anthraxus n'avait pas vu. A la vitesse de la lumière, celui-ci lui est renvoyé. Un cri étouffé. Le roublard laisse échapper son arme et tombe à genoux. Se précipitant vers lui, Valkhan traverse son propre mur, le faisant éclater en milliers de particules.

Anthraxus s'effondre. Valkhan le retourne et lui soutient la tête.

- Pourquoi as-tu fait ça ?

La vue du blessé se trouble mais tout à coup ses oreilles perçoivent un son… des pleurs d'enfants… Son visage crispé s'apaise alors.

- Ils sont vivants… J'aurais dû… te faire confiance… Valkhan, pardonne-moi…

Ainsi meurt Anthraxus, victime de l'ignoble manipulation exercée sur lui par le Chasseur. Valkhan se relève, sentant l'arrivée d'un puissant Cosmos, qu'il reconnaît comme étant celui du Chevalier du Sagittaire. Récupérant les deux enfants, il bondit pour tenter de lui échapper. Du haut de sa falaise, Ran est prêt à attaquer quand une nouvelle fois, il semble alerté par quelque chose d'inattendu en même temps qu'il décoche des dizaines de roses rouges.

- Roses Royales Démoniaques !

Un coup de tonnerre. Des nuées se rassemblent au-dessus de la plage et des falaises à une vitesse défiant l'imagination et les lois de la nature. Bravant les éléments, Valkhan s'élance sous les trombes d'eau torrentielles qui viennent de s'abattre, évitant les roses rouges qui fusaient dans sa direction.

- Où est-il ? s'étonne Ran quand Mégare arrive dans le couloir. Je ne le vois plus.

Aussi vite qu'elles étaient apparues, les nuées se dissipent et l'orage cesse, laissant perplexes les Chevaliers des Poissons et du Sagittaire, seuls sur la rive, avec la dépouille d'Anthraxus. Il n'y a plus aucune trace de Valkhan, ni des deux enfants… Juste quelques pétales de roses. Sur l'Horloge Pyrique, la flamme du Cancer s'éteint.
Une petite barque sur la mer au large de l'île sacrée. Valkhan reprend son souffle, les deux bébés couchés à ses côtés. Debout, un homme l'aide à se relever. Celui qui vient de commencer sa carrière de fugitif ne peut masquer son étonnement à la vue de celui qui vient visiblement de lui sauver la mise.

- Toi ? ! C'est toi qui as fait cela ? Mais comment as-tu su ?

Le visage grave, Soliman ferme les yeux.

- Je suis l'oracle, Valkhan. Je connais le destin des hommes que je rencontre, poursuit-il en pleurant. Cette nuit, ton véritable destin a commencé.

Après un long silence, l'ancien Pope contemple l'horizon, voyant s'éloigner le Sanctuaire qui lui avait été confié. C'est maintenant qu'il prend réellement conscience de tout ce qui s'est passé en quelques heures. Des images défilent sur son écran mental et viennent se superposer à la vision de cette île qui s'éloigne. Prenant dans chacun de ses bras les deux enfants qu'il emmène avec lui, Valkhan revoit le visage du jeune Aésion, si heureux lorsque Goliath le lui avait présenté la veille de ce jour funeste. Puis c'est le spectre d'Anthraxus, son ami qu'il vient de tuer avec son propre mur. Et lorsque apparaît le doux visage de Liana, les larmes abondent sur ses joues. Elle a rendu son dernier soupir dans ses bras, après qu'il l'a arrachée des flammes.

- Prends bien soin… de Viktor… Je… Je t'aime…

Telles avaient été les dernières paroles de son épouse, celle qu'il avait aimée et que jamais il ne cesserait d'aimer, par-delà la mort.

- Je ferai de notre fils un garçon exceptionnel, mon amour… Je te le promets…
- C'est lorsque l'on prend conscience que les choses nous échappent, déclare solennellement Soliman le Visionnaire, qu'on se rend compte à quel point on tient à elles. Pleure, mon ami, tu en as le droit…


Autel d'Athéna, au sommet de la montagne sacrée. Six Chevaliers d'Or sont rassemblés devant l'immense statue d'or dominant le Sanctuaire. Les pleurs d'un bébé résonnent dans la nuit sombre. Le Chevalier du Bélier tombe à genoux, laissant échapper quelques larmes sur le sol dallé.

