Chapitre 13 : Licorne écarlate


Une plaine fleurie aux abords d'une citée entourée de hautes murailles. Deux hommes se faisaient face : l'un était au côté d'une magnifique cavale à la robe immaculée, une aura gigantesque transparaissant tout autour de lui, laissant percevoir quatre juments spectrales ; l'autre semblait dans un état pitoyable, l'un de ses bras pendant sur le côté, comme brisé. Malgré tout, dans l'aura violacée brillait une magnifique licorne au teint virginal, avec un éclat d'une pureté inégalable.

Le spectacle était saisissant : l'aura rougeoyante du guerrier aux cavales emplissait l'atmosphère. Les juments semblaient avoir atteint une taille colossale, se cambrant comme pour écraser la mythique licorne qui paraissait bien dérisoire face à ces furies prêtes à la dévorer pour s'en approprier les pouvoirs. Toutefois, le Chevalier en armure violette résistait, tant bien que mal, étouffé par le cosmos imposant de son adversaire : Diomède, guerrier des Supplices, fils d'Arès. En effet, Jabu, preux Chevalier de la Licorne, faisait à présent face à cette machine de guerre qui déployait un cosmos n'ayant d'égal que celui d'un Chevalier d'or.

L'Unicorn Saint semblait transi de peur, comme le serait une souris face à un serpent, hypnotisé par le pouvoir se dégageant de son adversaire. Tout en Diomède inspirait la crainte : une sensation de brutalité, de violence et de cruauté se dégageait insidieusement de sa cosmoénergie. Quant à son apparence, elle était tout aussi intimidante : le roi de Thrace devait en effet mesurer presque deux mètres, des cheveux longs et gris encadrant un visage carré des plus viril. Ce visage était celui d'un homme barbu embrasant le monde de ses yeux gris-bleus acier, froids comme le métal. Sur son corps puissant était apposée une armure des plus recouvrante, sertie de deux fines ailes, protection aux teintes rouges et noires, aux aspects tranchants, et surtout à l'allure prédatrice, létale : la cuirasse des Supplices, léguée par Arès à son fils chéri.

- Chevalier inconscient, tu vas devoir faire face à ma colère à présent ! Ton ami s'était déjà un peu trop permis en me défiant tout d'abord, mais là, en dérobant mes précieuses cavales, il a largement dépassé les bornes. Puisque tu le défends, tu subiras non seulement la colère d'un roi, mais aussi celle du guerrier thracien : la colère de Diomède, guerrier des Supplices, fils d'Arès !

Ses paroles dites sur un ton si grave résonnaient inlassablement dans l'esprit de Jabu, encore et encore, jusqu'à ce qu'il soit arraché de ses songes par cette même voix qui l'interpella :

- Qu'y a-t-il ? Me craindrais-tu à ce point que ta langue t'empêche de parler ?
- Je… Je n'ai pas peur de toi, et tu te rendras vite compte qu'une cavale, aussi puissante soit-elle, ne peut en rien venir à bout d'une licorne !
- Nous verrons bien qui de la prude licorne ou de la sauvage jument vaincra !

Subséquemment Diomède fit exploser son cosmos qui balaya littéralement celui de Jabu et le projeta de plusieurs mètres en arrière. Malgré tout, le Saint d'Athéna se releva, pensant à Saori perdue dans ses éternels songes, et qui, pour une fois, requérait son aide. Son esprit vogua également vers Abdéros, fidèle ami qu'il avait enfin retrouvé et qu'il ne souhaitait plus jamais perdre ; vers ses frères qui eux aussi se battaient et qui, pour Athéna, n'avaient pas le droit de faillir. Il se dirigea alors vers son adversaire, le sourire aux lèvres, comme pour lui prouver qu'à présent il n'avait plus peur, car il ne se sentait plus vulnérable, il ne se sentait plus seul. Ailleurs, dans des lieux inconnus de lui, tous menaient bataille, tous pour un même idéal, dans un même but : l'éveil d'Athéna pour la sauvegarde de l'Humanité !

- Pff ! Tu aurais mieux fait de rester à terre. Dans ma grande clémence je t'aurais achevé d'un unique coup. D'ailleurs je t'assure que tu ne resteras pas longtemps seul dans l'Hadès, ton impudent ami t'y rejoindra bientôt, ne t'inquiète pas !
- Jamais tu entends ! s'écria Jabu. Sais-tu pourquoi je suis ici ?
- Que m'importe !
- Pour mettre fin à ta cruauté et aux maux que tu répands tout autour de toi. Mais pas seulement pour cela, également pour sauver Athéna plongée dans un sommeil sans fin.
- Ahahah ! Et que crois-tu que cela change ? J'abhorre Athéna, tout comme mon père, qui la hait férocement. Voilà donc une raison de plus pour moi de te tuer, car si tu échoues, Athéna se verra condamnée et mon père m'élèvera ainsi probablement au rang de dieu !

Un éclair d'inquiétude traversa alors le cerveau du Chevalier. Comment avait-il pu croire un instant que l'enfant d'Arès pourrait accorder quelconque importance à ses paroles ?

- Très bien. Je vois qu'il ne me servira à rien de discuter avec toi ! Alors en garde Diomède. Puisque toi-même avoues ne pas être divin, tu n'es rien d'autre qu'un mortel : mon égal.
- Pff ! Tu me fais vraiment pitié. Je n'ai pas de temps à perdre alors goûte à mon ultime arcane : Crucifixion !

