Chapitre 5 : Plans de bataille


Quelques jours à peine s'étaient écoulés depuis le retour spectaculaire des chevaliers d'Or et Divins, et de nombreux changements étaient déjà visibles au Sanctuaire, qui avait en partie retrouvé son ancienne vitalité. Kanon avait proposé à Doko de lui donner le poste de Grand Pope, mais le vieux maître avait refusé avec un mystérieux sourire.

-"Bah, je suis bien trop vieux pour ça, maintenant..."

Kanon avait regardé d'un air dubitatif le corps de jeune homme de l'Ancien. Il ne devait pas avoir vingt ans.

-"Oh, je ne parle pas de vieillesse physique... Mais il faut savoir laisser la place aux jeunes... Tu es très bien à ton poste, mon ami. Tu l'as prouvé en accomplissant des miracles, ces derniers jours."

Kanon avait capitulé de bonne grâce. Et, à sa grande surprise, personne n'avait fait la moindre objection, pas plus Milo qu'Aioros ou aucun des autres chevaliers. Ils respectaient le jugement de Doko, mais plus encore ils respectaient l'homme que Kanon était devenu.

Le moral était partout meilleur, même les apprentis s'entraînaient avec plus de bonne volonté bien que la sévérité de leurs maîtres ne se soit pas relâchée. Bien entendu, la menace d'Arès planait toujours au dessus de leur tête, mais elle semblait éphémère sous les rayons du soleil. Une ère de joie, promise à une fin rapide mais d'autant plus belle s'était étendue sur le Sanctuaire.

Shun sentait la joie de vivre revenir en lui chaque jour davantage. Le jour où Hadès l'avait possédé, il avait renoncé à tout espoir d'une vie meilleure. Mais maintenant qu'il était vivant, il ne pouvait s'empêcher de remarquer, avec pourtant une certaine mélancolie, à quel point chaque bouffée d'air respirée était agréable. Après avoir vu la mort si souvent à ses cotés, il aimait la vie plus que quiconque. Et en lui-même, il regrettait que les hommes ne puissent ressentir une telle joie de vivre sans devoir d'abord supporter les pires atrocités...

June passait toutes ses journées avec lui, et il n'en fallait pas davantage au chevalier Andromède. Il ne savait pas s'il était amoureux d'elle, mais après tout quelle importance ? Si elle pouvait être heureuse avec lui, il n'avait pas le coeur de la repousser. En avait-il même envie ?

Il avait commencé à entraîner la jeune femme; il voulait qu'elle soit capable de se défendre en cas de besoin, même s'il savait qu'en quelques jours elle n'avait pas la moindre chance d'atteindre un niveau suffisant. Mais il serait là pour la protéger, au mieux de ses capacités.

Son seul regret était que son frère soit déjà reparti, comme à son habitude il avait disparu et personne ne savait où il était. Mais Shun ne s'inquiétait pas, son frère était de taille à se défendre et s'il avait besoin d'être seul pour être heureux, alors de quel droit le retiendrait-il ?

Les sentiments de Shaina étaient plus mitigés. Elle était heureuse que Seiya soit revenu, bien sûr. Mais quand elle le voyait auprès d'Athéna elle prenait douloureusement conscience du fait qu'elle n'avait pas sa place dans sa vie.

Pourtant, elle ne voulait pas briser par son ressentiment le bonheur de Seiya. Aussi passait-elle le plus clair de son temps avec ses disciples, noyant son chagrin dans un travail intensif. Elle n'espérait plus vivre un jour le parfait amour. Marine, heureusement, venait souvent la voir pour la soutenir et la réconforter ; mieux que personne, elle savait ce que Shaina endurait.

Les chevaliers d'Or n'étaient pas restés inactifs et s'entraînaient ferme, souvent avec Shun et Seiya car Hyoga et Shiryu étaient très vite partis, l'un en Sibérie et l'autre aux Cinq Pics, voir Shunrei. Les armures des chevaliers Divins étaient réellement époustouflantes. Elle brillaient comme le plus beau métal, semblaient aussi solide que le diamant le plus pur et presque animées d'une vie propre.

A la demande de Mu, ils avaient effectué des tests pour voir jusqu'où leurs capacités allaient, avant le départ de Shiryu et Hyoga. Aucun des chevaliers d'Or n'avait réussi à briser le bouclier du Dragon, pas même Shura avec Excalibur, à peine avait-il réussi à rayer la fameuse protection. Sans doute ne résisterait-il pas à une Athéna exclamation, mais personne sauf des dieux ne pourrait utiliser pareille attaque, à part bien sûr les chevaliers d'Or.

Seiya s'était battu contre Saga, qui avait été dominé, mais lorsque Kanon était venu a la rescousse Seiya avait été obligé de crier grâce ; armures Divines ou pas, les cinq Saints avaient quand même des limites. Les chevaliers d'Or eux-mêmes n'avaient rien à voir avec leur classe d'armure originelle. C'était comme si toute la chevalerie avait avancé d'un cran sur le chemin de la puissance. Avec un peu de chance, les prochaines générations de chevaliers vaudraient leurs aînés, et la chevalerie deviendrait imbattable.


Sicile, Etna, Forges d'Héphaïstos

Myrtilos, installé dans sa demeure, était occupé à forger. Comme tous les apprentis, il s'entraînait sans cesse pour créer toujours de plus beaux objets, de plus belles armures. Pas seulement pour être agréable à Héphaïstos, mais surtout parce qu'il aimait travailler la matière, changer un morceau de métal brut en un objet beau et raffiné...

Il était penché sur son établi depuis des heures, travaillant sur des détails infimes, que seuls ses sens surdéveloppés par le cosmos lui permettaient de percevoir. Mais seule la perfection était digne d'un Apprenti d'Héphaïstos.

Et puis, sa main se figea brusquement, ses doigts se contractèrent sur l'outil qu'il maniait, et il se concentra ; il percevait quelque chose. Une aura...
Ce n'était pas Kanon ; il l'aurait reconnu. Mais n'importe qui ne pouvait pas s'introduire dans les Forges ; si un guerrier quelconque était parvenu jusque la, il maîtrisait forcément le cosmos. Et qui plus est, essayait de se faire discret, car Myrtilos avait failli ne pas le repérer. Pourtant, il avait les sens les plus aiguisés de tous les Apprentis...

A moins que ce ne soit tout bonnement une simple perturbation du cosmos, ce qui arrivait parfois, auquel cas Myrtilos aurait l'air parfaitement idiot aux yeux de ses condisciples...

Le plus sage était d'aller voir sans retard. Après tout, mieux valait se tromper que de laisser des ennemis envahir les Forges Sacrées. En outre, le seigneur Héphaïstos forgeait depuis plusieurs jours un objet très particulier, et ne voulait être dérangé sous aucun prétexte, il l'avait bien précisé. Que ce soit la fin du monde ou le facteur, peu importait.

Utilisant ses techniques favorites de dissimulation, le jeune Apprenti se rendit rapidement sur les lieux, utilisant ses dons de télékinésie pour ce faire. Ce genre de capacités était bien pratique, il fallait l'avouer...
Il parvint ainsi à quelques mètres a peine de l'intrus, et put le détailler en toute tranquillité tandis que ce dernier avançait pas à pas, se dissimulant avec tout le soin possible.

C'était un jeune homme qui semblait a peine dix-neuf ou vingt ans, bien qu'il puisse aussi bien en avoir deux ou trois mille, pour ce qu'en savait Myrtilos. Ses cheveux, raides et courts, étaient noirs et ébouriffés, et retombaient en mèches sur son visage. Sa peau pâle contrastait avec ses vêtements sombres, et ses yeux d'un gris lumineux et intense restaient froncés, comme si la joie n'égayait jamais ce visage méfiant.