- Je suis désolé, Lama, énonce Ran en fermant les yeux. Mais Anthraxus est mort. Je n'ai pas bien compris tout ce qui s'est passé, mais il semble bien que Valkhan lui ait renvoyé son projectile.
- Anthraxus avait un message pour moi, se lamente le Chevalier du Bélier. J'espérais tant que ce serait une explication… Mais au lieu de cela, il l'a tué ! Pourquoi ? POURQUOI ! ?
- Valkhan a trahi le Sanctuaire, reprend Khyron le Sinistre. Je ne crois pas qu'il soit forcément indispensable de chercher à comprendre le comportement d'un traître. Avide de pouvoir, il devait être prêt à tout… Il semble qu'il ait été aidé dans sa fuite : les coupables paieront tous.
- Tais-toi, Khyron ! hurle Lama en se redressant brusquement. Moi je veux comprendre !
- Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour essayer de comprendre, rétorque le Chevalier du Capricorne. Car tu as raison, il doit y avoir une explication. Nous la trouverons, tôt ou tard.
- Mmm, si vous y tenez, poursuit le Chevalier du Scorpion. Toutefois, je tiens à dire que la rumeur selon laquelle le fils de Valkhan aurait péri dans l'incendie de sa maison est fausse. Il n'y avait aucune trace de Viktor. De même, les enfants d'Anthraxus, que l'on a dit avoir été enlevés par Valkhan, sont toujours dans la maison de leur père au village. J'en déduis donc que Valkhan s'est enfui en emportant son fils et uniquement son fils.
- Pourtant il m'a bien semblé l'avoir vu porter deux enfants, réaffirme Ran avec scepticisme.

Dans les bras du Chevalier du Sagittaire, le bébé qui a été " sauvé " par Aésion pleure dans la nuit. Mégare ne cesse de la regarder, les yeux emplis de larmes.

- Ne pleure plus, petite déesse. Un garçon merveilleux a donné sa vie pour que tu puisses vivre et nous apporter la victoire dans les Guerres Saintes. Son sacrifice n'aura pas été inutile. Je jure de faire payer leurs crimes à Valkhan et à tous ceux qui l'aideront. Je voudrais…

A cet instant, le Chevalier du Verseau détourne son regard aux pieds de la statue d'or, rapidement imité par ses cinq camarades. Un homme se tient là, portant la tenue rituelle du Grand Pope, son visage masqué. Khyron le Sinistre pose un genou à terre. Anticipant sur la question que les Chevaliers d'Or s'apprêtent à poser, le nouvel arrivant déclare :

- Je suis le Grand Pope. Je suis le maître des quatre-vingt-huit Chevaliers du Sanctuaire. Et j'ai été choisi par Athéna.

Son aura se répand alors sur tout l'Autel. En même temps, les pleurs de la petite fille cessent, comme si le Cosmos du nouveau Pope l'avait apaisée.

- Mon nom est Bishop, poursuit-il en s'avançant devant Mégare. Et en attendant qu'Athéna atteigne sa maturité, je régnerai sur le Sanctuaire, continue-t-il en effleurant le doux visage de l'enfant, lequel s'éclaire alors d'un sourire rayonnant.

Le rire d'un bébé. Et six Chevaliers d'Or prêtant allégeance à leur nouveau maître, cet inconnu qui a pourtant obtenu la reconnaissance incontestée de leur déesse.

Quelques heures plus tard, sur le balcon de la Chambre Sacrée, seul, Bishop regarde mourir la dernière flamme sur l'Horloge Pyrique. A côté de lui, un échiquier est posé : la partie vient de commencer.

- Ainsi vous… Hum… Tu as décidé de me jouer un gambit.