Le cosmos de Diomède sembla pénétrer le sol pour disparaître dans les profondeurs de la terre… Un bruit des plus inquiétant accompagné de secousses se fit alors entendre. Jabu essaya tant bien que mal de garder l'équilibre sur cette plaine fissurée par les tremblements. Un son plus fort encore se répercuta dans l'ouïe du Chevalier impuissant qui se vit soudain clouer sur une croix sortie tout droit de terre, influée par le cosmos du demi-dieu en protection rougeoyante.

- Te voilà maintenant sous ma domination ! Laisse-moi t'expliquer quel sera ton funeste destin, jeune impétueux. Cette croix n'est pas une vulgaire potence et tu t'en rendras bien vite compte : elle est virtuellement indestructible ! Aucun être humain n'a jamais réussi à s'en délier, et bien mal t'en prendra si tu tentes de t'en dérober. A présent il ne te reste que deux alternatives : ou laisser ta vie s'échapper dans une lente agonie qui verra ta mort surgir par la faim, la soif, la chaleur et d'autres splendides merveilles dont nous font cadeau mère nature, ou alors tu mouras dans d'atroces souffrances en essayant de te détacher de ma croix.
- Laisse-moi rire Diomède ! Je suis un Chevalier et ça n'est pas une simple croix qui me retiendra. Pour qui me prends-tu ?

Les yeux du roi transpercèrent alors Jabu de leur éclat d'acier, ce qui eut pour effet instantané de lui donner des frissons de frayeur, bien malgré lui.

- Soit ! Tu es libre de ta destinée. Si tu désires une mort douloureuse et sanglante… adressa-t-il a l'encontre du crucifié tout en caressant sa cavale au regard étrange, presque cruel…

En effet, Jabu était déjà en train de concentrer son cosmos. Quand soudain toute son énergie retomba, ses seuls cris résonnant dans l'atmosphère unique de ce lieu de duel mortel : de ses membres liés des gouttes de sang perlaient au sol, signe de son corps transpercé. La douleur le clouait à sa potence.

- Je t'avais prévenu ! Au moindre signe de cosmos les clous acérés de ma croix sortent de leur tanière pour venir transpercer mains et pieds de leur captif. Alors si tu souhaites momentanément prolonger ta vie, tu n'as plus qu'à tranquillement attendre que la faucheuse vienne accomplir son office.

Le Saint d'Athena releva alors la tête pour ne pas perdre la face devant son adversaire. Conscient de la terrible situation dans laquelle il se trouvait, il ne souhaitait tout de même pas laisser voir sa peur et sa douleur à son adversaire. Tout en fixant son vis-à-vis, il hurla :

- Tu n'es qu'une ignoble créature à l'image de ton père !
- Il suffit ! tonna le roi thracien, faisant vibrer le sol de son aura. Comment oses-tu juger mon père alors que tu ne le connais même pas ? Puisque ta fierté et ton arrogance n'ont aucunes limites, alors ma cruauté n'en aura aucune ! Ca n'est pas le temps d'agonie passé sur cet édifice mortuaire ni même te voir transpercé par ma croix qui suffiront à apaiser ma colère.

Une lueur maléfique passa alors dans ses yeux tandis qu'un rictus mauvais se dessinait sur son visage. Décidément Jabu était en mauvaise posture cette fois, enfin plutôt, encore une fois…

- C'est ma jument qui tranchera le fil de ta vie ! Puisque ton ami lui a enlevé ses sœurs, elle se fera une joie d'assouvir sa vengeance sur ta personne, à même ta chair encore vivante arrachée de ton corps par mes mains !

Sur ces derniers mots il fonça à la vitesse de la lumière sur sa victime, enfonçant sa main tendue, paume vers le haut, dans son abdomen, partie non protégée par la Cloth sacrée de la licorne. Cette fois Jabu se retint pour ne pas hurler, malgré la douleur insupportable qui le tenaillait, l'emportant malgré lui vers l'inconscience. Mais non, il ne pouvait pas lâcher prise, pas après avoir vaincu ce terrible guerrier qu'était Biste, pas après avoir promis à ses pairs ainsi qu'aux Chevaliers d'or qu'il reviendrait victorieux de son épreuve. Mais le guerrier des Supplices accrut la pression dans son corps, relevant les doigts vers le haut dans une torture ignoble, des larmes maculant malgré lui le visage du Saint, déformé par la souffrance. Quand enfin la descendance du dieu de la Violence sortit son mortel instrument du corps meurtri du pauvre Chevalier. Ce dernier mordit sa lèvre inférieure pour essayer de concentrer son attention sur autre chose que la douleur, en vain… Le Roi de Thrace appela alors à lui son terrible animal.

- Viens ma belle, viens goûter aux prémices de ton repas. Aujourd'hui c'est une chair tendre et jeune qui constituera ton festin, une viande de premier choix, susurra-t-il avec un sourire carnassier, observant Jabu du coin de l'œil.

La cavale répondant à son appel vint à ses côtés. Baissant la tête, elle lécha le sang encore chaud dégoulinant de la main de son maître, visqueux liquide venant entacher de pourpre la pureté de sa robe immaculée. De son autre main Diomède caressait l'équidé, fier de son valeureux animal aux goûts si particuliers…

- Et maintenant, si mon humble destrier veut s'affairer à l'ouvrage, il va falloir opérer certains changements sur toi.