Il se mouvait avec la légèreté et la souplesse d'un félin, parfaitement silencieux. Mais son aura était trop puissante pour qu'il puisse la dissimuler entièrement, ce qui l'avait trahi.

"Il ne porte même pas d'armure", songea Myrtilos distraitement, tout en réfléchissant à ce qu'il convenait de faire. Hors de question de déranger Héphaïstos pour un simple espion - car c'était visiblement ce que le guerrier tentait de faire ; sinon, pourquoi se dissimuler avec autant de soins ?

Il n'y avait pas dix mille possibilités ; la seule chose à faire était de l'arrêter. Mais il était hors de question de le frapper dans le dos et en se dissimulant ; bien que Myrtilos ne soit pas du genre à laisser des concessions à ses ennemis, et qu'il fasse tout ce qui était en son pouvoir pour s'assurer la victoire, il avait quand même un certain code de l'honneur. Il lui déplaisait d'agir ainsi en sachant que de toutes façons le guerrier n'avait aucune chance.

En effet, le combat ne manquerait pas d'alerter les autres messagers, qui le cas échéant arrêteraient l'intrus. Si Myrtilos avait été seul, il n'aurait pas hésité à frapper l'inconnu dans le dos si nécessaire, pour s'assurer la victoire, mais puisque il n'y avait aucun danger à s'amuser un peu...

Aussi l'Apprenti s'avança-t-il vers le guerrier en cessant de se dissimuler, apparaissant en pleine lumière. Le guerrier le regarda d'un air à la fois sidéré et dégoûté, en se jetant en arrière par pur réflexe. Il se ramassa en une position de combat, prêt à se battre, n'ayant pas même l'air effrayé par l'arrivée impromptue de l'Apprenti.

Myrtilos le salua d'un air ironique et dit tranquillement :

-"Un visiteur... C'est plutôt rare, par ici... "
-"Je suis un touriste, je ne connais pas la région et je me suis perdu", mentit l'autre avec un aplomb stupéfiant.
-"Oui... Vous cherchiez sans doute les toilettes", ironisa Myrtilos.

L'inconnu soupira et laissa tomber sa mascarade, conscient que ça ne servait a rien. Il le savait depuis le début, d'ailleurs, mais par acquis de conscience il avait voulu essayer. Tant pis, il allait être obligé de recourir à la force. Cette solution manquait d'élégance, et surtout de discrétion, mais sans autre possibilité...

Déjà, Myrtilos reprenait la parole.

-"Je suis Myrtilos, Apprenti d'Héphaïstos."
-"Mon nom est Idris."

L'Apprenti haussa les sourcils. Idris, puisque tel était son nom, ne s'était déclamé d'aucun titre. Ce qui signifiait que soit il venait la pour son propre compte, soit il était aux ordres d'un dieu qui ne tenait pas a ce que quelqu'un apprenne qu'il espionnait. Voilà qui était intéressant...

-"Que fais-tu ici ?"

L'autre pinça les lèvres en un silence obstiné. Myrtilos haussa les sourcils, puis haussa les épaules avec affectation.

-"Bon, tant pis... Alors, prépare toi à perdre la vie."

Un mince sourire étira les lèvres de son vis-à-vis, qui cependant se contenta de répondre :

-"Je m'y attendais... Très bien, cela ne me pose aucun problème."
-"De mourir ?" fit Myrtilos en haussant un sourcil surpris.
-"De te combattre", rectifia l'autre.

L'Apprenti releva sa garde par réflexe juste à temps pour empêcher le pied d'Idris de lui fracasser la tête. Sa rapidité avait été telle qu'il l'avait à peine vu venir.

Myrtilos était assez surpris ; il s'était attendu à combattre un adversaire d'un niveau de vitesse de mach cinq ou six.... Et au lieu de cela, il se retrouvait face à quelqu'un qui aurait pu sans peine rivaliser avec des chevaliers d'Or. Etonnant, et surtout, dangereux... Il ferait mieux de lui régler son compte au plus vite, s'il ne voulait pas avoir des difficultés ; Myrtilos avait nombre de défauts, mais l'orgueil démesuré n'en faisait pas partie, et il n'avait jamais sous-estimé un adversaire.

Aussi porta-t-il immédiatement un coup fulgurant qui trouva sa cible en atteignant Idris en pleine poitrine, ce qui l'envoya au sol assez brutalement. Mais il se releva aussi sec, à peine blessé. Un peu de sang tachait le tissu de sa tunique mais c'était vraiment tout l'inconvénient que cela lui causait.

Aucun des deux protagonistes ne portait son armure. Myrtilos ne pouvait porter la sienne que sur l'ordre d'Héphaïstos, et l'autre apparemment avait jugé inutile d'emmener la sienne, si toutefois il en avait une. Ainsi, n'importe quel coup pouvait leur être fatal, malgré la relative protection que leur offrait leur cosmos. Ils étaient donc confrontés a un choix difficile : soit ils se basaient sur la technique pure, soit ils utilisaient leur cosmos. Et Myrtilos savait aussi bien qu'Idris que dans ce dernier cas le premier engagement serait déterminant, si ce n'était fatal à un d'entre eux, ou même peut-être aux deux.

Il avait toujours aimé les solutions expéditives.

Son aura vert pale s'éleva en volutes tout autour de lui, concurrençant le bleu sombre qui émanait de son adversaire. Leur puissance à tous deux était très grande, toutefois l'Apprenti se jugea supérieur à Idris. Il possédait la puissance et l'expérience d'un guerrier, alors que son adversaire avait été formé pour espionner.

-"Cutting..."
-"Lonely..."
-"...Pliers CLOSURE !"
-"...RING !"

Un double cri de douleur s'éleva, mais si l'un fut un hurlement incontrôlable, l'autre fut tout au plus un gémissement contenu. Myrtilos releva lentement la tête ; il se tenait à genoux, du sang jaillissant de son torse blessé, le regard trouble sous le choc. Face a lui, Idris se tenait droit, le surplombant de toute sa hauteur. Un râle s'échappa de ses lèvres, et un filet de sang coula à la commissure de ses lèvres. Puis ses genoux fléchirent et il s'écroula sur le sol, lentement. Se relevant, Myrtilos s'approcha de lui à pas lents, et lui souleva la tête.

L'espion était toujours vivant, bien que ses yeux soient déjà embrumés par la mort approchante, et qu'il baigne dans une mare de sang. Mais il ne tarderait pas à finir au royaume de l'Invisible, jugea Myrtilos.
L'Apprenti était humain ; il ne voulut pas voir l'agonie de celui qu'il venait de tuer. Tremblant légèrement à cause de sa blessure, il se détourna et se dirigea vers son Atelier.

Un cri le retint, et il se retourna. Il eut à peine le temps d'écarquiller les yeux de surprise en voyant le coup venir vers lui ; il fut atteint au torse. Projeté en arrière, il glissa encore sur quelques mètres, et ne bougea plus, inconscient.

Idris aurait pu l'achever facilement, mais il était mort à la seconde ou il avait lancé son attaque. Il ne restait sur le champ de bataille qu'un mort et un blessé...

-"MYRTILOS !! MYRTI..."


Sanctuaire, Salle du Grand Pope. A peu près au même moment.