Le Chasseur se tourne vers le guéridon, approchant sa main de l'échiquier sur lequel trônent les trente-deux pièces, blanches ou noires, prêtes à jouer.

- Aux échecs, cela consiste à sacrifier un pion afin de bénéficier d'un certain avantage temporel. Pauvre Anthraxus ! Il n'avait pas vraiment l'intention de se sacrifier.

La main griffue se pose sur un pion blanc et le déplace lentement de deux cases.

- Comme je te l'avais promis, je t'ai laissé les Blancs, Valkhan, et tel le pion devant sa Reine, tu t'es avancé au centre de l'échiquier… Et je suis venu à ta rencontre…

Lentement, le Chasseur contourne le petit guéridon pour venir se placer devant son jeu. A son tour, il déplace le pion noir de deux cases pour le situer juste devant son homologue blanc. Puis il déplace un pion blanc, situé à la gauche du précédent, lequel est aussitôt renversé par le pion noir en mesure de le prendre.

- Ce pion que je t'ai pris, ce pion qui portait les traits d'un ami qui fut longtemps à tes côtés, dans la vie comme sur l'échiquier, et jusque dans la mort ! Ce pion sacrifié n'aurait pas suffi à te laisser le temps de t'échapper si…

D'une main tremblante, le Chasseur avance d'une case le pion blanc situé juste devant le Roi. Un long silence s'installe…

- Ainsi donc… Tu… Tu as décidé de te mêler à la partie…

A nouveau un long silence. Le Chasseur, perdu dans d'insondables pensées, regarde l'échiquier.

- Le soutien de ce pion, ce pion du Destin qu'Il t'a envoyé… Soutien qui t'a permis de prendre la fuite… Ta position a reculé : tu es aux côtés de ta Reine désormais, tu es le Roi blanc ! Mais moi aussi, vois-tu, j'ai changé de masque à présent.

Bishop empoigne le Fou noir et s'apprête à le déplacer le long d'une diagonale blanche.

- On appelle cette ouverture le Gambit de la Reine, Valkhan. Voyons maintenant comment tu réagis lorsque l'on sort de la théorie. C'est à moi de jouer maintenant !


Octobre 2199. Tour de l'Ile de la Mort. Une jeune fille et six jeunes garçons assis en tailleur et formant un cercle boivent les paroles chantantes de la prophétesse. En quelques heures, Cassandra a non seulement porté à leur connaissance la néanmoins obscure prophétie qu'ils étaient venus écouter, mais elle leur a aussi dressé un tableau onirique des événements tragiques survenus treize années auparavant. Adossé contre l'encadrement de la porte, Hassadan, Chevalier blessé, ferme les yeux tandis que ses lèvres murmurent à l'avance chacun des mots de la Gardienne, mots qu'il connaît si bien pour les avoir déjà si souvent entendus ; la première fois avait été neuf ans plus tôt, lorsque Valkhan devenu fugitif l'avait suivi sur l'Ile de la Mort.

- Par la Grâce de Soliman assembleur des nuées, psalmodie la Prophétesse, Valkhan s'enfuit du Sanctuaire et commença son long périple à travers le monde. Nul doute que les Chevaliers d'Or se sont posés beaucoup de questions quant à l'apparition de Bishop, que nous savons être le Chasseur, mais il demeure qu'au-delà de cette nuit, aucun des douze ne manqua jamais de prêter allégeance à ce nouveau Pope qui avait eu la bénédiction d'être reconnu par une enfant que tous croyaient être Athéna.
- Pour avoir déjà rencontré Raphaëlle, déclare Néo, je veux bien comprendre que n'importe qui soit en mesure de la confondre avec la Déesse Athéna, elle est tellement divine par la beauté et la grâce de son corps, mais aussi par ses manières, pourtant je ne m'explique pas que des Chevaliers d'Or aient pu se laisser duper. Comment le Cosmos de Raphaëlle pourrait-il dépasser, ou ne serait-ce qu'égaler celui de Sandra ?
- Chevalier Pégase, reprend Cassandra. Il est des mystères qui ne pourront être résolus tant que nous ne saurons rien des réelles motivations du Chasseur, ou de ses origines… Raphaëlle et lui semblent unis par un lien mystérieux. Elle est la seule au Sanctuaire à visiblement réellement " apprécier " Bishop, ce mystère que personne ne connaît vraiment. Chacun sait qu'elle connaît son visage, mais il semblerait qu'elle soit la seule…