Portant sa main ensanglantée en avant, paume ouverte, il déchaîna son cosmos sur Jabu qui, sortant tout d'un coup de sa léthargie, assista incrédule à un spectacle de désolation tel qu'il n'aurait jamais cru cela possible : son armure sacrée, en miettes ! L'Unicorn Saint, malgré ses maux, parvint toutefois à murmurer ces quelques syllabes :

- Tu… tu n'es qu'un salopard Diomède : le pire déchet qu'il m'ait jamais été donné de voir au cours de toute mon existence, et pourtant j'en ai croisé un paquet. "
- Pitoyable ! Plus mort que vif et il ose encore se rebeller.

Il envoya alors un rayon de cosmos en direction de son adversaire. Le poumon de ce dernier fut probablement touché au vu du sang qu'il se mit soudain à cracher.

- Bon, finissons-en ! Adieu Jabu !

Le Guerrier des Supplices, ongles en avant, fonça tout droit sur la gorge de son adversaire, décidé à mettre un terme à son existence.

Pardon, il est trop fort. Je n'en peux plus…

Le Chevalier crucifié ferma les yeux, pour ne pas que son adversaire puisse lire en lui lors de ses derniers instants, les yeux étant le miroir de l'âme dit-on… Un bruit sec, net, du sang, encore, gicla sur le visage du Chevalier crucifié.

- Qui ? Qui a osé lever la main sur moi ? ?! hurla Diomède complètement enragé.
- Moi, Shun, Chevalier d'Andromède, pour te desservir.

Shun ? Je suis sauvé…

Telles furent les dernières pensées de Jabu avant qu'il ne sombre dans l'inconscience, perclus de douleur, mais toutefois soulagé.

- Encore un alors ! Comment as-tu fait pour que je ne puisse percevoir ta présence ?
- Je n'étais pas encore là, c'est aussi simple que ça. C'est d'ailleurs très étrange…
- J'espère qu'il n'y en aura pas d'autres après toi, car casser du Chevalier d'Athéna m'ennuie terriblement, et ma cavale n'a toujours rien mangé. Sans compter mes autres juments qui doivent être avec ce maudit Abdéros. M'enfin, ramener la tête de deux Chevaliers plutôt que d'un sera mieux encore.
- Athéna a et aura toujours des Chevaliers pour se mettre en travers le la route d'êtres comme toi. Mais pour l'instant je dois t'empêcher de nuire. Qui es-tu dis-moi ?
- Le roi de cette contrée bien sûr ! Diomède, souverain de Thrace, Guerrier des Supplices et, surtout, fils du grand Arès !
- Pourtant tu ne me fais pas peur. Sache que j'ai affronté des ennemis bien plus puissants que toi, et tu es loin d'égaler une divinité, même si tu te dis fils d'un des plus terrible d'entre eux.
- Pff, tu blasphèmes ! D'ailleurs comment une fillette comme toi pourrait-elle m'inquiéter ? Tu t'es vu ou quoi ?

Shun se mit à rougir à cette remarque et baissa la tête sur son svelte corps, avant de rétorquer :

- Détrompe-toi guerrier, je suis bien un homme, et je vais te le prouver. Ainsi tu verras que tu n'arrives pas un instant à la cheville d'un Chevalier divin.
- Ahahah ! Mais que crois-tu donc que je porte comme protection ? Ma cuirasse elle aussi est divine : Arès lui-même y a versé quelques gouttes de son précieux sang avant de lui donner son ultime forme.
- Soit, alors c'est d'égal à égal que nous combattrons, si combat il y a bien entendu. Je ne sais pas quelle fut l'épreuve de ce Saint que tu as réduit à l'impuissance, mais si tu concèdes à te retirer, je te laisserai en paix, foi de Chevalier.
- Non mais décidément, vous êtes tous d'un ridicule ! D'abord un prétentieux sans force qui prend la fuite, vient ensuite son prétendu puissant ami à l'ego démesuré qui gît à présent sur ma croix, et maintenant un pseudo-Chevalier qui en plus d'avoir une apparence féminine adopte une attitude de femme en n'assumant pas le combat. J'aurais tout vu aujourd'hui !

Je crois que mon maître en me parlant des émissaires d'Arès ne se trompait pas. Rien ne sert de discuter avec eux, car le seul langage qui leur sied est celui des armes.

- Je regrette que tu sois si cruel et belliqueux, mais je n'ai pas de temps à perdre ! Mon frère se vide de son sang et est probablement déjà aux portes de l'au-delà. Alors ôte-toi de mon chemin Diomède !
- Jamais !
- Tu l'auras cherché ! Great Capture !

Le grand roi de Thrace fut bientôt enchaîné de haut en bas, incapable du moindre mouvement, surpris par la rapidité d'action de son adversaire qu'il pensait égal à l'autre Chevalier qu'il venait d'affronter. Shun s'avança alors vers lui, confiant, lui expliquant qu'il pouvait encore avoir la vie sauve s'il acceptait de se repentir.

- Quels que soient les actes de notre passé, il y a toujours moyen de rattraper ses fautes. Alors abandonne la voie de la haine et devient un être bon comme se doit de l'être un roi digne de ce nom.