Kanon et Athéna traitaient, comme tous les matins, les affaires du Sanctuaire. Le Grand Pope n'était pas resté inactif, et se révélait même largement aussi bon administrateur et dirigeant que le légendaire Sion du Bélier. A part elle, Athéna pensait qu'il travaillait trop, mais ils vivaient une situation d'urgence, et en outre elle voyait bien que Kanon avait besoin de se démener pour avoir l'impression d'être digne de son poste.

Il avait déjà commencé à faire rechercher, notamment avec l'aide de la Fondation Graad, des élèves assez doués pour commencer à être formés par des chevaliers d'Or. Il avait déjà reçu quelques rapports prometteurs, bien qu'aucun candidat n'ait encore été envoyé au Sanctuaire. Kanon avait parfois envie d'aller secouer un peu ses émissaires, mais il réfrénait son impatience, conscient que la tâche qu'il leur avait allouée était de toute manière longue et difficile. Et de toute façon, ce n'étaient pas deux apprentis en plus qui allaient changer l'issue de la guerre.

Mais leurs effectifs étaient quand même déraisonnablement faibles. Il avait demandé a Shaina de booster l'entraînement (ce que jusqu'à présent personne n'aurait cru possible), lequel était pourtant déjà encore plus intense qu'en temps ordinaire

Il s'était aussi assuré que tous les chevaliers du Sanctuaire s'entraînaient jusqu'a l'épuisement, en particulier les plus faibles d'entre eux, à savoir Jabu et ses compagnons, qui se plaignaient tout haut de la tyrannie du nouveau Grand Pope, et se félicitaient tout bas de cet entraînement dynamique et efficace.

Et tout cela en sus de ses autres obligations ; car Kanon avait dû également se charger de tâches triviales et ennuyeuses mais nécessaires, même en période de crise. Réorganiser le ravitaillement, les tours de garde... Les réparations des Temples pouvaient attendre, heureusement, mais Kanon pensait parfois que s'il survivait à cette Guerre Sainte, il succomberait sans le moindre doute à la masse de travail bureaucratique prête à l'engloutir.

-"Voila", dit le Grand Pope en tendant un planning à la déesse. "Malgré nos effectifs réduits, la garde est doublée. Le nouveau capitaine, Alrai, est un modèle d'efficacité consciencieuse, et j'ai... convaincu Jabu et ses amis de donner un coup de main aux gardes."

Athéna ne put retenir un sourire en songeant aux méthodes probablement utilisées par Kanon pour "convaincre" Jabu, mais malgré tout son visage restait pâle et inquiet. Depuis quelques jours, avait remarqué le chevalier des Gémeaux, elle semblait particulièrement anxieuse. L'air de rien, il dit négligemment :

-"Au fait, je n'ai pas vu Kiki depuis un moment..."
-"Ah, oui, c'est vrai. J'ai oublié de t'en parler", répondit la déesse d'un air coupable.

En fait elle n'avait pas eu l'intention de lui dire quoi que ce soit, trouvant qu'il avait déjà bien assez à faire. Elle comptait tout lui dire seulement si ses craintes s'avéraient vraies. Mais visiblement, il avait un oeil partout.

-"Il... euh... je l'ai envoyé vérifier...un détail..." dit-elle, se sentant terriblement gênée.

Kanon eut un léger haussement d'épaules, et regarda résolument dans une autre direction.

-"Si vous considérez que l'éveil de quatre dieux mineurs est un détail."

Athéna lui jeta un regard sidéré.

-"Comment le sais-tu ? Je ne suis même pas sûr de ce que j'ai perçu, malgré mes sens divins !"
-"J'ai parlé à Kiki avant son départ", expliqua le Grand Pope.

Un silence gêné régna entre eux pendant un moment. Kanon hésita longuement, ayant du mal à exprimer ce qu'il voulait dire. Mais il était important de poser la question.

-"Athéna. Est-ce que vous ne me faites plus confiance ? Quand j'ai proposé à Doko de devenir Grand Pope, il a refusé, mais certainement Aioros pourrait..."

-"Non !" s'exclama-t-elle, comprenant seulement à ce moment que Kanon avait mal interprété ses actes. "Il n'est personne en qui j'ai plus confiance que toi, Kanon. Seulement, je te voyais travailler tellement dur... je ne voulais pas t'inquiéter avec de vagues impressions. J'ai préféré d'abord envoyer Kiki vérifier si j'avais raison ou non. Mais je comprends maintenant que j'aurais mieux fait de t'en parler. Je suis désolée."

Kanon ne répondit pas immédiatement, mais elle le vit se détendre sensiblement.

-"Je comprends", dit-il enfin, "et je vous remercie de votre sollicitude. Vous avez bien fait d'envoyer Kiki, d'ailleurs. Je pense qu'il fera honneur à ses maîtres quand il sera un chevalier."

A part elle, Athéna ne put s'empêcher d'ajouter tristement :"S'il survit jusqu'a ce moment la..."

Mais c'était aussi pour cela qu'ils se battaient. Pour que des enfants comme Kiki puisse voir le soleil se lever un jour de plus, grandir, devenir adultes, vivre heureux et insouciants. Que Kiki soit resté aussi malicieux et rieur malgré tout ce qu'il avait traversé tenait du miracle, mais sa présence mettait indubitablement de la gaieté au Sanctuaire.

Kanon se redressa brusquement, et sourit. Athéna sentit alors ce qui lui avait échappé jusque alors à cause de sa distraction ; Kiki venait de rentrer.

Il pénétra dans la grande salle un moment plus tard, encore essoufflé d'avoir grimpé à toute vitesse les escaliers.

-"Bonjour !" dit-il avec entrain.

Mais son sourire était forcé, et sa gaieté factice. Visiblement, il n'amenait pas de bonnes nouvelles.

-"Les sceaux ?" demanda immédiatement Athéna.

Il secoua la tête, le regard sombre.

-"Brisés. Les urnes sont vides. Je les ai ramenées, comme vous me l'avez demandé, et je les ai laissées chez Mü."

Le chevalier du Bélier était redevenu le maître officiel de Kiki ; Kanon n'avait pas le temps de s'en charger sérieusement. Il s'occupait néanmoins volontiers de l'apprenti à ses moments perdus ; quand Athéna le chassait de la grande Salle en lui ordonnant d'aller prendre l'air, par exemple.
Un silence consterné tomba sur la grande Salle. Bien sûr, ce n'était pas tout à fait une nouvelle inattendue, mais on ne pouvait pas dire que les choses s'amélioraient.

-"Si je comprend bien", dit enfin Kanon, "Arès est assisté de ses quatre généraux ?"
-"Oui", confirma Athéna. "C'est une catastrophe".
-"Est-ce si grave que ça ?" demanda Kiki. "D'accord, ce sont quatre dieux, mais ils sont loin d'être aussi puissants qu'Arès, même si on les prend tous en même temps."
-"Non", grogna Kanon, "mais ils sont beaucoup plus intelligents que lui. Il n'est qu'une brute sanguinaire, incapable de mettre au point la moindre stratégie. Et Arès le sait ; il écoutera ses généraux."
-"Oh..." murmura Kiki.

Il n'y avait rien d'autre à dire.


Quartier Général d'Arès

Le filet écarlate coulait à un débit régulier sur l'armure étincelante, renforçant la protection en profondeur. Chaque goutte de sang contribuait à rendre le métal plus résistant et à augmenter sa puissance brute. Il s'agissait, dans le cas présent, de l'armure de Krion de la Hache, Commandant de la Troisième Phalange de l'Armée de la Terreur. C'était aussi la dernière armure devant recevoir le Sang Divin d'Arès.

