Chapitre 3 : Les Frères Ennemis


Damon était assis sur une pierre au pied des marches qui menaient à maison du Bélier. Il savait que son gardien était présent, mais cela ne l'intéressait pas. Neutre, le chevalier du Bélier, avait gardé la mentalité qui avait fait l'honneur de l'Ordre, comme Ephios, le chevalier du Sagittaire. Ils étaient les seuls dont il sentait la présence, s'il faisait exception du cosmos glacial de quelqu'un de bien plus fort que les Chevaliers d'Or: Hyoga, le Grand Pope. Le Sanctuaire avait changé, mais le danger revenait, et les Chevaliers d'Or allaient tous devoir s'habituer au confort plus que rudimentaire des temples de marbre blanc. Il sourit. Ce ne serait certainement pas de gaieté de cœur.

L'air se mit à vibrer à quelques mètres sur sa gauche. Quelqu'un arrivait. Une seconde plus tard, un homme se tenait debout là où il n'y avait rien auparavant. Cette apparition fut immédiatement suivie d'une deuxième. Les deux hommes étaient aussi différents qu'il était possible de l'être. Le premier arrivé était grand, il devait dépasser Damon d'au moins une tête. Sa peau était sombre, et son corps était admirablement proportionné. Il avait les épaules larges et un bassin étroit, et ses jambes, malgré leur finesse, étaient robustes. Ses cheveux blonds, coupés courts, encadraient un visage ouvert qui, s'il n'était pas à proprement parler beau, dégageait un charisme évident.

La taille était le seul point commun avec son compagnon. Celui-ci était fin, si fin qu'il paraissait frêle à côté, et son teint était blafard. De long cheveux noirs lui tombaient sur les épaules, et, sans la barbe naissante qui lui couvrait les joues, on aurait pu le prendre pour une fille. Ses yeux dégageaient une impression d'intelligence phénoménale, et de dureté indestructible.

Damon se leva et s'avança vers les nouveaux venus. Ceux-ci s'agenouillèrent.

- Seigneur, nous sommes à tes ordres, dirent-ils d'une seule voix.

- Arès, Hadès, je savais que vous viendriez, mes fidèles lieutenants.

Ils se relevèrent. Hadès leva les yeux vers le temple d'Athéna, qui trônait au sommet de la falaise, tout en haut des escaliers reliant les douze maisons des signes du Zodiaque.

- Tu sais combien ça me coûte de venir ici… Il sourit. J'ai pourtant tout fait pour rayer cet endroit de la surface de la Terre.

Damon fronça les sourcils. Ce n'était pas le moment de réveiller de vieilles querelles.

- Pour le moment, c'est notre avant-poste dans une zone qui va bientôt être en guerre. Et on a intérêt à le garder. Parce que si on venait à le perdre…

Il s'interrompit. Il détestait envisager cette éventualité. Perdre le Sanctuaire, c'était perdre la Terre. Aucun des autres ordres de chevalerie ne ferait le poids contre les forces de Khan. Pas si, comme il le pensait, celui-ci s'était trouvé un allié, dans cette dimension où il avait été enfermé jusque maintenant. Et perdre la Terre serait leur fournir une tête de pont vers tout l'univers. Il leur suffirait de tenir la planète et de l'utiliser comme plaque tournante pour envoyer leurs porteurs de mort sur tous les systèmes solaires de la Voie Lactée. Après, qui sait ce qui pourrait les arrêter?

Il fut tiré de son cauchemar par la voix d'Arès.

- Pourquoi nous as-tu convoqués?

- Je le dirai quand tout le monde sera présent.

Il détestait se répéter, surtout quand leur annoncer le danger devait s'accompagner d'une autobiographie, si brève fut-elle.

L'air se mit de nouveau à vibrer. Deux personnes, se dit-il.

Il regretta aussitôt cette pensée. On ne pouvait pas vraiment parler de personnes, du moins pour l'une d'elles. L'homme qui venait d'arriver; puisqu'il fallait parler d'un homme, devait mesurer près de quatre mètres, et ses bras évoquaient plutôt le tronc d'un chêne. Il était tout bonnement gigantesque. Sa peau avait été brûlée par tous les soleils de la galaxie, et ses cheveux noirs ne devaient plus avoir connu de peigne depuis des années. La femme qui l'accompagnait avait l'air d'un brin d'herbe à côté de lui. Ses cheveux étaient d'ébène, coupés par une mèche d'argent, et lui arrivaient presque à la taille. Elle était grande et mince, et son corps, qui paraissait athlétique, n'avait pourtant en rien perdu de son charme. Damon la regarda intensément; il ne la connaissait pas.

- Comment vas-tu, Héraclès? Dit-il en tendant la main au géant.

- J'étais en pleine chasse à l'homme, et voilà que je reçois un message du patron, Il écrasa la main de Damon dans son immense paluche. Celui-ci ne put retenir une grimace. Un sourire courut d'une oreille à l'autre sur le visage d'Héraclès.

- Mais je manque à tous mes devoirs, dit-il en se tournant vers la jeune femme qui l'accompagnait. Messieurs, je vous présente Lillith. Elle m'accompagnait dans ma partie de chasse; et je n'ai pas eu le courage de la planter là en pleine bataille.