Il le dépassa alors que ce dernier proférait des insanités sur un ton des plus agressif, paroles n'ayant en tout et pour tout rien de celles d'un souverain. Arrivé devant Jabu perché sur sa potence, Shun ne put s'empêcher de ressentir une angoisse primale, espérant que l'Unicorn Saint n'avait pas succombé. Mais… Le cosmos du captif des chaînes s'embrasa soudainement, tordant les maillons d'une exemplaire solidité pourtant. Son aura semblait comprimée sous l'étau que formaient les armes d'Andromède, quand soudain une formidable explosion eut lieu, libérant la cosmoénergie agressive et faisant éclater la chaîne en morceaux épars. Instantanément Shun se retourna, le souffle de l'explosion faisant voler ses cheveux au vent, et porta main devant les yeux pour éviter d'être aveuglé par la poussière.

Quand un uppercut dans le ventre l'envoya rouler à plusieurs mètres, passant juste à côté de ce qui serait la future sépulture de Jabu s'il ne venait pas au plus vite à bout de son terrible adversaire. A peine eut-il le temps de se réceptionner que Diomède se trouvait déjà sur sa droite, enchaînant avec un coup de pied que Shun eut bien du mal à esquiver, mettant ses deux bras en croix pour parer le choc. Malheureusement l'Andromeda Saint savait bien qu'au corps à corps il n'avait presque aucune chance, plus habitué qu'il était à la défense et à l'attaque à distance. Parant successivement un crochet du droit et un coup de genou en se projetant en arrière, il cherchait une faille dans la défense de son adversaire : ses armes étaient brisées et tant que le guerrier des Supplices s'acharnait sur lui il ne pourrait les reconstituer… C'était bien sa chance : et dire qu'il pensait avoir surmonté avec succès son épreuve, épreuve pacifique, tout à fait adaptée à son caractère. A présent il était en plein combat dans un des travaux qui n'était pas le sien. Mais la vie de son frère était en jeu, alors il devait vaincre, même si c'était contre un Berserker divin ! Il chercha alors à gagner du temps et recula de quelques mètres avant de s'adresser en ces termes au bourreau de Jabu :

- Dis-moi, comment as-tu pu venir si facilement à bout de mes chaînes réputées indestructibles ? Cela fait pas mal de temps déjà qu'elles ne sont plus de bronze. Réponds-moi.

Diomède entrant dans son jeu stoppa alors momentanément son assaut soutenu.

- Imbécile ! Ne t'ais-je point dit que j'avais moi aussi une cuirasse divine ? Je concède que mon cosmos à lui seul n'aurait peut-être pas pu en venir à bout, même si j'en doute, mais n'as-tu pas remarqué l'aspect tranchant de ma protection ? Aussi puissantes soient tes attaches, jamais elles ne seront aussi résistantes que ta maudite armure sacrée, pas plus qu'elles ne peuvent égaler la résistance de ma cuirasse. Elle est munie de lames acérées rétractables : ce sont elles qui ont entaillé tes liens avant que je ne les brise définitivement de par ma force brute.

Sans même qu'il ne s'en rende compte, Diomède était tombé dans le piège. Présentement Shun était à quelques mètres de distance, et, en simultané du discours de son vis-à-vis, il avait subrepticement maintenu son cosmos en éveil, juste assez pour que ses chaînes se ressoudent au nez et à la barbe du descendant divin. A présent il se sentait en meilleure posture, situation qui ne tarda pas à se confirmer lorsque son opposant, explications faites, repartit à l'assaut et se heurta à un mur infranchissable.

- Abandonne et laisse-moi rejoindre mon ami. Il se meurt ne vois-tu pas ? lui dit Shun, les yeux humides et le regard implorant.
- Ö pitié pas ça ! Je crois que je préférais encore l'autre là-bas. Au moins lui ne geignait pas à longueur de temps et se battait. Enfin, essayait de se battre…

Le Saint d'Andromède fit une moue de dépit puis tendit sa chaîne entre ses deux mains, en un geste signifiant qu'il était enfin prêt à se battre, jusqu'au bout.

- Tu ne me reprocheras pas de n'avoir essayé. Que mon arme forme une nébuleuse : la nébuleuse d'Andromède !

La divine chaîne s'étala alors au sol, telle des vagues successives, dans un tintement magnifique rappelant ceux d'un carillon : le carillon d'Andromède. La chaîne ainsi dessina la nébuleuse d'Andromède, imparable défense se dressant face à tout agresseur.

- Décidément ta défense me semble pitoyable !

Diomède s'avança alors, sans se douter de ce qui l'attendait. Arrivant à la vitesse de la lumière en direction de son adversaire, la chaîne se souleva pour le stopper dans son élan et le frapper de plein fouet, lui envoyant par la même une décharge de plus de dix-milles volts. Le guerrier des Supplices, après s'être difficilement reprit, envoya un regard méprisant au Saint, avant de lui asséner ces paroles assassines :

- Misérable, te cacher ainsi derrière ton rempart ! Tu ne perds rien pour attendre. Une fois que je me serai débarrassé de tes mailles, tu souffriras crois-moi. J'avais bien raison : tu te caches derrière ton arme comme une fillette se cacherait dans les voiles de sa mère !
- Garde ton fiel pour toi. Si la nature m'a doté de cette chaîne c'est pour m'en servir, tout comme nous nous servons d'armures. Et pour te prouver que je ne fais pas que me défendre et que je suis un véritable homme, goûte aux vagues de tonnerre ! Thunder Wave !