Le dieu de la guerre murmura quelque chose d'indistinct, puis, sans prévenir, s'écroula. Il serait tombé, si l'un de ses généraux n'avait pas eu le réflexe de le retenir. Malgré la légendaire résistance physique d'Arès, la quantité de sang qu'il avait versée l'avait étourdi. Même avec, dans une certaine mesure, l'assistance de ses généraux qui avaient également donné leur fluide vital aux armures de leurs hommes, cela faisait quand même des dizaines d'armures à traiter. Et bien qu'il ne faille que très peu de sang par armure, le total faisait quand même des litres.

Deimos et Phobos aidèrent leur dieu à s'asseoir avec sollicitude. Tout comme Arès, ils étaient affaiblis, mais ils se remettraient en quelques jours. Ils étaient quand même des dieux. Évidement, cela retarderait leur attaque d'une semaine peut-être (le temps pour eux d'être au meilleur de leur forme, et le temps pour leurs hommes de s'accoutumer a leur nouvelle puissance.)

Le dieu de la Guerre se carra dans son trône, et regarda la dernière armure avec soulagement. S'occuper de toute son armée avait été une sacrée corvée, et il n'était pas fâché d'en être débarrassé. Et surtout, il voulait des combats, du meurtre, du sang... de l'action !

-"Conseil de Guerre !" ordonna-t-il.

Les wardogs, guerriers de base de son armée, et serviteurs efficace a l'occasion, emmenèrent l'armure encore dégoulinante de sang frais de Krion et s'en allèrent avec discrétion pour laisser les Généraux seuls avec leur maître.

-"Bien !" dit Arès. "Nous avons maintenant une armée surpuissante, même si nous avons bien dû transgresser une ou deux règles divines au passage..."
-"Athéna en a fait autant", remarqua Deimos. "Zeus n'osera rien dire, tout simplement parce que cela reviendrait à condamner en même temps sa fille adorée. S'il a un point faible, c'est bien elle."

Arès ne dit mot tandis qu'il digérait ces informations. Il n'avait pas fait le lien, mais il devait reconnaître que Deimos était le plus intelligent de ses généraux.

-"Maintenant, nous devons décider de quelle manière nous allons attaquer. Le plus simple serait une attaque directe contre le Sanctuaire. Nous avons l'avantage du nombre, celui de la puissance brute..."

Un silence peu encourageant suivit ces paroles, et la plupart des généraux arborèrent un air peu enthousiasme.

-"Nous nous battrions sur leur terrain", avança Enyo.
-"Et ce terrain est peu propice à une attaque de front", fit valoir Phobos. "Nous serions contraints de suivre le chemin des Douze Temples."

Arès eut une moue peu convaincue. Visiblement, il n'avait aucune envie de perdre du temps à mettre en oeuvre un piège subtil et compliqué. Finalement, il prit à partie Eris.

-"Et toi, Discorde ? Qu'en penses-tu ?"
-"Eh bien..." dit-elle sans se mouiller. "Enyo et Phobos n'ont pas tort."

Fronçant les sourcils d'agacement, le regard pourpre du dieu de la Guerre se braqua sur son quatrième et dernier général.

-"Ton avis, Deimos !" dit-il séchement.

Le général de l'armée du Malheur leva les yeux presque distraitement, et laissa tomber dans un murmure parfaitement audible :

-"La dernière fois que nous avons lancé une attaque directe contre Athéna, nous nous sommes fait laminer et nous avons été contraints d'aller nous réfugier chez Hadès."

Les trois autres généraux se crispèrent, et la tension monta d'un coup. Tous eurent l'impression que la température avait baissé de quelques degrés. Bien que Deimos ait, non sans raison, évité avec tact de faire remarquer que c'était Arès qui avait insisté, contre l'avis de ses quatre conseillers, pour lancer son attaque directe, cette pensée leur était venue à tous.
Arès se leva, renversant violemment sa chaise, et il commença à faire les cent pas avec une rage presque palpable.

-"Très bien", dit-il enfin, sèchement. "Alors exposez-moi vos idées. Vous en mourez d'envie."

Comprenant que la colère de leur maître s'était un peu calmée, ou du moins restait sous contrôle, les généraux se détendirent un peu. Enyo prit la parole en premier.

-"Nous pourrions essayer d'attirer Athéna hors du Sanctuaire, en prenant des otages par exemple."
-"Non", objecta Deimos, "Jamais Athéna ne risquerait la survie de toute l'humanité pour quelques otages. Or, elle sait que hors du Sanctuaire elle perd un immense avantage. Et elle sait également que si elle perd la guerre les hommes sont perdus. Donc elle ne prendra pas le risque d'aller sauver des otages."

Deimos adorait démonter les plans des autres généraux par quelques remarques bien placées, ce qui les agaçait prodigieusement, mais amusait tout aussi prodigieusement Arès.

-"Nous pourrions essayer de semer la discorde parmi les chevaliers", suggéra Eris. "Ronger leur force de l'intérieur par des querelles stériles. Cette méthode a fait ses preuves par le passé, et..."
-"Ridicule !" interrompit Deimos. "S'il y a bien une chose pour laquelle les Saints d'Athéna sont réputés, c'est pour l'union fraternelle qui les a toujours lié."

Eris lui jeta un regard assassin mais ne trouva rien à répondre.

Phobos se décida à faire une proposition, et tous les regards se tournèrent vers lui.

-"Nous sommes d'accord pour dire qu'il est exclu de s'attaquer à Athéna sur le sol de son propre Sanctuaire. Le tout est de trouver un moyen de l'attirer à l'extérieur. L'idée des otages n'est pas mauvaise ; le tout est de trouver l'otage adéquat."

L'idée eut l'air d'intéresser Eris et Enyo, mais Arès avait l'air de s'ennuyer ferme et Deimos ne semblait pas du tout convaincu.

-"Les chevaliers ne sortent guère du Sanctuaire.", dit Deimos. "Et si nous voulons capturer un chevalier d'Or vivant, cela posera beaucoup plus de problèmes que de le tuer. Et le combat alertera les autres chevaliers qui viendront à la rescousse. Et même, je ne suis pas sûr qu'il existe un être sur cette terre qui soit assez important au coeur d'Athéna pour l'amener à risquer la survie de l'humanité. Oh, elle pleurera, tempêtera, menacera, mais elle ne prendra pas de risques. Notre but n'est pas de la rendre folle furieuse, car c'est alors qu'elle deviendrait beaucoup plus dangereuse."

Phobos poussa un soupir agacé. Quelques autres propositions fusèrent des généraux, sauf de Deimos qui avait fini par se désintéresser du débat. A la fin, excédé, Phobos l'apostropha.

-"Eh bien, Deimos, il est facile de nous dire que nos plans ne valent rien, mais je ne t'ai pas entendu proposer une seule tactique valable."
-"J'attendais", répondit Deimos sans se démonter.
-"Tu attendais quoi, si je puis me permettre ?"
-"Que vous soyez prêts a écouter ma stratégie."

Arès se redressa sur son trône, et s'exclama, menaçant :

-"Tu attendais de parler depuis le début ! La prochaine fois, je te ferais empaler pour t'apprendre à me faire attendre aussi longtemps."

Il ajouta d'un ton doucereux, et avec un calme trompeur :

-"Mais il n'y aura pas de prochaine fois, n'est-ce pas ?"

Deimos inclina la tête en un geste d'excuse.

-"Je vous demande humblement de m'excuser, Majesté. Mais à vrai dire, avant de proposer mon plan je voulais entendre les idées de mes camarades, qui m'ont aidé à le perfectionner."