Kemri, le premier, remarque l'hésitation de son maître. Lui sait qu'elle a déjà vu le visage de leur ennemi, juste avant que la vue ne lui soit arrachée à jamais. Souvenir de l'une de ses expériences où il s'était vu plongé dans les souvenirs de son maître, des visions d'une incroyable clarté pour une personne dont les yeux n'ont plus vu la lumière du soleil depuis plus de treize ans.

- D'après ce que je sais, madame, intervient Vicky, c'est le Chasseur qui vous a pris vos yeux…
- Cela s'est produit la veille du retour d'Athéna parmi nous. Depuis ma plus tendre enfance, j'ai eu des visions prémonitoires, mais jamais celles que j'ai eues ce jour-là n'avaient été plus claires. Il n'était qu'un simple garde, je devais devenir Chevalier. Je l'ai trouvé… Je l'ai défié !
- Mais… s'interroge Sven, pourquoi ne pas avoir prévenu le Grand Pope ?
- Il n'était qu'un simple garde, répète la Prophétesse, et moi je devais devenir Chevalier. Je l'ai trouvé… Je l'ai défié… Je l'ai payé amèrement. Mais la vue qu'il m'a prise n'a fait qu'accroître mon sens divinatoire.
- Comment se fait-il que le Chasseur vous ait laissé en vie ? demande Shin.
- Jassugan… C'est Jassugan qui m'a sauvée. Le Chasseur l'a senti arriver, et il m'a laissée… pensant peut-être que je ne survivrai pas à mes blessures. Valkhan m'a guéri… Peut-être même aurait-il pu sauver mes yeux… Mais je n'ai pas voulu… Car pendant que je perdais l'usage de ce sens, mes visions devenaient plus claires, et plus terrifiantes à la fois !
- Cassandra… soupire Kemri.
- Lorsque je suis réellement revenue à moi, je ne savais plus comment différencier la réalité ou disons le réalisme de mes visions des délires qui auraient pu m'accabler. J'ai bien pensé devenir folle… Et je suis partie… Pour m'isoler, pour comprendre… Mais l'imminence de ce que j'avais envisagé était si proche que mon exil ne m'a pas permis d'avertir Valkhan… Mais qu'aurais-je pu lui dire après tout, car ce n'est qu'après avoir appris ce qui s'était passé que tout est devenu limpide. J'ai voulu mourir pour n'avoir pas su comprendre à temps ce qui se passait, pour n'avoir pas su prévenir qui que ce soit…
- Et c'est là que… poursuit Kemri, Jassugan…
- Oui, c'est là que Jassugan, le Chevalier du Lion, m'a empêchée de mettre un terme à mon existence. Là que j'ai pris conscience de toute l'étendue de ma destinée.
- Il y a quelque chose qui m'échappe, intervient Shin, j'ai le sentiment que Jassugan était votre ami, peut-être même… plus encore…

Un long silence s'ensuit. Comme si l'insinuation du jeune Chevalier du Dragon avait jeté un froid dans l'assemblée. Kemri lui adresse d'ailleurs un regard apparemment fulminant. Pourtant, Cassandra ne semble pas gênée le moins du monde, comme si de telles considérations affectives n'étaient plus en mesure de l'atteindre réellement.