Le guerrier n'en attendait pas moins : alors que la chaîne s'apprêtait à le toucher, il sauta pour l'éviter, souhaitant ensuite se jeter sur son adversaire privé de défense comme d'attaque. Mais il ne se doutait pas que cette dernière le suivrait inlassablement, à l'autre bout du monde s'il le fallait. Malgré tout il se dirigea droit vers Shun qui, ayant paré à toute éventualité, venait de dresser sa deuxième chaîne tout autour de lui, exécutant ainsi sa technique de Rolling Defense. Venant alors s'écraser contre le mur d'acier, Diomède reçut le poinçon de l'arme, étrangement nimbée du cosmos rosé de son porteur, juste entre les omoplates. Pourtant, même si sa défense ne faiblit pas, le Chevalier d'Andromède fut projeté avec ses maillons à quelques mètres, son adversaire dépité, sa protection ayant volé en éclat au niveau du dos, à l'endroit même où la pointe l'avait frappé.

- Im… impossible. Ma cuirasse est réputée indestructible !
- Sache que rien n'est invincible en ce monde, rien ni personne. Tu me l'as rappelé en brisant mes chaînes et ce, pour ta propre perte. C'est pourquoi cette fois-ci j'ai accompagné ma chaîne de mon cosmos, pour ajouter de ma puissance à la sienne, tout comme tu ajoutas ta puissance aux tranchants de ton armure. Acceptes-tu maintenant de rendre les armes ?
- Mais pour qui me prends-tu à la fin ? Un lâche ? Sale morveux ! Je vais te faire ravaler ta saleté de jouet et empailler ton corps une fois que je t'aurai fait mordre la poussière ! Je ne supporte plus tes mièvreries !

Son cosmos, pour la première fois depuis qu'il s'était retrouvé face à Shun, s'accrut à son paroxysme, ses si précieuses cavales s'agitant dans les reflets de son aura aux couleurs rubis. Le porteur de la panoplie sacrée d'Andromède se mit en position de défense, augmentant à leur maximum la vitesse de ses liens tournoyant tout autour de lui en une protection quasi-parfaite. Ses cheveux verts ondulaient sous le souffle de sa propre cosmoénergie.

- Nous allons voir si tes chaînes sauront te protéger du cruel sort que je te réserve ! Crucifixion !

Le sol à nouveau trembla, Shun ne parvenant à garder son équilibre que de manière extrêmement précaire. Quand soudain, d'en dessous de lui une croix apparut, déchiquetant son rempart d'acier et le clouant littéralement à cette potence. Les entraves d'Andromède la mythique perdirent alors toute vigueur, pendantes aux poignets de leur propriétaire comme si elles n'étaient que de vulgaires filaments dénués de toute vie..

- Décidément Andromède, voilà que tu endosses totalement le destin de ta protectrice… A la différence près qu'elle était enchaînée sur un rocher, et non sur une croix ! Ahahah.

Le supplicié ne se laissa pas abattre pour autant. Il réfléchissait à un moyen de se détacher le plus rapidement possible de sa croix, sans pour autant recourir à sa cosmoénergie. En effet, il avait déjà senti les pointes acérées frôler sa chair dès qu'il avait voulu activer son cosmos. A cet instant et contre toute attente, Diomède fonça ongles en avant vers son captif. Heureusement pour l'émissaire d'Athéna, les chaînes se dressèrent en X juste devant lui. La situation semblait être au point mort : d'un côté le Berserker ne pouvant approcher et mettre fin aux jours de son adversaire, de l'autre le Chevalier dans l'impossibilité de se délier de ses entraves, conscient qu'à présent seules ses armes le protégeaient encore, grâce à l'indépendance de mouvement qui était leur.

L'odieux rejeton d'Arès, dont l'aura, emplie de haine faisait s'agiter les chaînes à une cadence folle, héla alors le jeune japonais qui se tenait face à lui :

- Cesse ce petit jeu veux-tu ? Tu ne fais que retarder l'inévitable. A l'heure qu'il est ton ami doit déjà être mort, et toi aussi tu finiras par succomber aux maux que te fera subir la nature. Alors rends-toi !
- Tu as raison, il est temps de finir.

Ainsi le Chevalier rappela ses armes, permettant à Diomède de se précipiter vers lui. Les armes nébulaires décrivirent alors un arc de cercle pour venir transpercer par l'arrière la croix sur laquelle gisait Shun, le délivrant ainsi de cette sanglante potence. Et alors que son opposant s'apprêtait à lui asséner un coup au visage, le jeune homme pencha la tête sur la droite, laissant le poinçon de sa chaîne passer à quelques millimètres de sa jugulaire pour venir transpercer l'épaule de sa victime. Le roi recula alors et hurla, plus sous le coup de la surprise que de la douleur.

- Même si je peux harmoniser mon cosmos à ma chaîne pour la rendre plus puissante encore, elle est capable d'agir de son propre gré, car les armures d'Athéna sont vivantes. Ainsi, sans même user de mon cosmos, j'ai pu me délier de ton étreinte. Mais maintenant que j'ai vu ce dont tu étais capable, je sais qu'assisté de ma chaîne je n'ai aucune chance contre toi.

Le thracien releva alors la tête, une lueur de victoire lisible dans son regard. L'Andromeda Saint était tout simplement entrain d'ôter sa Cloth…

- Ainsi tu abandonnes ? Puisque tu reconnais ta défaite je consens à te donner une mort rapide, la moins douloureuse possible.
- Qui t'a dit que je jetais l'éponge ?