Arès fit impérieusement signe à son général de parler. Les autres généraux étaient suspendus à ses lèvres. Un demi-sourire passa rapidement sur les lèvres du dieu de la Crainte, et il commença à exposer sa stratégie.

-"Tout d'abord, nous allons déclencher des attaques un peu partout, sur terre, contre les humains. Nous avons l'avantage du nombre, les chevaliers seront débordés. Notre cible sera..."


Grèce, Sanctuaire d'Athéna, Arènes

Ce jour-là, il régnait une atmosphère tout a fait exceptionnelle au Sanctuaire. Etant donné l'état d'urgence, le Grand Pope, en accord avec Athéna avait ordonné que tous les apprentis d'un niveau à peu prés suffisant tentent de gagner une armure. Ces combats entreraient sans doute dans les archives du Sanctuaire comme ceux où se battraient presque autant de participants qu'il y avait d'armures à gagner.

Nul ne savait (parmi ceux qui étaient au courant de l'éveil d'Arès) pourquoi il n'était pas encore passé à l'attaque. L'hypothèse communément admise était qu'il mettait au point sa stratégie, ce qui en soit était déjà assez inquiétant. Quoi qu'il en fût, Kanon ne comptait pas gaspiller ce sursis.
Et c'était ainsi que tous les centres d'entraînement du Sanctuaire de par le monde avaient été mis à contribution. La plupart étaient gérés par de vieux chevaliers, ayant laissé leur armure à leurs disciples, mais continuant de par leur oeuvre à contribuer à la survie de l'humanité. Leur tâche, si elle était ingrate et les laissait dans l'ombre, n'en était pas moins utile et bénéfique, et en ces temps troublés plus que jamais.

Deux chevaliers ayant récemment gagné leur armure s'étaient également rendus au Sanctuaire pour prêter serment et renforcer les rangs de leurs aînés ; Sequana de Cassiopée, ancienne élève du regretté Albior, que Shun avait vaguement connue sur l'île d'Andromède, et Silas du Lynx, chevalier mystérieux dont personne ne savait rien mais qui portait sans le moindre doute possible l'authentique armure de Bronze. A tout hasard, Kanon avait ordonné une enquête sur lui ; il n'aimait pas les imprévus.

La coutume voulait que le Grand Pope et les chevaliers d'Or assistent aux combats, mais il était hors de question de laisser les douze Temples sans surveillance. Kanon assisterait aux épreuves, mais les chevaliers d'Or resteraient dans leur Temple, qu'ils ne quittaient presque plus sauf pour aller voir leurs pairs ou pour aller s'entraîner. Les consignes de Kanon étaient très strictes ; il ne devait jamais y avoir moins de six chevaliers d'Or présents dans leurs Temples. Quand à Athéna, elle restait dans son palais.

Le Grand Pope s'installa à la place d'honneur (décidément le poste de chef suprême des chevaliers n'avait pas que des désavantages.) Tous les regards étaient braqués sur lui, bien sûr, mais les gradins étaient à moitié vides. Marine et Shaina s'étaient trouvées une place confortable, à l'ombre. Les quelques gardes dont c'était l'heure de repos s'étaient déplacés également, et Seiya et Shun étaient là. Il y avait aussi deux anciens chevaliers devenus enseignants que Kanon ne connaissait que de vue, et il remarqua aussi Sequana et Silas. Le reste des places étaient occupées par quelques dizaines d'enfants d'âges divers, attendant leur tour de se battre.

Kanon donna le signal du début des combats et, soupirant, se prépara à un très long après-midi. Pour la circonstance, il avait enfilé la tenue officielle inhérente à sa fonction, laquelle était trop chaude et particulièrement inconfortable. Il s'était également équipé ("affublé" aurait été plus juste, songeait le Grand Pope) du masque complétant l'ensemble, et il commençait à éprouver beaucoup d'admiration pour les femmes chevaliers, qui devaient supporter ça en permanence. Le masque était lourd, et ne lui allait pas très bien. D'ordinaire, Kanon portait son armure, ou à défaut une tunique et un pantalon, aussi confortables que pratiques. Mais Athéna avait insisté pour que lors des cérémonies officielles importantes, il agisse selon son rang. Il était important que les nouveaux chevaliers respectent leur Grand Pope jusqu'à la dévotion, et pour cela il fallait que son apparence joue en sa faveur. Soupirant, le chevalier des Gémeaux avait cédé, s'efforçant d'ignorer le ricanement pas vraiment discret de Saga.

Les chevaliers d'Or et Divins lui témoignaient du respect ; probablement pas autant qu'ils en avaient éprouvé pour Sion, mais plus que Kanon n'en espérait.

A l'issue de la journée, deux nouveaux Saints avaient été nommés, ce qui était beaucoup moins que ne l'escomptait Kanon. De plus, les combats avaient été d'une rare violence, et trois candidats étaient morts. Cinq autres étaient blessés si gravement qu'on craignait qu'ils ne soient handicapés a vie. Il y aurait d'autres combats le lendemains, mais Kanon avait décidé d'user de son autorité pour la déléguer, et d'envoyer un quelconque autre chevalier jouer les potiches. Lui n'avait pas le temps. Athéna comprendrait. Cette journée avait été un vrai cauchemar ; il avait dû faire semblant de s'intéresser à des combats ridicules, opposant des gamins a peine éveillés au cosmos. Le chevalier des gémeaux commençait a se demander s'il avait bien fait de les faire venir ; ce n'était pas quelques chevaliers de bronze à peine sacrés qui allaient faire pencher la balance...

Mais l'exemple de Seiya lui avait montré que la matière de l'armure n'importait pas tant que ça. Savait-on jamais ce qui pouvait se passer ! Peut-être ces nouveaux chevaliers se révéleraient-ils d'une importance capitale pendant la guerre... De toute manière, Kanon n'avait pas le choix et il ne le savait que trop bien. Ils étaient si peu nombreux...

Il remonta rapidement jusqu'au palais, saluant au passage les Saints d'Or. Une fois arrivé, il se rendit dans la salle des archives, où il passait un temps fou ces jours derniers. Il avait passé d'innombrables heures à rechercher tout ce qu'il pouvait trouver sur les armées d'Arès, et il avait aussi interrogé Athéna. Le bilan était plutôt effrayant : les troupes d'Arès se montaient probablement à plus d'une centaine d'effectifs. Heureusement, une grande part semblaient être des soldats mineurs, qui ne poseraient pas trop de problèmes - a condition bien sûr qu'ils n'attaquent pas à dix à la fois. Mais il fallait aussi compter avec les quatre divinités mineures servant Arès, et il y aurait sans doute des troupes d'élites qui, elles, poseraient problème. Kanon aurait aimé avoir plus d'éléments - chaque bribe d'information était une chance de plus de leur côté - et c'était pour cela que, sans se décourager, il continuait à chercher. Il avait aussi soumis Doko à un interrogatoire serré, malheureusement il n'avait guère obtenu de résultat probant.

Il s'était beaucoup intéréssé à Deimos, Phobos, Eris et Enyo, puisque selon toute vraisemblance ce seraient eux qui mettraient au point la stratégie globale d'Arès. L'idéal aurait été un compte-rendu psychologique de chacun d'entre eux. Mais n'en ayant pas sous la main, Kanon avait dû se contenter de s'enterrer sous des montagnes d'archives, dont les plus anciennes étaient à moitié pourries. Il faudrait qu'il les fasse recopier, sans quoi elles seraient définitivement illisibles d'ici un siècle ou deux. Ou mieux encore, entrer toutes les archives sur un support informatique. Ainsi, il suffirait d'entrer un mot-clé, et... cela ferait gagner un temps fou. Dommage que Saga n'y ait pas pensé a l'époque ou il était Grand Pope.