- Chevalier du Dragon, poursuit-elle, je devine que tu penses que les liens qui ont pu nous unir, le Chevalier du Lion et moi-même, auraient dû me permettre de le convaincre et de le rallier à notre cause. Mais les choses ne sont pas si simples : quand Jassugan est rentré au Sanctuaire, il a à son tour rencontré Bishop… Puis Raphaëlle… J'ai bien compris que jamais je ne pourrai raisonner le Chevalier du Lion, je l'ai compris lors de son retour… J'ai compris qu'il était préférable pour la réussite de ma mission, celle que je m'étais dès lors donnée, qu'il ne sache pas ce que j'avais l'intention de faire. - C'est pour cela que Cassandra et moi avons toujours aidé Valkhan dans l'ombre, reprend Hassadan, et qu'officiellement, nous restons au service du Sanctuaire.
- Comme Morgane, soupire Néo, qui a toujours su ce qui était réellement arrivé à Aésion. Je comprends un peu mieux ce qu'elle m'avait dit ce jour-là, lorsque je l'ai trouvée devant la tombe de son frère, au cimetière du Sanctuaire…
- Comme Mélyan, renchérit Issa. Valkhan disait dans ses cahiers que mon maître savait que Bishop avait menti, qu'il en avait eu la preuve, et qu'il avait rapidement compris que Bishop était le mystérieux responsable des meurtres qui avaient eu lieu dans l'enceinte du Sanctuaire. Mais quelle est cette preuve ?
- Mélyan te dira mieux que moi ce qu'il a vu, continue la Prophétesse, après avoir combattu les hordes barbares qui ont envahi le Sanctuaire cette nuit-là.
- Mais à présent, déclare Sandra qui était restée résolument silencieuse jusque là, il nous faut agir pour combattre le Chasseur. Je dois reconquérir le Sanctuaire.

Tenant fermement le Sceptre de la Victoire dans sa main droite, la jeune Déesse se relève, l'air visiblement décidé à faire ce pourquoi son père s'est enfui du sanctuaire il y a treize ans, à faire ce pourquoi son père a donné sa vie il y a six ans.

- Le moment est venu de me rendre au Sanctuaire. Et de me confronter à Raphaëlle, pour faire tomber ce mur de mensonges que ce Bishop a élevé, pour que tous les Chevaliers du Sanctuaire sachent que mon père… que le Grand Pope Valkhan… n'a jamais été un traître ! Je vais retourner… au Sanctuaire !

Les six Chevaliers de Bronze se lèvent, se rassemblant autour de leur déesse, prêts à l'accompagner dans sa croisade.

- Je pense que c'est trop tôt, dit Hassadan. Si vous prenez d'assaut le Sanctuaire maintenant, vous courez droit à l'échec. Vous devez d'abord prendre le temps de connaître l'ennemi, de rassembler vos alliés.
- Hassadan a raison, affirme Cassandra. Mais ce temps viendra… bientôt…
- Nos alliés ? murmure Kemri. Nous avons Hassadan et toi, mais aussi Morgane et Mélyan. Se pourrait-il qu'il y en ait d'autres ?
- Je le crois… Je le sais même… Valkhan ne nous a pas quittés sans vous avoir laissé une aide précieuse. Pendant sept années il a réfléchi, il a cherché… Au cours de ses voyages, de ses rencontres, de ses épreuves… Et il vous a laissé…
- Sa mémoire, répond Sandra. Sa mémoire, consignée dans ses cahiers. Nous n'en avons que deux, mais entre celui qu'il a laissé sur le Mont Etoilé il y a treize ans, et celui qu'il gardait avec lui à sa mort, il manque six années de sa vie. Les cahiers qu'il a écrits au cours de cette période ne peuvent se trouver que dans un seul endroit… Le seul endroit où il a pu se sentir en sécurité un bref instant à chaque fois qu'il s'y rendait…
- Mais bien sûr, acquiesce Vicky : le monastère de Nasheen, au Népal.
- Retrouvez les cahiers de Valkhan, poursuit Cassandra, comprenez le message qu'il vous y a laissé. Revivez son voyage… Puis préparez-vous : apprenez à connaître votre ennemi, et rassemblez vos alliés, poursuivez l'œuvre de Valkhan. Car vous êtes les sept étoiles de la Prophétie, ceux qui défierez l'ambition de celui qui est né le mauvais jour au mauvais endroit, les combattants qui nous apporteront la lumière.
- Cassandra, interrompt Kemri sur un ton inquiet, tu parles comme si tu… si tu n'allais pas participer à notre quête. Je comprends que tu aies besoin de te reposer pour reprendre des forces, après avoir été exposée aux vapeurs malsaines du repère des Chevaliers Noirs, mais tu t'en remettras vite.
- Ne t'en fais pas, ce ne sont pas ces quelques geysers qui auront raison de moi. Quelques jours de repos suffiront. Mais il me reste encore quelque chose à faire, après quoi Hassadan et moi-même nous joindrons à votre combat.
- Mais, s'exclame Kemri, tu n'as plus rien qui t'attache ici ! Viens avec nous !
- C'est impossible Kemri, répond Hassadan. Cassandra est la Gardienne.
- Mais tous les Chevaliers Noirs sont morts ! Il n'y a plus rien à garder ici !
- Peut-être, interrompt sèchement Cassandra, mais il me reste néanmoins une dernière chose à terminer ici. Quelque chose d'essentiel… Et puis tant que vous n'êtes pas prêts, vous n'avez pas besoin de moi, aussi je garderai ma couverture…
- Nous respecterons ta décision, Chevalier de la Colombe, déclare Sandra, je suis convaincue que tu œuvres pour notre bien à tous. Mon père te faisait confiance… Moi aussi, je te ferai confiance.