Sur ces mots Shun accrut son cosmos tout autour de lui, ses cheveux s'agitant au gré des fluctuations cosmiques, la jeune vierge Andromède apparaissant à ses cotés. L'atmosphère s'imprégnait de son aura, énergie que Diomède tant bien que mal s'efforçait de contenir : dans ses mains jointes une sphère d'énergie pourpre déjà se formait.

- A présent je ne peux plus reculer, tu vas devoir subir ma plus terrible attaque !

Ouvrant son poing fermé direction de son adversaire Shun cria :

" Par la tornade nébulaire ! "

Un intense déplacement d'air vint alors entourer le demi-dieu en cuirasse, parvenant à l'oppresser tant la puissance du jeune Saint semblait maintenant phénoménale. L'air autour de lui s'agitait comme jamais : se mouvoir devenait presque impossible mais le pire était que le tourbillon autour de lui ne cessait de croître et de gagner en intensité. Malgré tout, la sphère d'énergie qu'il dirigeait paume tendue vers le sol ne cessait pas elle non plus de grandir : tout son corps était en sueur et ses muscles tendus souffraient le martyr. Heureusement que sa cuirasse était là pour le protéger, sinon il aurait probablement déjà plongé dans le royaume d'Hadès…

- Cesse tout mouvement Diomède ! A présent il ne te servira à plus rien de te mouvoir. Au moindre de tes gestes mon courant s'intensifiera encore jusqu'à devenir une tornade, alors laisse-toi prendre dans le courant et peut-être survivras-tu.
- Pour qui me prends-tu ? Je ne suis pas un de ces lâches qui reculent devant la mort. D'ailleurs regarde ce que je fais de ta tempête, elle n'est rien de plus qu'une brise ralentissant mes mouvements.

En effet, Diomède lentement avançait sa main, faisant croître, encore et encore, toute l'énergie concentrée dans sa paume tendue vers le sol.

- Tant pis alors, hurla Shun les larmes aux yeux, tu m'y auras contraint ! Et pour sauver mon frère ainsi qu'Athéna, goûte à mon ultime arcane : par la tornade…
- Crucifi…
- … nébulaire !
- …xion !

Une véritable scène apocalyptique succéda à ces quelques mots. La tempête redoubla d'intensité et entoura le roi thracien, l'emportant dans de multiples directions, sous la pression de la tornade. Le vent le souleva du sol et l'emporta violemment dans les airs, le fracassant contre le sol, dans des gerbes de sang… Sa si précieuse cuirasse divine fut réduite en miettes. Quant à Andromède, ayant quitté son armure, il se vit transpercer par la croix qui, cette fois, ne vint pas se placer derrière lui pour le lier, mais sortit de terre transversalement, l'empalant dans le dos, grièvement blessé. Ainsi, sous l'effet cumulé de sa dépense d'énergie et cette soudaine blessure, il chute au sol, en arrière, juste aux pieds de Jabu, enfonçant par la même la croix dans sa chair. Du sang était visible à la commissure de ses lèvres…

Tout était fini : le calme succéda à la tempête, le vent retomba. Plus aucun bruit ne se fit entendre sur la plaine, si ce n'est celui de la cavale sacrée de Diomède qui s'approchait de son maître et lui poussait la tête avec son museau, dans l'espoir de le réveiller. Quelques minutes passèrent ainsi, dans un silence post-apocalyptique, ponctué par les hennissements espacés de la jument carnivore. Quand l'impossible se produisit : le roi se releva, lentement, péniblement, ensanglanté, des os brisés et des muscles déchirés, mais survivant. Ses yeux gris acier semblaient lancer des éclairs au Chevalier d'Andromède étendu plus loin au sol, juste sous la croix de son ami.

Une brise emportant quelques pétales de fleurs passa alors à côté du souverain qui sourit : il était vainqueur, il avait vaincu ses opposants ! A présent tous gisaient là devant ses yeux. Il était le plus puissant, le maître : il avait vaincu tour à tour deux Chevaliers d'Athéna. D'abord un Bronze Saint, peu glorieux, puis un Chevalier divin ! L'élite de l'élite ! Et même si sa cuirasse avait été détruite, il avait défait son adversaire. Son père serait fier de lui, il se voyait déjà élevé au rang de divinité, trônant aux côtés d'Arès. Quelle extase que celle de sortir vainqueur d'un âpre combat !

Lentement il se dirigea vers Shun, reconnaissant malgré tout qu'il s'était bien trompé sur un point : ce Chevalier était loin d'être une fillette, loin d'être un enfant de chœur. Il était bel et bien un guerrier, qu'il le veuille ou non, et un guerrier des plus puissants. Mais il était temps de mettre un terme à sa vie. Se dirigeant lentement vers le corps inanimé et sanglant gisant au sol, il concentra son cosmos dans sa main, prêt à frapper à la tête le Saint d'Athéna. Il approcha la sphère létale d'énergie rougeoyante à hauteur du visage de son plus coriace adversaire, se surprenant à penser qu'au fond il aurait bien aimé mieux connaître ce combattant, même s'il était un émissaire d'Athéna. Une légère odeur de brûlé s'échappait déjà de la chevelure verte répandue sur le sol, quand un souffle de voix retint l'attention du roi :

- Arrête-toi ! Nous n'avons pas fini notre combat ! furent les paroles énoncées par un être aux portes de la mort, agonisant, véritable plaie vivante.

Jabu en effet, car il était l'auteur de ces paroles, semblait être sous l'effet d'un faible sursaut de vie. Son étincelle vitale vacillante mais toujours présente, il se montrait prêt à prendre le relais du Chevalier d'Andromède. Diomède releva la tête pour lancer un regard noir au crucifié.