-"Kanon ?"

La voix d'Athéna brisa la ligne de ses pensées. Le Grand Pope releva la tête, les yeux irrités à cause de la poussière.

-"Athéna ? Je suis là."

Il reposa le parchemin qu'il lisait et s'avança vers la déesse. Le ton de sa voix lui faisait présager le pire, et son anxiété augmenta encore lorsqu'il vit qu'elle avait le menton qui tremblait et des larmes dans les yeux. Il posa une main réconfortante sur son épaule et l'interrogea avec douceur.

-"Allons, que se passe-t-il ?"
-"J'ai reçu des nouvelles... Tu sais que je me tiens au courant de ce qui se passe dans le monde, via la Fondation... Oh, c'est terrible..."

Kanon entraîna Athéna à sa suite hors de la salle des archives et la fit asseoir d'autorité sur le trône de la Grande Salle. Ayant repris son calme, elle inspira profondément et s'expliqua.

-"J'ai reçu des nouvelles indiquant que plusieurs dizaines de villes ont été mises a sac par des criminels. Des prisons ont été attaquées, et les délinquants libérés, même les pires rebuts de l'humanité. Je suis sûre qu'Arès est derrière tout ça. J'ignore ses intentions, mais nous devons faire quelque chose !"

L'air sombre, Kanon réfléchit rapidement. Tout cela n'avait aucun sens ! Que voulait Arès, exactement ?

-"Nous ne pouvons pas intervenir dans les affaires humaines", rappela-t-il inutilement à Athéna. "C'est à la police de rattraper tous ces criminels, pas à nous."
-"Il ne s'agit plus d'affaires humaines, mais bien de conflits divins", protesta Athéna.
-"Non", répliqua Kanon. "Des criminels humains commettent des crimes. Ce n'est pas de notre ressort."

Athéna fut obligée de se rendre compte du bien-fondé de ce qu'il avançait. Et elle commençait aussi à comprendre, Arès s'était débrouillé pour commencer son offensive sans qu'elle puisse faire quoi que ce soit. Bien sûr, il s'agissait là d'une attaque mineure, mais elle était propre à saper le moral de la déesse et de ses Saints. Kanon semblait abattu, il n'aimait pas le tour que prenaient les choses. Quoi que prépare le dieu de la guerre, il devinait que cela ne lui plairait pas du tout.

-"Je pense qu'il est temps de rappeler les chevaliers Divins au Sanctuaire."

Athéna hésita ; plusieurs sentiments contradictoires s'agitaient en elle, que Kanon n'eut guère de mal à déchiffrer. D'un côté, elle avait envie de revoir Shiryu et Hyoga ; mais d'un autre côté, elle aurait aimé leur accorder plus de temps. Ils le méritaient ; ils avaient traversé des épreuves auxquelles nul chevalier n'avait jamais dû faire face par le passé. Mais elle savait depuis longtemps qu'un jour ou l'autre, elle devrait bien s'y résoudre ; et maintenant, les choses se précipitaient.

-"Oui, tu as raison" se décida-t-elle à dire, à contrecoeur. "Je vais envoyer des messagers en Sibérie et à Rozan."

Kanon acquiesça. Il était inutile de chercher Ikki, celui-ci viendrait à son heure et pas avant. Et d'ailleurs, encore eut-il fallu savoir où le chercher ; comme d'habitude, le Phénix demeurait introuvable. A croire qu'il aimait se faire désirer. Ikki était sans nul doute un excellent combattant, et il était loyal à Athéna et à ses frères, mais comme chevalier modèle on avait vu mieux. Néanmoins, Kanon respectait le chevalier du Phénix, le seul à l'avoir jamais vaincu en combat réel, et il savait faire des concessions quand c'était nécessaire. Il ne doutait pas que le cinquième chevalier Divin serait là lorsque l'on aurait besoin de lui.

-"Que pouvons-nous faire ?" murmura Athéna, la voix empreinte de désespoir.
-"Rien, si ce n'est attendre", soupira Kanon. "Et nous préparer d'autant plus intensivement."
-"Nous préparer ? Tu as déjà préparé tout ce qu'il était possible de préparer, humainement et divinement parlant..."

Découragée et abattue, Athéna se leva et commença à faire les cent pas. L'attaque d'Arès était imparable.

A part lui, Kanon était à la fois inquiet et soulagé. Visiblement, Arès ne comptait pas s'attaquer directement au Sanctuaire - pas encore, du moins. D'un autre côté, cet afflux de crimes parmi les humains était autrement inquiétant. Quelle serait la prochaine étape de la stratégie d'Arès ? Impossible de le deviner.

-"Demain, je demanderais à Aiolia d'aller assister aux combats dans l'arène" annonça Kanon. "Il est plus qualifié que moi pour ça, et j'aurai du travail à ne savoir qu'en faire."

Athéna acquiesça distraitement, visiblement elle avait l'esprit ailleurs. De là ou il était, le Grand Pope distinguait les cernes sous ses yeux. Elle se faisait trop de soucis.

-"Vous devriez aller dormir un peu", suggéra-t-il à Athéna. "Il est plus de minuit. Vous aurez besoin de toutes vos forces ; les temps à venir s'annoncent sombres."
-"Oui", acquiesça la jeune femme, "je vais y aller. "

Athéna quitta la pièce pour son lit, bien qu'elle sache qu'elle ne dormirait sans doute pas très bien. Trop de pensées sinistres s'agitaient encore en elle, trop de craintes inexprimées et de sombres pressentiments. Arès serait bien content, si il le savait...

Kanon retourna à ses parchemins, sans réussir à se concentrer autant qu'il l'aurait voulu. De la main gauche, il tenait le document, tandis que de la main droite il consignait sur un brouillon toutes les informations concernant Arès qui arrivaient a sa portée.

Il finit par s'endormir, la tête posée sur la table.


Deux semaines plus tard, Quartier Général d'Arès

-"Bien !" dit Arès en frappant la table du poing. "Nous allons passer à la phase deux !"

Lui et ses généraux se tenaient autour d'une grande mappemonde en couleur. Plusieurs petits drapeaux étaient plantés à divers endroit, et d'autres, éparpillés sur la table, attendaient d'être placés.

-"Je vais envoyer mes wardogs sur Paris", annonça Enyo.
-"Eh !" protesta Eris. "J'avais dis que je me réservais Paris !"
-"Tu n'as qu'à t'occuper de Londres, c'est juste à côté. Je prends Paris et puis c'est tout !"
-"Et de quelle autorité ?"

Arès souriait, il adorait voir ses généraux se disputer. Mais l'heure n'était pas à ça, et il avait hâte de voir lancée la suite du plan, aussi ne rajouta-t-il pas d'huile sur le feu comme il aimait à le faire.

-"Suffit !" rugit-il.

Ses généraux se figèrent, même Deimos et Phobos qui n'avaient pourtant rien à se reprocher.

-"Mettez-vous d'accord ! Et si vous n'en êtes pas capables, c'est moi qui le ferais ! De manière douloureuse, suis-je bien clair ?"