Cassandra s'incline respectueusement devant la jeune fille. Puis un à un, suivant Sandra, les Chevaliers de Bronze quittent la tour. Le dernier, Kemri adresse un regard empli de tristesse et de résignation à son maître. Et bien que telle chose puisse sembler absurde, il ne peut s'empêcher d'être convaincu que Cassandra l'a remarqué.
Après le départ des enfants du destin, la prophétesse est montée au sommet de sa tour, donnant l'impression de regarder l'Arche disparaître à l'horizon. Hassadan s'approche d'elle, ne masquant pas un sentiment d'extrême curiosité qu'il avait réussi à masquer jusque là.

- Je sais bien ce qui attise ta curiosité, Hassadan. Tu te demandes quelle est donc cette mission qui peut encore me retenir ici, même après la disparition des Chevaliers Noirs…
- Oui, bien que je sois intervenu pour aller dans ton sens, j'avoue que je ne comprends pas. Mais je me plierai à ta volonté… Si tu ne souhaites pas me le dire…

Les bourrasques infernales sont les seules réponses apportées aux interrogations du Chevalier de Bronze. Mais dans l'esprit de Cassandra, une étrange vision se dessine : au sommet de la tour de l'Ile de la Mort, des plumes blanches fusent sur… le Chasseur !

Les sept étoiles de la Prophétie de Cassandra sont enfin rassemblées. Avec le retour du Chevalier de la Licorne, puis la révélation de ce qui s'est passé lors des événements qui ont suivi le retour de la Déesse Athéna sur terre, les nouveaux Chevaliers de l'espoir sont désormais prêts à livrer bataille contre leur ennemi : celui que certains nomment Bishop, un fou qui se déplace à son gré sur l'échiquier du destin ; celui que eux connaissent sous son titre de Chasseur, mais dont la véritable identité demeure toujours un mystère des plus obscurs. La mission des protecteurs d'Athéna est désormais claire : revivre le dernier voyage de Valkhan au travers de la lecture de ses cahiers, traces indélébiles de la mémoire d'un homme dont le sacrifice a peut-être bien changé la donne de la partie en train de se jouer.
Des destinées sont en marche. A présent, la Guerre Sainte commence. Dans chaque camp, les Chevaliers vont se lever. Certaines étoiles brilleront, d'autres s'éteindront, mais au final c'est au nom de leur idéal que tous se battront, idéal qu'un homme a défendu jusqu'au bout, idéal qu'un père a tracé pour ses enfants. Car c'est au nom du père que sept enfants vont aujourd'hui livrer leur première Guerre Sainte !


A Karo, véritable rayon de soleil d'un mois inoubliable…


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Cette fiction est copyright Laurent Habault.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.