- J'aurais très bien pu finir le travail toute seule, se récria-t-elle.

Damon s'avança et, lui tendant la main, se présenta, ainsi que ses deux amis.

- Je suis Hermès, et voici Arès et Hadès, dont vous devez déjà avoir entendu parler. Je suis très heureux de faire votre connaissance. C'est très rare que quelqu'un parle de la sorte à notre ami sans se faire directement écraser sous son pied. Je vous félicite.

Il souriait ironiquement en disant cela, et la jeune femme le lui rendit de bonne grâce, à ce qu'il semblait.

- Il n'a pas intérêt à me toucher, sinon il aurait ma mère sur le dos.

Devant l'air ahuri des trois hommes, elle ajouta, un sourire gêné aux lèvres :

- C'est mon père.

Damon sortit le premier de sa torpeur. Il avait l'impression que ses yeux allaient tomber hors de leurs orbites et pendre lamentablement au bout des nerfs optiques.

- Vous voulez me faire croire que cet espèce de monstre qui ressemble plus à un char d'assaut qu'à un être humain a réussi à trouver quelqu'un qui le supporte assez pour lui avoir fait une fille, et que cette fille c'est vous?

Sans attendre de réponse, il se tourna vers le Dieu de la Force, et éclata de rire. Le spectacle du géant dont les joues avaient viré au rouge et les yeux trahissaient l'embarras, était tout bonnement hilarant. Aucun de ses ennemis ne l'avait jamais vu dans une telle situation.

- Celle-là elle est bien bonne. Et comment as-tu réussi à concevoir cette charmante jeune fille?

- Je ressemble plutôt à ma mère, répondit-elle à la place de son père.

- Sans blague! Ne put s'empêcher de lâcher Arès.

Il éclata immédiatement de rire, imité par Hadès et Damon, et suivi de peu par Héraclès. Lillith se contentait de sourire gentiment.

- C'est le moins qu'on puisse dire, fit une voix grave dans leur dos.

Pris par le comique de la situation, Damon n'avait pas perçu l'arrivée de l'homme. Le groupe se retourna dans la direction d'où la voix était venue, et Damon put lire la surprise sur les visages de ses hommes, un air bientôt remplacé par la méfiance. Lillith quant à elle ne semblait pas connaître l'arrivant. Celui-ci se tenait debout à une dizaine de mètres, et les regardait avec un air moqueur. Damon comprit ce qui avait causé la surprise générale. Un sourire satisfait lui vint aux lèvres, et il se décida à rompre le silence.

- Bonjour, mon frère. Sois le bienvenu.

- Merci, Gallaan. Il fronça les sourcils, sans pour autant perdre son air moqueur. Je vois que tes amis ne sont pas au courant.

- Ils vont bientôt l'être, ne t'inquiète pas.

Lillith se tourna vers son père. Une question lui brûlait visiblement les lèvres.

- Qui est-ce, père? Il lui ressemble tellement qu'on dirait un sosie. Tu ne m'en a jamais parlé…

- C'est parce que… commença Héraclès.

Damon l'interrompit.

- Tout le monde le croyait mort. Et il l'était. Je te présente mon frère jumeau, Telliaan, continua-t-il en s'adressant à la jeune femme.

Arès, les yeux glacés de colère, ne put s'empêcher de murmurer:

- Comment ce monstre est-il encore en vie?

Malgré le ton qu'il avait employé, sa phrase fut saisie par toutes les oreilles présentes. Mais Telliaan ne sembla pas s'en affecter.

- Je suis plus coriace que tu le pensais… répondit-il simplement. Son expression moqueuse s'estompa cependant légèrement.

- Je lui ai rendu la vie, continua son frère.

- Quoi! s'exclamèrent en même temps Arès et Héraclès. Celui-ci poursuivit:

- Mais… pourquoi?

- Parce que nous allons avoir besoin de lui, comme d'ailleurs nous aurions besoin de toutes les forces de la Galaxie, répondit Damon sans se démonter. Vous ne semblez pas saisir l'importance de ce qui nous attend…

- Je ne vois en effet pas quel péril peut justifier une telle alliance, confirma Arès. Ses lèvres étaient pincées, et tout son visage d'ordinaire si ouvert semblait figé dans le marbre.

- Vous le saurez bientôt, conclut Damon.

Pendant cette discussion, Shiryu et Ikki étaient arrivés, suivis de près par Bud et Siegfried, et s'il pouvait lire dans leurs yeux le même mélange de colère et de surprise - et aussi de peur, constata-t-il, amusé - il savait qu'aucun d'eux ne discuterait sa décision, une fois qu'il les aurait informés de la situation. Ce qui ne serait peut-être pas le cas de tous, songea-t-il avec inquiétude…

Il se dirigea néanmoins vers son frère, qui, après une brève hésitation, lui tendit la main, avec un sourire d'où l'ironie avait totalement disparu. Telliaan parvint même à ajouter:

- Je suis heureux de te revoir, mon frère, mais j'aurais préféré que ce soit dans d'autres circonstances…

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Cette fiction est copyright Thomas Goffin.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.