- Qu'aurais-je encore à craindre de toi ? Ce combattant à mes pieds est un million de fois plus puissant que toi et j'ai réussi à le défaire, alors que toi, en pleine forme, tu ne m'arrivais pas à la cheville. Regarde-toi agoniser, ce ne sont que les derniers sursauts d'un éternel damné. Ferme les yeux et laisse la mort t'emporter.
- Si je me résignais à mourir, le combat de Shun n'aurait servi à rien, et surtout, je ne serai plus digne d'être Chevalier d'Athéna !

Sur ces mots le souverain barbare assista sans ciller à une scène qui lui plut au plus haut point, tant elle s'avérait intéressante et inopinée : l'envoyé du Sanctuaire intensifiait son aura violette au plus haut point, faisant fi de la douleur que lui infligeaient les clous qui s'enfonçaient progressivement dans sa chair, mais ne pouvant s'abstenir de pousser des hurlements. Cris de souffrance ? De colère ? De rage ? De révolte ? A moins que ce ne soit d'adieux ? Personne d'autre que lui ne saurait le dire. Pourtant sa force semblait sans limites, toujours croissante, grandissant de plus en plus, jusqu'à en effrayer la cavale qui s'éloigna vers les écuries royales. Diomède alors concentra son énergie tout autour de lui, comme une barrière de défense à cette puissance colossale que ce vulgaire Chevalier voyait soudainement sienne. Les pointes maintenant apparaissaient à travers les membres liés de Jabu, signe que les clous avaient perforé de part en part sa chair jusque là vierge de tout combat mortel. Son aura se déployait encore et encore, une licorne étincelante dressée dans son ciel scintillant de milliers d'éclats améthyste.

- Co… comment ?!

Le roi de Thrace parut soudain en proie à un doute affreux et, comme pour empêcher l'impossible de se produire, lança à nouveau son cosmos, main tendue en avant, contre le jeune homme. Celui-ci paraissait inanimé, à l'exception de son aura qui se déployait avec force et vigueur. Malheureusement pour lui, sa puissance fut endiguée à quelques centimètres du Chevalier de Bronze, absorbée par la corne d'or de la licorne. Les yeux grands écarquillés, cette fois c'était lui qui semblait impuissant.

Je suis désolé mes amis, j'ai failli à ma tâche, il ne me reste plus qu'à me sacrifier. Je ne sens déjà plus mon corps tant il n'en reste plus que plaie béante et indicible douleur. Sans mon armure je n'ai plus aucune chance, ce guerrier est fils de dieu ! Ö Milo ! Tes cours ne furent pas vains : sans toi je serais déjà mort face à Biste, guerrier de l'Attelage. Maintenant je n'ai d'autre choix que de disparaître, laissant s'échapper mon cosmos hors de moi sans plus aucune limite, atteignant ainsi l'ultime cosmos par la voie de la mort. Car seul mon trépas me permettra de venir à bout de ce guerrier : nous traverserons l'Achéron ensemble, foi de Chevalier, pour qu'Athéna puisse enfin revenir du Sommeil des dieux.

Le crucifix sur lequel il était fixé se détruisit soudain, laissant Jabu choir au sol, s'écroulant dans son propre sang. Mais le courant cosmique émanant de son être et imprégnant l'atmosphère n'en devient pas moins omniprésent, et, tel un cadavre surgissant de sa tombe, il se releva, paupières closes, devant son adversaire soufflé par une telle vison, comme hypnotisé par ce miracle.

J'ai passé ces derniers mois à affiner mes pouvoirs, à en découvrir de nouveaux. J'ai toujours voulu servir Saori, et ce, avant même que je sache qu'elle était la réincarnation d'Athéna. A présent je vais pouvoir honorer sa réputation et enfin montrer que je ne suis pas un Chevalier raté. Que ma toute puissance, l'ultime cosmos, me permette de terrasser mon ennemi !

Diomède tenta de se reprendre et se concentra pour contrer l'impétueux Saint, canalisant une sphère d'énergie pure dans sa main, trois cavales se dessinant alors dans son cosmos : il semblait même qu'on pouvait les entendre hennir.

A cet instant l'esprit de Jabu était vide, plus d'états d'âme, plus de sentiments, plus de douleur, plus de rêves ni d'espoir : juste la concentration, dernier instant entre vie et trépas. Il ouvrit les yeux, même si le sang s'échappant de son crâne l'empêchait de discerner convenablement son adversaire, et levant son bras vers le haut, leva par la même son cosmos en un tourbillon violacé : la licorne se cambra alors violemment.

L'ultime dénouement de cette épreuve allait enfin avoir lieu : pureté contre violence, licorne contre cavales, Chevalier d'Athéna contre Berserker d'Arès, ennemis de toujours.

Le supplicié murmura alors des mots que son adversaire ne put comprendre, ce dernier en prononçant d'autres bien plus distinctement :

- Parce que j'ai enfin accepté mon destin de Chevalier. Adieu Saori, Abdéros, et mes frères…
- Crucifixion !

Et alors que le cosmos de Diomède pénétrait la terre et que le sol derrière le Saint de la Licorne se soulevait en une croix mortuaire, d'ultimes paroles sortirent des lèvres de celui sans plus aucune armure :

- Unicorn Thousand Pïcks !