Eris et Enyo baissèrent la tête en murmurant des paroles d'excuses, et la suite du Conseil de Guerre se déroula dans une atmosphère sensiblement plus fraîche. Eris renonça à Paris, mais obtint en contrepartie Londres et New York. Phobos n'était pas difficile quand au choix des villes que ses troupes attaqueraient, et Deimos s'en fichait complètement, aussi tout fut réglé à l'amiable sans qu'Eris n'essaye d'étrangler Enyo et vice versa plus d'une douzaine de fois. Au bout d'une heure de disputes pour les deux déesses, et d'un profond ennui pour Deimos et Phobos, tout fut décidé.

-"Bon", dit Arès, "vous savez ce qui vous reste à faire. Et arrangez-vous pour que ce timing soit bon ! Je ne veux pas voir mon plan rater par votre faute !"

Il s'était approprié sans vergogne l'idée de Deimos, quitte à se souvenir que c'était la sienne si jamais le plan échouait - comme à son habitude.

-"Allez préparer vos troupes".


Sanctuaire d'Athéna, chambre de la déesse, deux jours plus tard

"...ces attaques simultanées sur tout le globe ont été destructrices ; des centrales nucléaire ont sauté, des raffineries ont été incendiées, les barrages hydro-électriques ravagés. Aucun groupe terroriste n'a encore revendiqué cette attaque. Des villes entières ont été ravagées, livrées aux flammes et à la terreur. En plus de cela, une quantité de catastrophes naturelles sans précédent se sont abattues sur des cités déjà profondément atteintes; des séismes de force sept sur l'échelle de richter ont été constatés à Tokyo, à Londres, à..."

Athéna éteignit la télévision, incapable d'en supporter davantage, et elle regarda Kanon, assis à côté d'elle. Il vit des larmes couler sans retenue sur son visage, mais elle ne semblait plus désemparée ni abattue. Ce qu'il lisait dans ses yeux, c'était une intense colère et une haine pure pour celui capable de telles atrocités. Le souvenir inconfortable des raz-de-marée qu'il avait indirectement provoqués revint à la mémoire de Kanon, et il fut heureux que ce regard ne lui fût pas adressé.

-"Il ne s'agit plus d'affaires humaines, mais d'une provocation délibérée ! Arès va trouver à qui parler. Fais réunir les chevaliers d'Or immédiatement."
-"A vos ordres".

Athéna redevenait la déesse souveraine du Sanctuaire. Elle se montrait sous son jour véritable, forte et déterminée, et très en colère.

Kanon envoya chercher les chevaliers d'Or, et tant qu'il y était il convia les chevaliers Divins - ils seraient venus de toute façon.

Quelques minutes plus tard, les chevaliers d'Or et Divins, le Grand pope et Athéna se retrouvèrent dans la salle de réunion, laquelle, n'ayant pas été prévue pour autant de monde, semblait bondée. Ayant hâte de voir leur attente toucher à sa fin, les chevaliers d'Or s'étaient dépêchés.

Seiya regardait avec une curiosité non dissimulée cette pièce, dans laquelle il pénétrait pour la première fois, et Hyoga semblait raconter une plaisanterie à Shiryu, mais peine perdue ; le sage chevalier du Dragon demeurait impassible. Quand à Shun, il souriait rêveusement, songeant à Athéna seule savait quoi. Kanon leva une main, et aussitôt l'attention de tous fut focalisée sur lui. Leurs tons badins, leurs plaisanteries n'étaient que des façades ; en réalité, tous attendaient avec appréhension le moment de vérité.

-"Je vais vous résumer la situation", annonça Kanon, "bien que la plupart des faits vous soient sans doute déjà connus."

Il laissa passer un temps avant de reprendre :

-"Vous savez déjà qu'Arès a été libéré et s'est réincarné. Mais, qui plus est, il a également libéré ses quatre généraux : Deimos, Phobos, Eris et Enyo. Il s'agit de quatre dieux mineurs, tous experts en stratégie et très intelligents. Il ne faut donc pas les sous-estimer."

Des murmures résonnèrent ; quelques chevaliers d'Or, Mü en particulier, savaient que les quatre généraux s'étaient réincarnés ; mais d'autres l'ignoraient encore, et leurs mines consternées disaient assez que cette nouvelle ne les enchantait guère. Mais le silence retomba dès que Kanon reprit la parole.

-"Arès vient de commencer son offensive. Dans plusieurs dizaines de villes, des vagues de crimes ont eu lieu ; en apparence cela concernait les humains, mais il était évident qu'Arès avait quelque chose à voir avec ça. Il a lancé son attaque, ou du moins la première partie de son attaque, hier matin. Des berserkers ont commencé à s'attaquer des villes. Plus que cela, ils les ont saccagées, ravagées, détruites. Visiblement, plutôt que de tenter une attaque contre le Sanctuaire, Arès a décidé de s'en prendre directement aux humains, ce qui nous place dans une très mauvaise situation."
-"Il est clair que nous devons intervenir", interrompit Athéna. "Nous devons envoyer des chevaliers protéger ces villes. Mais nous ne pouvons pas non plus laisser le Sanctuaire sans défense ; c'est exactement ce que veut Arès. Nous ne pouvons envoyer davantage que la moitié de nos effectifs sans placer le Sanctuaire dans une situation critique."

Saga se leva, et demanda d'un regard la parole à Kanon, qui la lui accorda d'un geste.

-"Si je comprend bien, vous comptez donc envoyer six chevaliers d'Or, un chevalier d'argent, deux chevaliers divins, et..."

Il se débattit un instant avec ses calculs. De nouveaux chevaliers de Bronze avaient été nommés, ce qui compliquait encore les choses. Il y avait les cinq chevaliers des tournois galactiques, Jabu et compagnie, plus June du Caméléon, plus les deux nouveaux, Sequana et Silas, plus trois apprentis qui avaient gagné leur armure durant les combats organisés par Kanon ces derniers jours, les chevaliers Arianell du Lièvre, Damon du Renard et Borée de la Couronne Australe.

-"...et cinq chevaliers de bronze et demi pour protéger ces villes. Qui comptez-vous envoyer ?"

Athéna ne put retenir un sourire devant la manière de compter un peu particulière de Saga, mais elle ne répondit pas immédiatement, jetant un regard interrogateur à Kanon. Selon lui, qui était le plus qualifié pour ces tâches ?

-"Parmi les chevaliers d'argent, nous enverrons Shaina", annonça-t-il. "En ce qui concerne les chevaliers Divins, Seiya et Shiryu me semblent idéaux pour cette mission. Pour ce qui est des chevaliers de Bronze, je jetterais mon dévolu sur Sequana, Silas, Jabu et Nachi, avec les chevaliers du Renard et de la Couronne Australe."

-"Lequel d'eux six vaut un demi chevalier ?" murmura Saga, pince sans rire.
-"Et parmi les chevaliers d'Or, Mü, Saga, Doko, Camus, Milo et Deathmask resteront ici."

Les chevaliers d'Or se demandaient selon quels critères il les avait choisis ou non, Kanon n'eut aucun mal a s'en rendre compte. Bien entendu, les listes n'avaient pas été faites au hasard. En fait, il avait envoyé ceux à qui l'inaction pesait le plus, ceux qui avaient le plus besoin de faire quelque chose. Shaka était assez patient pour rester, mais il était un peu trop détaché des affaires humaines au goût de Kanon. Cette mission lui ouvrirait peut-être les yeux, ce dont il avait grand besoin.

-"Inutile de vous faire une liste des villes attaquées ; elles le sont toutes, vous ne risquez pas de vous tromper. Mettez-vous d'accord pour savoir qui ira où, et prévenez Shaina et les chevaliers de Bronze qu'ils partent en mission. Dès votre retour vous viendrez nous rendre compte, à Athéna et à moi. Des questions ?"

Il n'y en avait aucune ; les chevaliers sortirent, les uns pour retourner à leurs temples, les autres pour partir au plus vite remplir leur mission. Encore une fois, il n'y avait plus qu'à attendre...

Enervé par cette idée, Kanon retourna dans la salle des archives, mais il en avait plus qu'assez de relire encore et encore ces textes à demi effacés qui ne lui apportaient plus guère d'éléments nouveaux. Finalement, il renonça et décida d'aller prendre l'air.

Le soleil brillait dehors ; c'était une belle journée, comme souvent en Grèce, et cela semblait incongru lorsque l'on savait tout ce qui se passait hors du Sanctuaire. Kanon pouvait même entendre des chants d'oiseaux, et le bruissement de l'eau. Il devait y avoir un ruisseau non loin de là.

Désoeuvré pour la première fois depuis des jours et des jours, Kanon ne savait que faire. Il avait tiré des archives tout ce qu'il y avait à en tirer, tous les travaux urgents avaient été accomplis, et il n'était pas d'humeur à se prendre la tête pour des problèmes mineurs. Mais rester inactif alors qu'en ce moment même Arès ravageait la planète lui semblait inconcevable.


Olympe, Temple d'Héra

-"Alors ?" s'enquit Héra.

Agenouillé devant elle, Ganymède prit une inspiration, seul signe extérieur de son trouble. Il n'amenait pas de bonnes nouvelles, et il ne savait que trop bien comme le messager et la funeste nouvelle pouvaient être associés. Non qu'il éprouva une crainte quelconque, par ailleurs, mais il n'était jamais agréable de voir Héra se mettre en colère.

-"Idris est mort, tué par l'un des Apprentis d'Héphaïstos. Un certain Myrtilos."

Etonnée de recevoir autant de détails, Héra jeta un coup d'oeil surpris à son Légat.

-"Comment sais-tu tout cela ?" ne pu-t-elle s'empêcher de demander.

Un sourire discret glissa sur les lèvres de Ganymède, comme à chaque fois que la déesse s'émerveillait de ses talents.

-"Par mesure de précaution, j'ai demandé à l'un de mes hommes de suivre Idris sans se faire repérer. Il a assisté au combat."
-"Je vois... Tu as fait espionner l'espion. Et ce second espion, qu'a-t-il découvert ?"
-"Rien", admit Ganymède. "Après la mort d'Idris, il a jugé plus prudent de rebrousser chemin. La garde d'Héphaïstos est particulièrement efficace, et ses apprentis sont d'un bon niveau, quoique pas extraordinaire."

D'un geste à mi-chemin entre l'énervement et la lassitude, Héra jeta un vase en cristal sur le sol, pour se défouler les nerfs. Visiblement, elle n'avait pas l'énergie de se mettre à hurler.

-"Fais préparer nos troupes au combat. Je veux qu'ils soient prêts à partir en guerre à l'instant précis où je l'ordonnerai."
-"Vous pensez qu'Arès ne sera pas à la hauteur ?"

La surprise était clairement audible dans la voix de Ganymède.

-"Au contraire, je pense qu'il a de très fortes chances de remporter cette bataille. Mais je sais ce qu'il en a coûté à d'autre de sous-estimer la bâtarde. Je ne commettrai pas la même erreur. Si cela s'avère nécessaire, nous serons prêts à intervenir au bon moment... Et puis, ce sera un vrai plaisir de regarder mon fils prendre sa tête."

Ganymède acquiesca lentement. Il était surprenant de voir a quel point la voix d'Héra devenait tendre lorsqu'elle parlait de son enfant, le seul issu de ses amours avec Zeus.
En lui même, le Légat était certain de la victoire d'Arès. Heureusement, Héra n'avait pas insisté pour que ses serviteurs prennent d'office part aux combats ; cela eût été inutile, et même peut-être dangereux. Le Prophète estimait que seul cinq ou six de ses guerriers pouvaient s'opposer à un chevalier d'Or avec de bonnes chances de succès, et les effectifs des Douze Gardiens étaient plus que complets, avec l'intervention de ce trouble-fête de Kanon.
Enfin, cela serait l'affaire d'Arès. Ganymède posterait ses Ephébes selon les désirs d'Héra, mais selon toute probabilité ils n'auraient pas a intervenir. Et il les placerait assez loin des combats pour qu'ils ne soient pas pris malgré eux dans la bataille. Ils n'auraient plus qu'a profiter du spectacle...


Sanctuaire d'Athéna, plus tard

Une douzaine d'heures s'écoula avant que les chevaliers envoyés en mission ne reviennent - des heures terriblement longues pour Kanon. Et lorsqu'ils revinrent, ce fut épuisés, le regard hanté par les horreurs qu'ils avaient vu ce jour-là.

Dès leur retour, ils se présentèrent comme on le leur avait ordonné dans la salle du trône, et firent leur rapport en présence de tous les chevaliers du Sanctuaire. La voix d'Aiolia frémissait de rage, et le regard d'Aldébaran brillait d'une rage froide. Finalement, Shaka résuma la situation de sa voix calme et posée.

-"Nous avons fait ce que nous pouvions. En règle générale, les berserkers que nous affrontions étaient d'un niveau très faible ; il semblerait qu'il s'agisse de soldats mineurs dans l'armée d'Arès. Mais ils sont extrêmement nombreux, au moins une centaine. Et les humains normaux ne peuvent rien contre eux. Lorsque nous en abattions un, dix autres attaquaient partout ailleurs. Ils nous écrasent sous le nombre, nous ne parviendrons pas à les arrêter ainsi."

Athéna faisait les cent pas, les poings si serrés qu'elle s'était entaillée les paumes, les épaules frémissantes, elle tremblait de rage. Quand Kanon croisa son regard, il fut choqué par la haine froide qu'elle distillait. Visiblement, elle était hors d'elle et luttait pour se contenir. Kanon pria pour qu'elle ne prenne pas une décision dictée par la colère plutôt que par la réflexion.

Finalement, elle se campa face a ses chevaliers, et demanda avec un calme trompeur :

-"Vos avis sur les mesures a prendre, chevaliers d'Or ?"

Bien qu'ils aient été admis en présence de la déesse, il était bien entendu hors de question que les chevaliers d'un rang inférieur prennent la parole lors d'une réunion stratégique.

Ce fut Shaka, qui s'était fait le porte-parole de ses compagnons, qui répondit :

-"A part attaquer directement Arès, nous ne pouvons rien faire."
-"Attaquer directement Arès... Il veut la guerre ! Eh bien il l'aura ! Demain, à l'aube, nous nous rendrons a son Sanctuaire, à Sparte, et là il me rendra des comptes."

Cette brusque décision surprit tout le monde, y compris Kanon. Bien sûr, Athéna était maîtresse de son Sanctuaire et nul ne pouvait contester ses décisions, mais elle faisait là probablement exactement ce que souhaitait Arès.

D'un autre côté, que faire d'autre ? Ils ne pouvaient rester inactifs alors qu'Arès se livrait à ses petits jeux, et il fallait bien qu'un affrontement ait lieu un jour ou l'autre. En précipitant ainsi les choses, Athéna sauvait des vies humaines.

-"Allez vous préparer, Chevaliers de la Paix et de la Justice !" dit-elle d'une voix forte et claire. "Nous partons en guerre !"

Chapitre précédent - Retour au sommaire - Chapitre suivant

www.saintseiya.com
Cette fiction est copyright Steph Bréant.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.