En hommage à l'aiguille écarlate de Milo, l'être qui a su révéler tout le potentiel enfoui en moi…

La licorne spectrale sembla alors se démultiplier et, corne en avant, fonça sur Diomède concentré sur sa technique de Crucifixion. Les cavales furent alors littéralement déchiquetées par la licorne virginale. Des centaines de pics arrivèrent sur le Guerrier des Supplices qui n'eut que le temps de placer ses mains devant son visage. Il se sentit traversé de toutes parts par la corne démultipliée de l'équidé mythique, comme en répartie à la torture de la croix maléfique, ayant jadis transpercé le corps du Saint. Le roi fut projeté à plusieurs dizaines de mètres en arrière, des gerbes de sang accompagnant son envol. Jabu quant à lui gisait sur une nouvelle croix, la tête penchée en avant, inanimé, des gouttes de sang élargissant la mare écarlate sous ses pieds…

Ainsi cette épreuve définitivement prit fin, Jabu, aidé en cela par le valeureux Chevalier d'Andromède, libéra le peuple de Thrace de son infâme souverain, le roi Diomède, épargnant ainsi à bien des âmes le supplice de se faire dévorer par des cavales anthropophages, rendant également justice à toutes les âmes damnées du fils d'Arès, leur offrant un éternel repos.

Malgré tout, le destin peut parfois s'avérer généreux quand la cause est juste : quelques minutes après la fin des combats arrivèrent certains habitants des environs, ayant perçus l'énormité du cataclysme s'étant déroulé en ces lieux maudits. Abdéros aussi reparut, ayant attaché les juments prêt du lieu où il avait rencontré Jabu, comme prévu. Alerté par l'explosion successive de trois cosmos, il ne put se résoudre à rester en arrière, comme un lâche, fuyant son destin qui n'était autre que d'épauler les Chevaliers d'Athéna. Devant ses yeux, l'horreur avait pris forme : son ami crucifié sur une croix noire d'ébène, son jeune frère le dos perclus d'une autre de ces mortelles potences.

- Noooooooooooooooooooooooooon !

Hurlant de tout son soûl à en effrayer la plupart des spectateurs présents, il courut vers son ami, des larmes plein le visage. Tout en pleurant et criant le nom de son compagnon, maudissant pour l'éternité Diomède, il détacha l'Unicorn Saint avant de déposer délicatement sa tête sur ses genoux, caressant ses cheveux.

- Jabu, pourquoi ? Pourquoi t'être sacrifié pour une cause qui n'était pas la tienne ?

Une de ses larmes tomba alors sur le visage carmin de son ancien camarade d'entraînement, ne pouvant s'empêcher de regarder cet ami qu'il venait à peine de retrouver et qu'il perdait déjà, si prématurément.

- Urg… Parce que… parce que cette cause est mienne s'il s'agit de sauver des innocents… répondit miraculeusement Jabu, ignorant la douleur, avant d'ouvrir les yeux et de sourire à Abdéros qui le serra dans bras.
- Doucement Abdéros…
- Je te croyais mort !
- Bientôt si tu me serres encore… lui répondit-il d'un sourire crispé, avant de dire sèchement. Mais Shun, va voir Shun…

Puis il retomba dans l'inconscience. L'ex-aspirant à l'armure de la Licorne se précipita alors vers le Chevalier divin pour s'assurer que ce dernier respirait encore, même si lui aussi était sévèrement blessé, au seuil de la mort. Se retournant alors vers le public muet, il leva les mains au ciel et hurla à la foule :

- Bénissez ce jour, peuple de Thrace, car ces deux valeureux Chevaliers viennent de mettre fin au règne de violence instauré par Diomède, fils d'Arès ! Qu'on apporte au plus vite des civières et qu'on prodigue les meilleurs soins aux héros de notre royaume !
- Gloire aux héros ! hurlèrent en chœur les personnes présentes, avant de chercher tout ce qu'il fallait pour déplacer les deux Saints et leur prodiguer tous les soins nécessaires..

Abdéros ne doutait pas un instant qu'ils s'en sortiraient tous deux : après tout ils étaient des Chevaliers d'Athéna, et leur destinée n'était pas encore de mourir, pas maintenant qu'ils étaient sortis victorieux de leur acharnée bataille…

Peu de temps après le jeune homme s'en retourna là où il avait laissé les cavales de Diomède, mais plus aucune ne se trouvait là : elles avaient toutes disparues, mystérieusement, comme par miracle…

Dans un lieu indéfinissable, à l'abri des fluctuations du temps…

- J'espère que personne ne m'en voudra d'aider un peu ces valeureux Chevaliers en modifiant la courbe temporelle pour eux. Car si je les laissais chacun seul pour leur épreuve, je ne sais pas s'ils pourraient s'en sortir victorieux… Malgré tout j'ai foi en eux, comme mon enfant leur fait confiance : car elle seule connaît la véritable force, cette puissance capable d'inquiéter même le plus grand dieu : le pouvoir illimité de l'Amour… Après tout qui m'en voudra de leur donner un petit coup de main. Hihihi.

Ainsi résonna de mille échos le rire de Rhéa, assise dans son palais mythique, à l'abri des dieux et des mortels. Il était maintenant temps pour elle de voir ce qu'il se passait pour d'autres de nos Chevaliers.

Chapitre précédent - Retour au sommaire - Chapitre suivant

www.saintseiya.com
Cette fiction est copyright Elissa Eid et Frédéric Biedermann.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.